Marcher hors de son élément

Après avoir déposé la mouette blessée chez les pompiers, je retrace mes pas pour enfin commencer ma balade. Port de Nieuport : un héron à droite, un groupe de courlis cendrés à gauche, et, un peu plus loin, quelques vanneaux huppés – j’aime leurs couleurs, leurs reflets, leur élégance. Photos de ce beau monde :-)

Par précaution, je retourne regarder le premier cadavre que j’avais aperçu (voir mon article sur la mouette blessée). Il est immobile, exact, sans le moindre souffle. Il est bien mort. Plus loin, à l’endroit où je pensais que se trouvait la mouette, un tas de plumes – littéralement des restes. Rien d’identifiable, juste des paquets de plumes arrachées. Je me demande : un prédateur, un chien sans laisse ? Ou avais-je simplement manqué ce petit tas de plumes dix mètres plus loin, la première fois ? Je n’ai pas la réponse. En avançant encore, je retrouve finalement l’endroit où était ma mouette : il ne reste que quatre ou cinq petites plumes, éparses.

Je soupire, je respire profondément pour calmer les émotions qui m’ont été secouées. Il est 9 h ; le port commence à s’animer, surtout des gens promenant leurs chiens, mais l’ambiance reste douce, propre à une matinée de vacances.

J’entends des Huitriers-pie. Ces échassiers noir et blanc (comme une pie), ont un bec, des yeux et de longues pattes rougeoyantes. Leur cri aigu me parvient distinctement (j’ai une légère déficience auditive pour les sons graves, les aigus me restent). Je me dis que ce serait beau de les photographier en vol : j’ai déjà de beaux portraits, il me manque le mouvement. Comme leur nom l’indique, ces oiseaux se nourrissent principalement d’huîtres !

Les photos, en vol, c’est un Vanneau huppé et non un Huitrier-pie (on ne choisit pas toujours les sujets – rires)

Sur la berge, un individu d’huitrier est posé non loin d’un courlis ; plus loin, un couple d’huitriers piaille. Dans l’eau, j’aperçois un grèbe huppé. Pas vraiment un « canard » – bec droit et pointu, plongeur né, avec sa jolie houppe rousse quand il la déploie ; les petits, eux, sont rayés, on dit qu’ils portent leur pyjama. Je le vise avec l’appareil, m’attendant à le voir plonger et disparaître.

Il plonge. Il réapparaît aussitôt et nage vers la berge – et là, il fait quelque chose qui me surprend : il sort de l’eau, se redresse sur les pierres glissantes et… il marche ! Droit comme un i, mais maladroitement. Il trébuche, se couche, se redresse, recommence. La scène est cocasse après l’intensité du sauvetage de la mouette : je souris, puis je ris tout bas. Personne autour de moi. Je lui parle à voix haute, comme si j’étais seule avec lui :
« Dis, tu sais que tu as des ailes ? Tu pourrais voler un peu pour te poser au soleil. »

La séquence dure cinq à six minutes, largement le temps de prendre des photos et de filmer deux courts instants. Le grèbe n’est pas fait pour marcher : ses pattes palmées sont conçues pour nager et plonger, implantées très en arrière sur le corps. Sur le moment, je pense qu’il s’agit d’un jeune qui n’a qu’une seule envie : se sécher au soleil. L’obstination de la jeunesse fait qu’il s’entête à grimper sur les pierres. Il nageait correctement, il plongeait, il a volé sans difficulté. Ses chutes semblent plutôt dues au manque d’appui, ses pattes posées parfois entre deux pierres, que témoignant d’une blessure grave. Il était seul, pas harcelé par les autres oiseaux. Après une dizaine de pas maladroits, il s’arrête, se repose quelques secondes au soleil, puis il vole jusqu’au bord de l’eau et se couche, avant de regagner la surface.

Je poursuis ma balade, heureuse du calme, du soleil, du silence et de la compagnie des oiseaux.

Le lendemain, en visionnant mes photos et vidéos au calme, je me demande si ce comportement n’aurait pas une cause neurologique. Par curiosité et souci d’interpréter au mieux, je publie quelques images sur une page Facebook dédiée aux observations d’oiseaux en Belgique. Rapidement, deux commentaires me tombent dessus : pas des réponses ou des hypothèses, mais des reproches : je n’aurais pas « aidé » le grèbe, j’aurais dû le remettre à l’eau, l’attraper pour le soigner. La critique, sèche, me blesse. J’ai choisi de ne pas répondre à ces messages. J’ajoute cependant un édit à ma publication pour préciser que je venais d’avoir réalisé un sauvetage plus tôt ce matin – la mouette – que le grèbe n’était pas accessible, et que son comportement général ne me paraissait pas anormal (il nageait et volait). J’offre même, pour qui voudrait tenter quelque chose, d’indiquer l’endroit exact en message privé.

Bizarrement, après cette précision, plus rien. Finalement j’efface ma publication et je quitte la page. J’ai ressenti, entre déception et lassitude, le poids du jugement facile face aux situations de nature, et la fragilité d’un regard qui ne sait pas toujours prendre en compte le contexte.

*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*

Je n’oublierai jamais cette image : un grèbe, oiseau des lacs et des rivières, dressé sur ses pattes maladroites, avançant sur la terre ferme.
Cet oiseau n’est pas fait pour marcher ainsi. Ses pattes, placées très en arrière, le rendent instable, presque comique. Et pourtant, il avançait. Lentement, mais avec une détermination tranquille.

Peut-être que cela pourrait dire que moi aussi, je vis entre deux mondes. Comme lui, je dois trouver l’équilibre, m’adapter, passer de l’air à l’eau, du rêve à la réalité, du visible à l’invisible.
Le grèbe plonge profondément avant de réapparaître plus loin. Et moi, n’est-ce pas ce que je fais aussi, quand je m’immerge dans mes pensées, mes émotions, mes projets, pour en ressortir avec quelque chose de précieux : une idée, un texte, un outil à transmettre ?

Ainsi, je dois davantage accepter l’inconfort, comprendre que parfois je serai “hors de mon élément”, et que c’est précisément dans ces moments-là que je construis les ponts vers ce que je veux atteindre.
Peut-être que cette marche un peu hésitante, c’est le reflet de ma propre traversée : quitter un univers, en rejoindre un autre, passer d’une rive à l’autre.
Et dans ce passage, me rappeler de rester droite, fière, même si mes pas ne sont pas gracieux. Car ce n’est pas la beauté du mouvement qui compte… mais la force qui me pousse à avancer.

Je ne suis pas fait pour la terre ferme… et pourtant, me voici.
Je marche, bancal mais debout, porté par la nécessité.
Chaque pas me rapproche de l’eau qui m’attend,
chaque pas me rappelle que la maladresse n’est pas l’échec.
Tiens-toi droit, avance, même dans l’inconfort.
Ce qui compte n’est pas la grâce du mouvement,
mais la force qui te pousse à traverser
.

Ce matin-là, j’ai porté la mer

Vacances. Mer. Bain de vent iodé.
J’adore. J’en ai besoin. Une fois par an.

Mais ces vacances-là sont différentes. Je suis en période de chômage… et pourtant plus occupée que jamais. J’imagine mon futur métier. Mon activité cœur. Mon premier vrai projet de vie. Peut-être pas le dernier.
Étrangement, je n’ai jamais autant travaillé sur quelque chose encore en gestation. J’adore ça : réfléchir, imaginer des programmes, créer des ateliers pour enfants, pour adultes. Créativité, rédaction, mise en page, flyers, planification, recherche de clients et de partenaires… Mon cerveau turbine. (parfois trop)

Je suis une boule d’“hyper” : hyperactive, hypersensible, hyperempathique, hyperenthousiaste, hyperimpatiente. Tout ça à la fois.

Peu avant de partir, je me suis offert un livre sur la marche d’intention (Marcher pour décider, de Chiara Kirschner). Pour m’aider à décider, à trancher, à avancer. Surtout dans mon projet professionnel.
Mais j’ai commencé… à l’envers. J’ai d’abord customisé un carnet d’écriture. Puis j’ai commencé à marcher tous les jours. Et seulement après, j’ai ouvert le livre.

Je m’étais fixé un petit programme pour les vacances. Une semaine. Sept jours. Je voulais continuer à marcher chaque jour, seule ou accompagnée. Et noter les signes qui apparaissent pendant la marche.

Vacances en famille, mais différentes. Nos enfants sont grands. Le dernier vient tout juste d’atteindre l’âge adulte. Il aime la mer, il aime marcher. C’est tout. Il ne parle pas, ne partage rien, ne propose rien.
Sa sœur, plus âgée, est rentrée à la maison quand je suis partie. Il faut bien quelqu’un pour veiller sur nos chats adorés.

Je n’ai pas pris le livre sur la marche. Ni mon ordinateur. J’avais envie de balades sans objectifs. Marcher, juste marcher. Aérer mon cerveau en surchauffe. Même sous la pluie. Ne pas trop photographier. Être là, simplement, à l’écoute des signes.

Mon programme, donc.
Un matin, très tôt, départ de La Panne. Seule, pour ne pas imposer un réveil à l’aube à mon mari et mon fils.
Et puis, ça m’arrange. J’aime être seule, parfois. J’en ai besoin.
Direction Nieuwpoort pour les oiseaux, bien sûr. Et, avec un peu de chance, apercevoir un phoque…

Il est 7h20 quand je descends du tram. Pas de GPS, mais je me repère sans problème. Je rejoins tranquillement le port. Début de ma balade solitaire. Il fait clair depuis plus d’une heure, le ciel promet de briller de bleu, le vent léger et frais. Pas de pluie annoncée pour aujourd’hui, ou alors seulement fin de soirée, durant la nuit.

Sac à dos, chaussures de marche, appareil photo. Je savoure le silence, le calme, ce moment rien qu’à moi.
Avant d’atteindre le port, j’aperçois un héron cendré d’un côté, un groupe d’oiseaux bruns de l’autre. Trop loin pour que je les identifie, mais je les photographie. Deux ou trois clichés. Des courlis cendré, avec leur long bec incurvé.
Même si le héron est un ami, je le prends quand même en photo…

Ce héron… C’est un oiseau important pour moi. L’un des premiers que j’ai photographiés à la fin de mon adolescence. Sans le savoir, il m’a guidée dans mes débuts de photographe amatrice.
Aujourd’hui je sais qu’il symbolise la solitude, la patience, la guérison intérieure. Qu’il est vu comme un lien entre conscient et inconscient. Et je comprends pourquoi je l’ai toujours considéré comme mon guide.
Chaque fois que j’en croise un, je souris, je lui parle mentalement. Je ralentis, j’adopte son tempo. J’observe. Je m’imprègne.

Mais à peine ai-je dépassé ce héron qu’un choc me saisit.
Un corps. Celui d’un oiseau, allongé sur le talus. Un goéland ? Une mouette ? Difficile à dire. Juste un corps sans vie qui repose sur des grosses pierres recouvertes de mousse, à l’entrée du port.
Je zoome avec mon appareil photo. Il est bien mort. Je ne peux rien faire. Et de toute façon, l’endroit est dangereux, quasi inaccessible.

Je reprends ma marche, cette image en tête. Vingt ou trente mètres plus loin : un deuxième corps.
Une mouette, cette fois. Les coudes ensanglantés.
Sa posture est sans équivoque : elle a été percutée, puis abandonnée. Ses ailes sont étrangement déployées, sa tête rejetée en arrière, collée à son dos.

Là, mes larmes montent.
La voir ainsi tord mes émotions. Je prends une photo. C’est morbide, je le sais. Mais je déclenche. Pourquoi ? Pour qui ? Je l’ignore. Clic.
Le vent fait bouger une plume sur sa tête. Je zoome à fond… Et là : un cri.
Faible. Un gémissement.
La mouette !

Je crois rêver. Elle ne peut pas être vivante !
Mais sa tête bouge. Légèrement. Un deuxième cri, aussi faible que le premier.

Quand on est comme moi, hypersensible et hyperempathique, on ne fait pas que voir : on ressent.
Je ressens tout. Sa douleur, le froid, la peur, l’abandon.
Ma première pensée : il faut abréger ses souffrances. Mais je suis incapable de tuer un animal. Je n’arrive déjà pas à écraser un moustique…
Je ne peux pas la laisser là. Mourir à petit feu, seule, dans la souffrance.

Je ne réfléchis plus. J’agis.

J’enlève mon pull, range mon appareil photo dans le sac. Et je descends dans le talus. Humide, glissant, tapissé de mousses.

Là où elle est tombée, le sol est plat. Pas très large, mais assez pour déposer mes pieds, entre des touffes d’herbes et de la mousse.
Je m’agrippe entre deux pierres, d’une main. L’autre main glisse sur la mousse ou attrape de l’herbe, car le sol est vachement glissant. Je descends. Un mètre cinquante, peut-être deux. Je ne sais pas mesurer les distances. Mon mari dirait : « tu n’as pas le compas dans l’œil ». Mais disons : deux mètres. Pas plus.

Le temps m’a paru long pour poser un pied à dix, douze centimètres d’elle. Mais j’y suis arrivée. Je m’assure de ne pas glisser, je relâche ma prise. Je ne pense même pas que je pourrais tomber dans l’eau à tout moment. Tout ce qui m’importe, c’est elle.
Et elle est vivante. En sale état, mais vivante.

Je ramène ses ailes contre son corps. J’ai besoin de mes deux mains pour cela. En équilibre, l’oiseau contre mon t-shirt, maintenu d’une seule main, j’ouvre mon pull avec l’autre. Je l’enveloppe du mieux que je peux. J’évite sa tête.
Elle me picore doucement un doigt.

Je ne sais même pas comment j’ai fait pour remonter, une main prise qui maintient un corps fragile. Mais j’y arrive. Me voilà de retour sur le trottoir, la mouette emmitouflée dans mon pull. Sa tête toujours rejetée en arrière dépasse du tissu.
J’ai chaud. Je transpire. Et j’ai froid. Le soleil est là, mais timide, la température doit avoisiner les 14 degrés Celcius.

Je reprends mes esprits, je vérifie qu’elle respire toujours.

Un homme passe avec son chien. Je l’interpelle en néerlandais. Où puis-je trouver de l’aide pour l’oiseau ?
Il me conseille d’appeler le centre de soins d’Ostende. Ostende n’est qu’à une dizaine de kilomètres de Nieuport… mais je suis à pied.

Heureusement, mon téléphone est là. Merci les smartphones. Je trouve rapidement le numéro du centre. Il est à peine 8h. Ils ouvrent à 9h. J’appelle quand même… Et miracle : quelqu’un décroche !

Toujours en néerlandais, j’explique tant bien que mal la situation. La dame est douce, attentive. Elle me dit d’emmener la mouette chez les pompiers de Nieuport. Quelqu’un du centre viendra la chercher là-bas.

Nouvelle recherche. Merci Google Maps, car mon sens de l’orientation… n’existe pas.
Les pompiers sont à une demi-heure de marche. Près de l’arrêt de tram où j’étais descendue ce matin.

Le soleil commence à chauffer. J’ai une casquette, mais elle est encore dans mon sac. Tant pis, je la mettrai plus tard. J’avance, l’oiseau fragile dans les bras.

À une centaine de mètres de la caserne, un miracle : la mouette redresse la tête. Un espoir, mince mais réel.

photo avec mon smartphone pour prévenir mon mari
(une photo vaut mille mots)

Tout le long du trajet, je lui parle doucement. Je l’encourage à tenir le coup. Et, en silence, j’adresse une prière au Maître Sacré des Oiseaux pour qu’elle ne meure pas dans mes bras.
Je suis incapable d’abréger les souffrances d’un être vivant, mais je suis tout aussi incapable de porter un corps sans vie. Je ne sais pas expliquer. C’est viscéral. Soulever un cadavre, même animal, me bouleverse. C’est trop. La vie absente, ça me glace.

Elle semble plus vivante que morte.

Arrivée chez les pompiers, une jeune femme me reçoit. Elle me montre une boîte prévue pour les animaux blessés. Mais je refuse de la déposer nue, sur le plastique froid. Mon pull est imprégné de chaleur, celle du soleil et de nos corps. Je la dépose donc avec le pull.
Je n’ose pas poser de questions, mais en partant, je croise les doigts pour qu’elle ne doive pas subir les bruits d’alarme de la caserne, les gyrophares, le stress du lieu.

Le centre m’a promis qu’ils feraient tout pour la soigner. Et que si ce n’était pas possible, elle partirait en douceur, sans douleur.

-*-*-*-*-*-*-*-*-*

En ramenant cette mouette chez les pompiers, j’ai eu l’étrange sensation de me raccrocher à quelque chose d’essentiel.
Ces dernières semaines, malgré mon assurance en surface, j’ai beaucoup douté. Ces derniers jours, j’ai même envisagé de renoncer à mon projet. De laisser tomber l’écriture, les ateliers, les humains. Peut-être qu’il serait plus simple de soigner les oiseaux, de m’occuper du vivant sans parler, sans raconter, sans créer.

Mais en portant cette mouette contre moi, j’ai senti que ce n’était pas elle uniquement que je devais sauver. En l’enveloppant dans mon pull, j’ai enveloppé un rêve. Un projet. Mon projet. Celui qui se débattait en silence. C’était ma propre envie de continuer.

Ce n’est pas l’oiseau qui m’a appelée. C’est moi qui avais besoin d’entendre un cri plus profond : celui de ne pas abandonner.
Ce jour-là, quelque chose en moi a décidé de ne pas renoncer. Pas tout de suite. Pas comme ça.

Cette mouette, ce n’était pas qu’un oiseau. C’était un fragment de moi.

Ce n’était pas un miracle. C’était un rappel. Une main posée sur mon épaule invisible : Tu n’es pas seule. Ce que tu fais a du sens. Reste vivante. Continue.
Et dans le bec faible de la mouette, j’ai compris : ne me laisse pas mourir.

*-*-*-*-*-*-*-*-*

Aujourd’hui, plus de sept jours ont passé.
J’ai envoyé un message au centre pour savoir si ma mouette avait survécu à ses blessures et au transport.
J’attends leur réponse. Je l’espère positive. Même si je sais qu’elle avait peu de chances.

C’était l’histoire de mon sauvetage, durant ces vacances.
Mais ce n’est peut-être pas la fin. Il s’est passé autre chose, au même endroit, à mon retour. Une nouvelle rencontre étrange, avec un oiseau.

Mais ça, c’est une autre histoire.
Suivez-moi, ne manquez pas la suite de mes aventures ornithologiques en bord de mer :-)

Et si, comme moi, la cause animale vous touche, si vous voulez soutenir le centre de soins d’Ostende, n’hésitez pas à leur faire un petit don. (clic sur leur logo)
Ils accomplissent un travail extraordinaire, sauvant chaque année des centaines – peut-être des milliers – d’oiseaux et d’animaux sauvages.

Marcher sans but…

…  et rencontrer la bonne personne au bon moment

Et si une simple balade devenait le point de départ d’une belle rencontre ? Parfois, sans chercher, on reçoit exactement ce dont on avait besoin. Ce soir-là, j’ai suivi mon élan, et la vie m’a offert un moment suspendu, inattendu et profondément juste.

Un pas après l’autre…

Ce soir, après le souper, je me suis décidée à marcher. J’essaie d’en faire une habitude. Avant les vacances, j’étais bien partie. Pendant les vacances aussi. Mais depuis la reprise, la pluie s’est invitée et, avec elle, ma motivation a un peu glissé sous la table.

Alors ce soir, sans trop réfléchir, je me suis remise en mouvement. Objectif : 5000 pas. Pas pour une course, ni un défi. Juste pour respirer. M’aérer. Mais marcher sans but précis, ce n’est pas encore évident pour moi. Alors je choisis une direction : la boîte à livres à 2,5 km de chez moi. Un repère.

Je pars sans prendre de photos. Lentement. J’essaie.

Une rencontre inattendue

Arrivée devant la maison communale, où se trouve la boîte, je croise une dame du quartier. Plus âgée que moi. L’âge de ma maman. Nous ne nous connaissons pas, mais nous voilà toutes les deux à fouiller les livres. La boîte est bien garnie ce soir. Ce petit détail suffit pour ouvrir la conversation.

Et puis, naturellement, on parle. Beaucoup. Vraiment beaucoup ! On partage des petits bouts de nos vies. Un peu du passé. Un peu du présent. Un peu de l’avenir.

Et puis, voilà que je lui parle de mes ateliers d’écriture, de mes livres, de ce que j’appelle mon « métier cœur », mon projet, en pleine gestation. Elle m’écoute. Elle partage aussi. Et, sans même qu’on s’en rende compte, une vraie discussion s’installe. Humaine, simple, chaleureuse. Pleine de points communs et de petits échos.

En nous quittant, elle me demande si j’ai toujours été aussi pétillante.

Je souris. Oui, je prends. Merci, Madame, pour cette demi-heure de vie partagée. Vous m’avez offert une vraie bouffée d’oxygène.

En confiance, sur le bon chemin

Ce matin et cet après-midi, j’avais commencé à corriger mon prochain livre, qui devrait sortir en septembre ou octobre. Mon tout premier carnet-guide ornithothérapeutique. C’est du concret. Du vrai. Je sens que je suis enfin là où je dois être.

Moins dans les projections, plus dans l’action. Dans l’écriture, la création, la mise en forme d’outils qui accompagneront mes ateliers. Cette balade sans attente, cette rencontre pleine de douceur, sont venues me confirmer que je suis bien sur mon chemin.

Marcher m’a fait du bien. La vie m’a fait un clin d’œil. Et je l’ai vu.

💬 Et vous ?

Vous est-il déjà arrivé de sortir “sans but” et de faire une rencontre qui a résonné profondément ?

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A l’ombre des mots partagés, l’essence des liens par-delà les frontières


Merci, Monsieur Ali Massou

Il arrive que les mots voyagent vite, très vite, qu’ils créent des liens là où la distance semble faire obstacle.
J’aimerais aujourd’hui écrire non pas un simple article, mais un merci. Un merci doux, discret et lumineux comme les poèmes que j’ai la chance d’accueillir sur mon blog, venus d’un ailleurs que je n’ai jamais foulé, mais que j’habite un peu, désormais, par l’écriture.

Tout a commencé par un échange avec une femme poète du Maroc : Zineb Mokhtari.
On ne s’est jamais rencontrées. Et pourtant, ses poèmes sont devenus chez moi des graines de beauté. Une bulle d’air. Un souffle. Une respiration.

Un jour, elle m’a transmis un message. Une photographie, un mot manuscrit.
C’était une lettre de Monsieur Ali Massou, écrivain et poète marocain. Un de ses amis.
Il me disait qu’il avait lu certains de mes textes, et qu’il m’avait trouvée sincère. Sans fioriture. Authentique. Une véritable artiste-poète, a-t-il écrit.
Il m’a souhaité du succès, celui que l’on mérite pour sa justesse, sa parole vraie, son engagement à dire.

Ce mot m’a touchée. Non pas par flatterie. Mais parce qu’il venait d’un homme qui, lui-même, fait vivre les lettres marocaines, dans cette région de l’Oriental où les mots sont mémoire, résistance et lumière.

Alors j’écris aujourd’hui ce mot, pour lui rendre la pareille.


Les poèmes de Zineb

Parmi les textes que m’a confiés ma nouvelle amie poète, il y a celui-ci. Je choisis de le partager ici, car il dit tout ce que j’essaie maladroitement de formuler depuis le début. L’importance du trait, du silence, de la sincérité :

Le crayon trace le beau
Il écrit en noir,
Le crayon signe la paix,
Entre le corps et l’esprit.

Le crayon est une promesse.
Criée des liens, proche et loin
Libère les pensées

En silence, sur la page blanche
Ses signes s’entrelacent
Tissent des rêves et des mots

Le noir, couleur du fond
Évoque la sagesse
Porte l’ombre et la lumière
Équilibre la nuit et le jour

Cette poésie-là est simple. Elle n’a pas besoin d’artifice. Elle est vraie, libre, humaine. Comme les mots d’un ami lointain. Comme Zineb.


Merci

Merci à toi, Zineb poétesse pleine d’âme.
Merci à vous, Monsieur Ali Massou, pour ce regard que vous avez posé sur mes textes, et pour les mots que vous avez offerts.

J’espère, par ce modeste article, vous dire à mon tour : vos mots comptent. Et les liens que vous tissez, sans bruit, sont précieux.


–> Lire tous les poèmes de Zineb

–> Lire l’autobiographie de l’enfance de Zineb


Ce 17/09/2025, j’ai reçu un email de mon amie Zineb Mokhtari. Monsieur Ali Massou, qui souffre d’hypertension, a écrit une lettre ou plutôt un texte à « Madame la Mort ».

Encore une fois, je suis très honorée de servir de canal de communication et de partage pour ce grand poète et que ma nouvelle amie pense à moi en m’envoyant cette pensée, ce lien unique, magnifique, authentique.

Du fil d’argent, au fil des ans

Gris-gris, cheveux couleur souris
Fils d’argent sous le soleil de la vie
Lumière en tête, clarté paisible
J’aime ce reflet, discret et sensible
Les années tissent des fils d’étoile
Dans la trame paisible de mes pensées
Chaque reflet une mémoire
Chaque boucle une histoire déposée
Le miroir ne ment plus, il murmure
Des secrets que la jeunesse ignorait
Les rides en filigrane, douce écriture
D’un visage que le temps a caressé
Pas de regret, pas de détour
Le temps grave doucement ses contours
Une ride, un pli, une trace
Comme les lignes d’un livre qu’on embrasse
Et je souris, d’un sourire entier
À cette sagesse patinée de gris
Car dans chaque nuance, dans chaque sentier
Brille la beauté de ce qui s’adoucit
Dans le regard, dans la voix, dans les gestes
Et mes cheveux pâlis sont des fleurs d’hiver
Des secrets d’argent que le vent éclaire.

Histoire d’une vie. Histoire d’une mort annoncée. La mouche.

C’était un damier. Une mouche à damier. Elle était. Elle ne l’est plus.

Fenêtres grandes ouvertes dès le lever du soleil. C’est l’été. Il fait beau. Temps idéal pour les mouches. Les petites, les grosses, les noires, les brunes, les noires et blanches.
Trente degrés annoncés. À l’ombre.
Les chats et moi — et comme moi, des milliers d’êtres vivants — on n’aime pas les fortes chaleurs. Trop, c’est trop.
Fenêtres grandes ouvertes, donc. Une grosse mouche en a profité. Elle est entrée. Elle a regretté.

Il fait plus chaud dedans que dehors. L’effet serre, version deux-pièces. Elle cherche une sortie. Mais voilà, quelques jours plus tôt, le laveur de vitres est passé. Travail d’orfèvre. Les vitres sont transparentes. Trop transparentes.
Bzzz bzzz bz. Toc. Toc. Toc.
La mouche vole et se cogne.
Et recogne.
Et recommence.

Le bruit de sa vie — un petit bourdonnement entêté entre deux baffes contre la vitre — réveille une curiosité féline.
Le chat.
Héra.
Tricolore, caractère affirmé, peste du matin, chipie à temps partiel, emmerdeuse à temps plein.
Et surtout : tueuse de mouches certifiée. Spécialité : voltige intérieure.

La mouche, têtue comme un bouchon, s’obstine. Elle croit sans doute à un super-pouvoir. Invisibility mode on. Ou alors un don de phase traversante. Elle cogne, cogne, cogne encore.
Elle ne voit pas Héra.
Erreur fatale.

Bzzz bzzz bz. Et soudain, plus rien.
Plus de toc-toc.
À la place : un chaos félin.

Sauts. Bonds. Salto avant. Cumulet. Appuis muraux, demi-pirouettes.
Héra entre en scène. À 7h45. Dimanche matin. Le monde dort ? Pas grave. Elle va le réveiller. Une mouche, c’est une affaire sérieuse.

Et là, la détente. Phénoménale. Le chat claque les deux pattes avant contre la vitre (propre, toujours). La mouche est prise en sandwich.
Mais ! Contorsion de l’extrême !
Elle passe entre les pattes.
Héra frotte la vitre comme si elle tentait de percer un tunnel vers la Suisse. Elle récupère la bestiole, qui s’écrase au sol. Légèrement sonnée.

Hop ! D’un coup de langue, la mouche est happée. La gueule de Héra mâche, mâche, mâche… puis recrache.
Pas à son goût. Trop croustillant ? Pas assez de sauce ?
La mouche, toujours vivante, trotte, claudique, mais trotte. Six pattes, un peu bancales, mais en service. Elle s’éloigne du monstre à poils. Et décolle !
Oui, oui, elle vole. Pas très haut, pas très droit, mais elle vole.

Héra, motivée comme jamais, redéploie tout son arsenal.
Chasse express. Capture nette. Hop, en bouche.
Et… beurk.
Recrache. Encore.
Mais cette fois, la mouche ne bouge plus. Six pattes en l’air. Fin de la mission.

C’était la courte histoire d’une vie, et d’une mort, d’une mouche damier.

Ateliers d’écriture : se reconnecter à soi

Je me suis trouvée. Enfin.

Je crois que je viens de vivre un de ces moments rares, précieux, où tout ce que j’ai traversé, appris, rêvé, s’est soudain aligné.
Un moment d’évidence.
Un instant de reconnexion intime.
Un souffle puissant, venu de l’intérieur.

Cela fait des mois que je chemine.
Je crée, je teste, je doute parfois, j’imagine souvent.
Je cherche à relier mes passions : l’écriture, l’imaginaire, le soin par les mots, la nature, les animaux…
Je me demandais comment faire tenir tout cela ensemble.
Comment incarner pleinement toutes mes facettes sans devoir me couper en deux.

Et puis, trois formations, trois expériences transformatrices, ont tout éclairé :

Une formation à l’animation d’ateliers d’écriture thérapeutique, qui m’a permis de comprendre la profondeur du soin par les mots, de voir à quel point j’étais prête, et alignée pour accompagner d’autres parcours de vie.

Une formation à l’animation d’ateliers d’écriture créative, qui m’a donné des outils concrets, des idées ludiques, et la joie de transmettre la beauté du jeu avec les mots.

Une retraite d’écriture en pleine nature, pour le solstice d’été, où j’ai pu déposer, écrire, ressentir… et me reconnecter à la magie du Vivant.

C’est grâce à ces trois lieux, à ces animateurs et animatrices formidables, et aux groupes dans lesquels je me suis sentie entendue, portée, accueillie que tout s’est mis en place.

Aujourd’hui, je le sais :
Je suis faite pour écrire avec, pour et autour du Vivant.
Je suis faite pour créer des ponts entre le monde intérieur et le monde naturel.
Pour accompagner, avec douceur et profondeur, les personnes qui souhaitent se retrouver.
Avec les animaux comme guides, les mots comme lanternes, le mana comme boussole.

Et je n’ai plus besoin de choisir entre l’un ou l’autre.
Mes doutes s’estompent, et mes ailes se déploient.
Ce que je croyais incompatible devient complémentaire.
Ce que je pensais éparpillé devient un chemin.
Ce que je portais seule devient une force partagée.
Tout cela fait partie de moi.
C’est mon métier-cœur.

Je me sens à ma place.
Je me sens prête.
Vraiment prête.

Ce que je prépare pour la suite ?
Des ateliers d’écriture qui relient : à soi, aux autres, au monde vivant.
Des mots qui pansent, qui ouvrent, qui transforment.
Des histoires pour tous les âges, et un espace doux pour que chacun puisse écrire la sienne.

Et toi qui me lis, peut-être en pleine transition, en pleine recherche de sens ou d’élan :
garde confiance. Ce moment d’évidence peut venir, doucement, quand on s’autorise à avancer.
Quand on s’autorise à être pleinement soi.

Merci aux formatrices, formateurs, compagnons et compagnes d’écriture de ces dernières semaines.
Vous avez agi comme des tuteurs de lumière.
Et aujourd’hui, je pousse. Je m’élève. Je rayonne.

Merci d’être là.
Et à très bientôt pour la suite.