Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux : proposition d’écriture

Bien sûr, je ne pouvais pas ne pas partager ce texte écrit toujours à l’occasion de l’atelier d’écriture de Stéphane Van Hoecke.

Vous remarquerez que j’ai beaucoup écrit sur les problèmes des sens, les handicaps d’absence de vue, d’ouïe ou de voix… c’est que mon extinction de voix de 30 jours a laissé des séquelles psychologiques !

Proposition N°9 : Écrire une histoire avec ce début : Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux

Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux. Emma ne parle pas. Elle est cris et chants d’oiseaux. Emma n’entend pas, elle est silence profond. Emma a quinze ans. Vive comme un moineau. Curieuse comme un rougegorge. Souple comme une mésange et… bavarde comme une pie. L’ado sait lire sur les lèvres des hommes et sur les becs des oiseaux comme personne. Dans ses yeux, une lueur. Une intelligence. Une brillance. La vie ! Une vie éclatante. Bruyante. Détonante.

Étonnante Emma.

Surprenante Emma.

Emma ne fait pas le perroquet, elle ne répète pas, puisqu’elle n’entend pas. Mais, d’une manière inexpliquée, elle pousse des cris, elle chuchote des bruits, elle chante des airs. Emma est un oiseau, dans sa tête. Oui, Emma dans sa prison de son, se trouve libre comme un oiseau quand elle répond en cris, en chants et en pépiements. Libre comme l’air. Libre dans sa tête.

Quand on croise son regard, on y voit les cris des oiseaux ; cri guttural et désagréable de la corneille quand elle croit qu’on l’oublie, pour se rappeler aux autres ; nasillement du canard qui cancane quand elle est de bonne humeur et qu’elle rigole ; un « si si si lu lu lu » de la mésange bien connu quand elle veut partager sa joie ; une sorte de martellement du pivert quand elle est fâchée ou qu’elle est colère. Et bien d’autres encore. Des sons et des bruits, des chants et des cris tantôt pleins de trilles et de mélodies, tantôt rauques, secs ou désagréables.

Tout un répertoire qu’elle a, notre Emma. Tout un répertoire vocal divers et varié. Sa façon de communiquer. Son identité. Sa spécificité. Unique. Magnifique.

Les sens au pouvoir

J’ai la chance d’avoir tous mes sens. Quand on a tout ça, on ne se rend pas forcément compte de la chance que l’on a. Dernièrement, j’ai perdu le goût et l’odorat suite au Covid-19. Cela n’a duré que 4 à 5 jours. Puis, petit à petit, c’est revenu. Je crois que j’ai rien perdu dans cette histoire.

Mais avant, pendant et après, j’ai perdu ma voix. Aphonie sur trachéite. Extinction totale de voix pendant 30 jours. Ce n’est pas la première fois, et vu comme c’est parti, je sais déjà que ce ne sera pas la dernière :-(

Quand on perd un sens, on est malheureux. Ne plus goûter, ne plus sentir, on perd aussi l’appétit. Ne plus savoir parler distinctement provoque un repli sur soi, une perte momentanée de son travail (pour moi qui suis secrétaire médicale dont ma présence au téléphone frôle les 100 %), un dégoût de la vie.

J’ai aussi une légère perte auditive. Depuis un peu plus de 20 ans maintenant, suite à la maladie de Ménière. Heureusement, ça a l’air de se stabiliser et une prothèse auditive ne m’est pas encore indispensable. Je fais répéter mon entourage plus que de raison quand je n’entends pas, mais cela n’est pas encore trop dérangeant, ni pour eux, ni pour moi. Cette maladie a engendré aussi une perte d’équilibre dans le noir, une dépendance visuelle, mais là non plus, ce n’est pas trop grave pour le moment. Je m’adapte. J’évite de conduire ma voiture dans le noir total. J’allume la lumière de mon téléphone quand je dois me déplacer la nuit chez moi, à la maison.

Je n’ose imaginer perdre ma vue ! Par temps de fatigue, de maladie, de temps passé sur l’écran, je mets des lunettes Je ne sais plus lire les ingrédients écrits en minuscules sur les aliments, mais grâce à la technologie, je fais une photo et j’agrandis. Hop ! le tour est joué. Ni vu ni connu je dirais ;-)
Mon papa a dû subir une petite intervention pour un glaucome bilatéral, plus sévèrement d’un côté que de l’autre. Ce type de maladie, à angle fermé, est héréditaire. Je dois faire attention et voir mon ophtalmo une fois par an.
Mais ne plus savoir écrire, ne plus savoir lire, ne plus pouvoir observer les oiseaux, regarder la beauté de la nature qui m’entoure, ne plus voir les couleurs, tout ça et plus encore me causerait un dommage bien plus préjudiciable qu’une perte de goût, d’odorat ou d’ouïe.

Je pense que les personnes qui sont nées sans un sens, développent un autre ou des autres « puissance 10 ». Avec le temps, j’ai appris à lire sur les lèvres pour combler ma faible performance auditive. Mais ce n’est pas toujours possible. Je pourrais apprendre le langage des signes (que j’ai appris vers 12 ans avec mon premier amoureux qui était sourd, mais que j’ai oublié depuis, car comme pour toutes les langues, quand on ne pratique pas, on oublie). Mais comment apprendre à écouter les couleurs, à sentir la beauté d’un plumage, à goûter au plaisir d’un coucher de soleil, d’un vol d’oiseaux dans le ciel, de la visite d’un petit animal discret dans un arbre ou dans le jardin ?
Je crois que c’est ce qui me manquera le plus : voir.

Alors, je n’y pense pas, il n’y a aucune raison d’y penser… et je profite des couleurs de mes peintures aquarelles, de l’eau qui vire au jaune, au rose, au bleu, au vert.

Je touche à tout, je teste, j’essaie, j’aime ou je n’aime pas. Et je recommence Autrement. Différemment. Les couleurs de l’art-thérapie, tout un arc-en-ciel d’émotions.

Je médite avec les couleurs (2), suite et pas fin de cette thérapie extraordinaire


Enfin, pour revenir aux couleurs et aux livres, si vous êtes sensible à ce sens qu’est la vue, si cela vous touche, vous inspire, vous inquiète, vous émeut, je vous conseille ce très beau livre :

Les crayons de couleur, de Jean-Gabriel Causse. Il ne reçoit une note de 3,6/5 sur le site de Babelio, mais ne vous fiez pas à ces étoiles, les goûts et les couleurs… ça ne se discutent pas ;-)

Voici le mini résumé qui se trouve au dos du livre que j’ai à la maison, avec pour les pronoms et l’adverbe en majuscules, en couleurs :

ELLE, c’est Charlotte, aveugle de naissance et scientifique spécialiste de ces couleurs qu’elle n’a jamais vues.

LUI, c’est Arthur, employé dans une fabrique de crayons de couleur, aussi paumé que séduisant.

ENSEMBLE, ils vont tenter de rendre au monde les couleurs qui ont disparu.


Et un autre livre magnifique sur la perte d’un sens : la surdité.

Écoute mes lèvres, de Jana Novotny Hunter. Traduit de l’anglais par Vanessa Rubio.

Avis sur Babelio, résumé, critiques et citations.

Manga : A silent voice

Alors que je suis dans la série Maître des livres dans les manga, voici que ma fille qui est une fan des manga, a pris ce livre à la bibliothèque.

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4ème de couverture :

« Shoko Nishimiya est sourde depuis sa naissance. Même équipée d’un appareil auditif, elle peine à saisir les conversations, à comprendre ce qui se passe autour d’elle. Effrayé par ce handicap, son père a fini par l’abandonner, laissant sa mère l’élever seule.
Quand Shoko est transférée dans une nouvelle école, elle s’emploie à surmonter ses difficultés mais, malgré ses efforts pour s’intégrer dans ce nouvel environnement, rien n’y fait : les persécutions se multiplient, menées par Shoya Ishida, le leader de la classe. Tour à tour intrigué, fasciné, puis finalement exaspéré par cette jeune fille qui ne sait pas communiquer avec sa voix, Shoya décide de consacrer toute son énergie à lui rendre la vie impossible.
Psychologiques puis physiques, les agressions du jeune garçon se font de plus en plus violentes… jusqu’au jour où la brimade de trop provoque une plainte de la famille de Shoko, ainsi que l’intervention du directeur de l’école. À cet instant, tout bascule pour Shoya : ses camarades, qui jusque-là ne manquaient pas eux non plus une occasion de tourmenter la jeune fille, vont se retourner contre lui et le désigner comme seul responsable… »

Voici le premier tome qui rentre vite au cœur du harcèlement et de la violence dans l’école. Un manga que je recommanderais en lecture obligatoire dans la première année secondaire de notre enseignement tellement il décrit, malheureusement bien, la souffrance de la jeune Shoki et même celle de l’un de ses camarades, auteur, des faits !

Cela se termine, pour ce premier tome je le rappelle, déjà par une leçon de morale et une prise de conscience de la part de Shoya.

J’ai lu ce manga avant ma fille. Je suis curieuse de connaître son avis également  :-)