Les sens au pouvoir

J’ai la chance d’avoir tous mes sens. Quand on a tout ça, on ne se rend pas forcément compte de la chance que l’on a. Dernièrement, j’ai perdu le goût et l’odorat suite au Covid-19. Cela n’a duré que 4 à 5 jours. Puis, petit à petit, c’est revenu. Je crois que j’ai rien perdu dans cette histoire.

Mais avant, pendant et après, j’ai perdu ma voix. Aphonie sur trachéite. Extinction totale de voix pendant 30 jours. Ce n’est pas la première fois, et vu comme c’est parti, je sais déjà que ce ne sera pas la dernière :-(

Quand on perd un sens, on est malheureux. Ne plus goûter, ne plus sentir, on perd aussi l’appétit. Ne plus savoir parler distinctement provoque un repli sur soi, une perte momentanée de son travail (pour moi qui suis secrétaire médicale dont ma présence au téléphone frôle les 100 %), un dégoût de la vie.

J’ai aussi une légère perte auditive. Depuis un peu plus de 20 ans maintenant, suite à la maladie de Ménière. Heureusement, ça a l’air de se stabiliser et une prothèse auditive ne m’est pas encore indispensable. Je fais répéter mon entourage plus que de raison quand je n’entends pas, mais cela n’est pas encore trop dérangeant, ni pour eux, ni pour moi. Cette maladie a engendré aussi une perte d’équilibre dans le noir, une dépendance visuelle, mais là non plus, ce n’est pas trop grave pour le moment. Je m’adapte. J’évite de conduire ma voiture dans le noir total. J’allume la lumière de mon téléphone quand je dois me déplacer la nuit chez moi, à la maison.

Je n’ose imaginer perdre ma vue ! Par temps de fatigue, de maladie, de temps passé sur l’écran, je mets des lunettes Je ne sais plus lire les ingrédients écrits en minuscules sur les aliments, mais grâce à la technologie, je fais une photo et j’agrandis. Hop ! le tour est joué. Ni vu ni connu je dirais ;-)
Mon papa a dû subir une petite intervention pour un glaucome bilatéral, plus sévèrement d’un côté que de l’autre. Ce type de maladie, à angle fermé, est héréditaire. Je dois faire attention et voir mon ophtalmo une fois par an.
Mais ne plus savoir écrire, ne plus savoir lire, ne plus pouvoir observer les oiseaux, regarder la beauté de la nature qui m’entoure, ne plus voir les couleurs, tout ça et plus encore me causerait un dommage bien plus préjudiciable qu’une perte de goût, d’odorat ou d’ouïe.

Je pense que les personnes qui sont nées sans un sens, développent un autre ou des autres « puissance 10 ». Avec le temps, j’ai appris à lire sur les lèvres pour combler ma faible performance auditive. Mais ce n’est pas toujours possible. Je pourrais apprendre le langage des signes (que j’ai appris vers 12 ans avec mon premier amoureux qui était sourd, mais que j’ai oublié depuis, car comme pour toutes les langues, quand on ne pratique pas, on oublie). Mais comment apprendre à écouter les couleurs, à sentir la beauté d’un plumage, à goûter au plaisir d’un coucher de soleil, d’un vol d’oiseaux dans le ciel, de la visite d’un petit animal discret dans un arbre ou dans le jardin ?
Je crois que c’est ce qui me manquera le plus : voir.

Alors, je n’y pense pas, il n’y a aucune raison d’y penser… et je profite des couleurs de mes peintures aquarelles, de l’eau qui vire au jaune, au rose, au bleu, au vert.

Je touche à tout, je teste, j’essaie, j’aime ou je n’aime pas. Et je recommence Autrement. Différemment. Les couleurs de l’art-thérapie, tout un arc-en-ciel d’émotions.

Je médite avec les couleurs (2), suite et pas fin de cette thérapie extraordinaire


Enfin, pour revenir aux couleurs et aux livres, si vous êtes sensible à ce sens qu’est la vue, si cela vous touche, vous inspire, vous inquiète, vous émeut, je vous conseille ce très beau livre :

Les crayons de couleur, de Jean-Gabriel Causse. Il ne reçoit une note de 3,6/5 sur le site de Babelio, mais ne vous fiez pas à ces étoiles, les goûts et les couleurs… ça ne se discutent pas ;-)

Voici le mini résumé qui se trouve au dos du livre que j’ai à la maison, avec pour les pronoms et l’adverbe en majuscules, en couleurs :

ELLE, c’est Charlotte, aveugle de naissance et scientifique spécialiste de ces couleurs qu’elle n’a jamais vues.

LUI, c’est Arthur, employé dans une fabrique de crayons de couleur, aussi paumé que séduisant.

ENSEMBLE, ils vont tenter de rendre au monde les couleurs qui ont disparu.


Et un autre livre magnifique sur la perte d’un sens : la surdité.

Écoute mes lèvres, de Jana Novotny Hunter. Traduit de l’anglais par Vanessa Rubio.

Avis sur Babelio, résumé, critiques et citations.

Covid-19 et lésions aux cordes vocales

Témoignage partagé

30 jours de laryngite !

30 jours où je n’avais plus de voix, aphone, extinction totale de son.

En 7 mois, j’ai eu la malchance d’attraper le virus du Covid-19 trois fois. 3x en 7 mois. Oui. (4x malade en tout, depuis février 2020). Vaccinée 3x aussi je précise.

Schéma similaire pour moi. Sans gravité, ni hospitalisation. Les 3 derniers covid ont démarré avec un mal de gorge et une laryngite. Puis des sinusites sont arrivées, dont une phénoménale, ainsi que des otites (OMA) et une fièvre plus ou moins élevée. Une perte de goût et d’odorat pour innover cette dernière fois. Et surtout, surtout, une extinction de voix. Une extinction de voix qui a duré longtemps et qui a récidivé trois fois.

Extinction de voix :

Durée de 15 jours pour le virus d’avril. Bis repetita la 2e fois : 15j aphone puis voix retrouvée durant 36h, puis 13 jours supplémentaire où je me suis retrouvée sans le moindre son à produire pour l’infection du mois de juillet. Enfin, dernièrement, 30 jours complets, cette fois-ci en octobre-novembre.

Tous les traitements ont été effectués, des plus simples (spray, sirop, boissons chaudes, HE, pastilles, ne plus du tout parler, pas même chuchoter, etc.) aux plus « lourds », avec cure de Médrol, antibiotique « ciblé » & indigeste, inhalations de produits antiinflammatoires.

3 ORL différents ont été vus : le premier mettait ça sur le coup de stress (qui était plausible à ce moment-là). La deuxième disait que c’était la sinusite phénoménale qui en était responsable avec un possible reflux. Le 3e et dernier, enfin, suggère que c’est le Covid qui est en cause, seul responsable de cet état pénible vocalement !

J’ai subi plusieurs nasofibroscopies (caméra que l’on fait passer dans la narine jusqu’à l’arrière gorge pour voir les cordes vocales) qui démontraient une inflammation du larynx et des cordes vocales, un œdème aux CV, et une rigidité d’une des deux cordes vocales. La gorge rouge, une gorge de fumeuse alors que je n’ai jamais fumé, et une otite bilatérale ont perduré tout le temps de l’extinction de voix !

Après le 2e Covid-aphone, j’ai eu l’autorisation d’être suivie en logopédie (orthophoniste). Car, être aphone pour moi signifie ne plus pouvoir/savoir travailler. Secrétaire médicale dans un cabinet de médecins généralistes, je suis au téléphone 90 % à 95 % de mon temps de travail ! Depuis la pandémie, la quantité d’appels téléphoniques a explosé et le type de travail, au téléphone a changé : les communications sont devenues plus longues, par besoin d’informations, pour rassurer, pour expliquer, pour détailler, pour poser des questions, pour mieux encoder, pour un bon suivi, etc.

La prise de rendez-vous chez un spécialiste, en Belgique, est plus compliquée, l’attente est plus longue, les lignes téléphoniques des hôpitaux, saturées. Heureusement, je suis « hyper-connectée » et j’ai pu avoir un rdv chez « mon ORL » dans son cabinet privé. Pas trop tard, mais j’avais déjà retrouvé ma voix à ce moment-là depuis 4 jours, grâce, je crois, à ma logopède géniale.

Entre-temps, l’on m’a découvert, fortuitement, des nodules non pas aux CV mais à la thyroïde. Toutefois, la prise de sang « thyroïde » est bonne et ces nodules ne sont pas mis en cause dans le problème de perte de voix.

De récentes études ont été faites et démontrent que certaines personnes affectées par le Covid-19 peuvent avoir des troubles au niveau des cordes vocales. Dans les articles que j’ai lus sur Internet, il est fait mention des essoufflements causés par des lésions sur les cordes vocales.

Extrait du site Passeportsante.net :

Des chercheurs d’une nouvelle étude évoquent les lésions nerveuses situées sur les cordes vocales pouvant être à l’origine de ces dyspnées. Le virus Sars-Cov-2 pourrait potentiellement endommager le nerf associé à la parole et empêcher le bon fonctionnement des cordes vocales, lorsque la personne ne parle pas. Pour parler, un mécanisme se met en place : les cordes vocales « s’ouvrent » à l’intérieur des voies respiratoires, pour vibrer et laisser de l’air passer, provoquant les sons émis par la voix. Lorsqu’une personne fait silence, celles-ci se rétractent pour laisser l’air circuler avec aisance jusqu’aux poumons. L’essoufflement post-Covid serait dû, pour ces patients, au fait que les cordes vocales restent fermées, à cause des lésions provoquées par le virus.

Je n’ai pas, de mémoire, souffert d’essoufflement, j’ai toujours mis ça sur mes sinusites et nez bouché. Toutefois, le dernier ORL vu a pu voir l’état de ma gorge entre deux Covid puis, après un Covid récent. Sa conclusion a été que j’ai du avoir une paralysie ou une paresthésie des cordes vocales suite aux Covid contractés, car lors de l’examen de septembre, une des deux cordes vocales était rigide et à présent que l’infection est terminée, tout est redevenu normal. L’examen clinique d’aujourd’hui ne montre pas de séquelle.

À suivre comme on dit !

Aphone

Je remets ici une histoire écrite il y a déjà quelques années, mais qui, pour moi est tout à fait d’actualité car j’ai été aphone durant 4 jours, la semaine dernière.

Cette histoire peut être lue et téléchargée sur Atramenta (clic clic)

Cette histoire est incluse dans mon livre « Un oiseau peut en cacher un autre » (clic clic). Livre en vente sur Atramenta.

 

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Aphone

Aphone : extinction momentanée de la voix.

    –         Ouf ! se rassure un petit oiseau brun en lisant la définition de ce mot au dictionnaire, ce n’est que provisoire. Voyons voir ce que dit le livre des remèdes naturels pour ce problème de voix :

« Laissez reposer votre voix, buvez du thé avec du miel et du citron et prenez patience, d’ici deux ou trois jours, vous devriez retrouver votre timbre. »

    –         Boire du thé ? Est-ce que j’ai une tête à boire ça ? Et puis du citron et du miel, où est-ce que je vais bien pouvoir en trouver, râle Troglo Dite.

En effet, c’est bien embêtant pour lui, le plus grand séducteur de la forêt, de ne plus avoir de voix. Comment va-t-il faire pour séduire les filles ? Il n’y a que son chant envoûtant pour les attirer à lui. Il n’a pas une splendide gorge rouge comme son voisin ni de ventre jaune comme ces demoiselles les mésanges. Il n’est pas grand comme un hibou ni rapide comme le faucon. Il ne sait pas nager, il ne sait pas pêcher.

Il sait chanter ! Enfin, il savait…

L’oiseau doit à présent faire de gros effort pour se taire. Il n’a pas l’habitude de ne rien dire, mais s’il veut récupérer sa voix d’ici deux jours, il n’a pas d’autre choix.

Trois jours passent…

Le petit oiseau brun n’en peut plus. Il tourne en rond. Il réfléchit. Il racle sa gorge. Rien n’y fait, il ne peut toujours pas chanter, ni même parler ! A peine sait-il chuchoter.

Comme la saison des amours a déjà débuté, il cherche une idée pour draguer une femelle. Il a acheté, dans la maison du Pêcheur, un livre sur l’art de la pêche. Comme il est écrit, il observe avec grande attention Martin en action. L’oiseau bleu et orange se pose sur une branche, penche la tête, examine, attend et plonge d’un coup. Puis, il remonte à la surface tout aussi vite, un petit poisson dans le bec. Un autre oiseau, pareil que lui mais avec un bec tout noir, se pose à ses côtés. Martin lance le poisson en l’air et le récupère par la queue. Il présente son offrande, tête la première, à son amoureuse. Celle-ci accepte avec joie le cadeau et l’avale goulûment.

    –         Fastoche, chuchote Troglo Dite.

Notre petit oiseau, tout de brun vêtu, va se percher sur une branche surplombant l’étang. Il se positionne, met sa tête sur le côté, observe (pas très bien car il n’a pas une vue aussi bonne que Martin) et décide de plonger !

    –         Le pauvre malheureux, il est fou ! crie un grèbe qui passe par là.

    –         Au secours ! A l’aide ! Je ne sais pas nager, pleurniche Troglo qui n’a toujours pas de voix.

Le grèbe, de son bec, l’attrape par une patte et le met sur son dos, entre ses deux ailes comme si c’était un de ses propres petits qu’il protégeait. Il nage ainsi jusqu’au bord et le petit oiseau est déposé, délicatement, sur l’herbe. Celui-ci se réveille rapidement en crachant de l’eau.

Le grèbe qui l’a sauvé lui dit gentiment :

–         Les canards, c’est fait pour nager, les martin-pêcheur pour pêcher et les oiseaux comme toi sont faits pour chanter, alors chante mais n’essaie pas de nager !

Troglo Dite ne répond rien et baisse la tête. Il a envie de pleurer. Alors le grèbe, qui devine ce dont souffre le petit oiseau, ouvre une aile et l’enlace de ses plumes chaudes et confortables.

En haut d’un arbre, des rires étouffés éclatent tout à coup. Quatre femelles troglodytes se moquent du malade. Elles ont tout vu de la scène. Elles sont jeunes, jolies et célibataires. Elles sont sœurs et n’attendent qu’une seule chose : qu’un beau mâle chante rien que pour elles.

    –         Ce ne sera pas celui-là, ha ! ha ! rigolent-elles sans retenue.

Troglo Dite a beaucoup de peine. Il remercie le grèbe et s’en va se cacher dans un buisson touffu, loin dans la forêt.

De sa cachette, il entend un chant qu’il reconnaîtrait entre mille. Celui d’un rouge-gorge. Il le regarde, l’envie d’avoir un si joli timbre de voix et réfléchit à la manière dont lui, aphone et mauvais nageur, pourrait quand même trouver une femelle. De ses petites pattes vigoureuses, il fouille le sol à la recherche de chenilles ou de coccinelles écrasées. Et, très vite, il repère non pas une bouillie d’insectes mais la blessure d’un arbre. Le tronc est abîmé et d’une fissure, coule un liquide orange, la sève.

    –         Chic, juste ce qu’il me faut, se dit-il en s’agrippant sur l’écorce.

De quelques coups de bec trempé dans la sève, il se peinture les flancs. Déguisé de la sorte, il espère attirer une femelle qui succombera à ses nouvelles couleurs. Hélas, cette fois-ci non plus, l’astuce ne fonctionne pas. Au lieu d’attirer un oiseau, c’est un écureuil, qui, par l’odeur envoûtante, est venu jusqu’à ses pattes, lui lécher les ailes !

    –         Hum, trop bon, ce parfum de sève, il a un arrière goût de noix, exquis ! dit le petit mammifère en se léchant le museau.

    –         Mais arrêtez, je ne suis pas un arbre ! Allez vous délecter ailleurs que sur moi ! essaie de crier Troglo…

A nouveau, des gloussements moqueurs se font entendre en haut d’un arbre. Les quatre sœurs l’ont suivi.

    –         Tu fais un spectacle génial ! Quel divertissement, ricanent-elles ensemble. A défaut de nous séduire, tu nous fais bien rire !

C’en est trop. Blessé au plus profond de lui, Troglo décide de quitter son territoire.

Les sœurs ne le suivent pas cette fois-ci. Elles aiment trop cet endroit pour l’abandonner.

Trois kilomètres plus loin, dans un petit parc, notre petit oiseau aphone repère un nouveau territoire. Ici, il ne connaît personne et il a bien l’intention de ne pas se montrer tant qu’il n’aura pas retrouvé sa voix.

Alors, il décide de ne plus faire le sot. Il n’essaie plus d’attirer une femelle.

Il s’occupe à présent à construire ses nids. Oui, il travaille dur. Les heures passent et lui il continue à ramasser de la mousse et des brindilles. Il les placent tantôt dans ce nid sous le buisson tantôt dans un autre, un peu plus haut, ou tantôt dans un troisième, plus à l’abri des regards. En tout, il aménage cinq nids ! Un tout près d’un mini cours d’eau, pour avoir toujours à boire, un autre à l’abri du soleil en cas de fortes chaleurs, un autre près d’un champ où de nombreux criquets ont élu domiciles, pour la musique continue, un autre un peu plus en hauteur pour la superbe vue et enfin un dernier où il est sans doute le seul à comprendre la raison pour laquelle il l’a choisit : il y a une plume rousse d’un grèbe qui décore le nid, en mémoire à celui qui l’a sauvé d’une noyade certaine.

Après plusieurs jours de travail, il est enfin satisfait de ses cinq nids. Tous ont une particularité, il y a un magnifique, un confortable, un très doux, un très spacieux et un pratique pour élever bon nombre de petits.

Depuis qu’il est arrivé, il est surveillé. Son petit manège intrigue un oiseau, tout aussi petit que lui. Elle, car c’est une femelle, porte un bien étrange collier autour du cou. Sur l’avant, au niveau de sa gorge, une goutte d’eau est enfermée entre deux écailles de poisson.

Mais de tout ceci, notre ami ne remarque rien. Pendant qu’il continue à travailler sur ses nids, la petite brune l’observe avec sa loupe spéciale baptisée : « goutte d’écaille », un appareil très performant pour les animaux qui sont atteint d’une myopie sévère.

Le lendemain après-midi, notre drôle d’oiseau attend que Troglo Dite parte à la chasse pour se rapprocher du nid à la plume de grèbe. Elle regarde furtivement à l’intérieur  du cocon et y dépose un objet pour repartir aussi vite.

Quand Troglo revient le ventre plein, il vole jusqu’au nid à la plume rousse et décide de se reposer. Tout à coup, alors qu’il pense sentir la douceur de la plume sous ses pattes, il découvre à la place une rondelle de citron et un message : « pour ta gorge »

    –         Mais qui ? Comment ? ne dit-il pas de sa voix mais le fait-il comprendre par des regards interrogateurs.

Il tourne la tête pour voir si un intrus se cache dans son nid. Comme il ne trouve personne, il sort et cherche dehors. Il ne voit rien. Prenant l’invitation au pied de la lettre, il enfonce son bec dans le fruit acide et recommence jusqu’à ce que son bec grince et que les plumes de sa gorge le piquent.

Naïvement, il essaie de chanter aussitôt. Une seule note claire sort de sa gorge encore enrouée. C’est un bon début…

Le lendemain, à la même heure, au même moment, après la chasse à l’insecte, il s’en va se reposer dans un autre nid, celui près du petit ruisseau car il éprouve le besoin de boire. Manger les bêtes à la carapace dure, c’est bon, c’est craquant sous la mandibule, mais ça donne horriblement soif !

Là, une nouvelle surprise l’attend : une vieille coquille de noix remplie de miel ! Et une autre carte : « Tu as une jolie voix, il faut que tu la retrouves ! » Il ne cherche même pas à savoir qui a déposé ce merveilleux et délicieux cadeau, il suce ce liquide épais et sucré avidement.

Second essai de chant : triiiii liii tuiiiii tuiiiii.

    –         Yahouu ! crie-t-il de victoire… mais crie-t-il trop tôt, car après ça, il n’a de nouveau plus de voix.

Le lendemain, dans le troisième nid, une noisette de miel avec un quart de citron !

Dans le quatrième nid, un insecte chaud entouré de miel au citron.

Dans le dernier nid, rien ! Sauf, une petite carte parfumée aux ailes de coccinelles, l’invitant à retourner au premier nid.

    –         Hum, j’adore tout ce mystère et ce parcours, dit-il en sifflotant de plaisir.

Dans ce premier nid, que Troglo a baptisé « Plume de héros », il n’y trouve aucune carte ni aucun cadeau de dégustation. A la place, une très jolie femelle de son espèce l’attend, calmement. Subjugué par tant de beauté, Troglo Dite en perd sa voix ! Il ne fait même pas attention à son étrange collier qui ne passe pourtant pas inaperçu.

    –         Oh non, vous n’allez pas me dire qu’après tout ce que je vous ai donné, vous n’avez pas encore retrouvé toute votre voix ?! Dit la jeune demoiselle, pleine de malice.

    –         C’est que, c’est que… vous êtes, si, si belle, chante-t-il gaiement.

    –         Oh merci ! Vous me trouvez vraiment belle ? rougit-elle.

    –         Très certainement, celui qui vous dirait le contraire, doit certainement avoir des pattes d’insectes dans les yeux !

 –         C’est que, justement, je suis mal voyante, c’est pour cela que je ne me sépare jamais de ma loupe.

    –         Oh, pardon, toutes mes excuses. Mais dites-moi, pourquoi m’avoir choisi, moi ?

    –         Quand vous êtes arrivé ici, j’ai tout de suite remarquée que quelque chose n’allait pas. Vous ne chantiez pas et vous travailliez très dur pour vos nids. D’habitude, les mâles chantent, surtout en pleine saison des amours. Vous sembliez si seul, tout comme moi à cause de mon problème d’yeux. Alors, j’ai demandé à mon ami le grèbe s’il savait quelque chose sur vous… Et c’est là qu’il m’a appris que sa sœur, dans l’étang voisin, plus loin, vous a sauvé la vie. Vous deviez être désespéré pour avoir osé tenter cette folle expérience !

    –         En effet, sans ma voix, j’ai l’impression que je ne suis personne. Et donc, sans m’avoir entendu chanter, vous vous êtes intéressé à moi ?

    –         C’est cela même. Voyez-vous mon bon monsieur, je n’ai pas beaucoup d’amis de mon espèce, tous pensent que je suis une erreur de la nature ! Pensez donc ! Avez-vous déjà croisé un oiseau malvoyant ?

    –         Non, enfin, je ne pense pas.

    –         C’est bien ce que je craignais. C’est pour cela que je ne me suis pas tout de suite montrée à vous. Connaissant votre problème de voix, je savais ce qu’il fallait pour que vous la retrouviez. Et comme vos nids sont magnifiques, j’en ai déduis que vous étiez un grand travailleur. Lorsque j’ai vu que vous aviez une préférence pour le nid avec la plume de mon ami le grèbe, j’ai tout de suite pensé que l’on pourrait s’entendre… N’ais-je pas eu raison ?

    –         Tout à fait très chère demoiselle.

Troglo Dite et sa nouvelle amie continuent à faire connaissance. Petit à petit, l’espace qui les sépare se réduit et ils se retrouvent très vite, bec contre bec.