Balade à la ferme

Pour la proposition 57 de Tisser les Mots, je vous emmène dans une ferme et nous prendrons le goûter, ensemble, à la terrasse d’un sympathique café. 3 mots à « caser », que vous retrouverez en gras dans mon texte :-)

Balade à la ferme

Il a quatre ans. Il ressemble à un petit ange avec ses cheveux blonds frisés et ses grands yeux gris. Aujourd’hui, par un magnifique mois de mai lumineux, il a demandé à sa maman s’ils pouvaient aller à la ferme. Depuis tout petit, depuis qu’il sait marcher, il a d’étranges sentiments envers les animaux. D’un côté, il en a peur, mais d’un autre, il les aime bien. Tout dépend du bruit et des mouvements qu’ils font. Le chien de la coiffeuse par exemple, est minuscule, c’est un chihuahua, mais il est plein d’énergie, il aboie, il court et il saute de plaisir, tout le temps. De celui-là, il en a peur, il n’ose pas s’en approcher et demande à être porté dans les bras. Pourtant, tous les jours, après l’école, il passe devant la vitrine, car la coiffeuse travaille au coin de la rue où il habite. Il y a des jours alors où il demande à changer de trottoir !

Aujourd’hui, grâce au soleil ou à la fin de l’année scolaire qui approche, Louis se sent d’humeur à surmonter sa peur. En ce mercredi après-midi, c’est avec le sourire qu’il passe l’entrée d’une ferme un peu particulière. Cette ferme, située juste après la ville, travaille avec des jeunes adultes en difficultés. Que ces difficultés soient physiques ou psychologiques, la ferme les aide vers une certaine autonomie sociale. Ce n’est pas nouveau, le contact avec les animaux est une vraie thérapie à elle-seule.

Aujourd’hui, Louis tient la main de sa maman avec quand même une petite angoisse. Il sait quels animaux il va voir et il est légèrement inquiet pour les plus grands. Il espère aussi que des chiens, s’il y en a, ne sont pas laissés en liberté, car leur aboiement le font paniquer.

La visite commence calmement, il y a peu de monde et les premiers animaux qu’ils voient sont des lapins, dans un grand enclos. Louis ne les distingue pas vraiment, ils sont cachés dans la maison, ils doivent certainement dormir. Juste après, ce sont des poules. Des petites poules tranquilles qui marchent et qui picorent en zigzag, qui roucoulent doucement. Louis ramasse une petite plume qui dépasse du grillage. Plus loin, ils passent par un bois, le jeu d’ombres et de lumières des feuilles amuse beaucoup l’enfant. Il lâche la main de sa maman et va de lui-même à gauche, puis à droite. Il se sent confiant et n’a pas plus peur. À la sortie du bois, un bac à sable est disposé tout près d’un autre enclos, celui du paon, un magnifique mâle filiforme. Sa maman le prévient, cet oiseau peut crier « Léon », alors Louis se bouche les oreilles tout en regardant, fasciné, cet oiseau coloré. Les yeux dans les yeux, l’enfant et l’oiseau se toisent. Ils s’évaluent, ils se détaillent. Louis semble comprendre un message silencieux et ôte les mains de ses oreilles. Le paon, pour le remercier de sa confiance lui offre le plus beau spectacle qu’il est possible de voir chez cette espèce : la roue. Louis a agrippé le grillage avec ses petites mains. Il sourit à ce qu’il voit et espère secrètement que personne d’autre que lui – et sa maman – ne va venir déranger ce moment magique. Son vœu est exaucé, il profite pleinement de cet instant et remercie l’oiseau en lui envoyant un bisou volant.

La suite de la visite se passe calmement. Les chevaux, les vaches sont observés, de loin, et l’étang avec son couple de cygnes et ses canards est passé rapidement à cause du cancanement incessant d’une étrange oie bariolée. Les chèvres, il n’a pas osé les caresser, mais il a regardé une fille de son âge s’approcher de ces animaux. Maintenant il sait que ces bêtes sont inoffensives, il osera peut-être les approcher d’un peu plus près la prochaine fois.

Il est 16h. La balade se termine et sa maman l’invite à manger un goûter à la terrasse du café qui propose une petite restauration avec les produits de la ferme. Louis ne dit pas non. Il fait toujours très beau et l’endroit n’est pas trop bruyant. Et puis, il a faim. Il ne l’avoue pas, mais cette balade lui a ouvert l’appétit.

Assis sur sa chaise en osier, sous un parasol blanc, Louis observe le monde qui l’entoure. Il y a une serveuse toute douce, toute gentille, avec ses longs cheveux bruns et son regard pétillant, un autre monsieur à l’intérieur du café qui sert les boissons, et encore un autre monsieur qui doit travailler au service car il porte aussi le même tablier noir et blanc que les autres. Celui-ci passe tout près de lui, le regarde rapidement et lui fait un clin d’œil complice, auquel Louis ne répond pas. Et puis, il y a les autres visiteurs. Une maman avec des jumelles, deux filles tout à fait identiques, habillées pareil. Une autre dame avec un enfant, un garçon bien plus grand que lui, qui marche rapidement. Le garçon connaît l’endroit, il court immédiatement sur le chemin qui mène aux chevaux. Il ne doit venir que pour eux, pense Louis. Plus loin, un chat. Seul. Tranquille. Roux et blanc, aux longs poils. Le chat se couche soudain sur le flanc et frotte son dos sur un morceau de terre sèche. Il se roule, se retourne, se reroule. Il a l’air d’apprécier ce petit bain de terre. Ça fait marrer Louis qui éclate de rire. C’est si bon d’entendre son rire que sa maman profite de cette soudaine démonstration auditive pour prendre en photo son fils rayonnant, la bouche ouverte, les yeux plissés. Pas très loin du chat, il y a une jeune fille qui se déplace en boitant. Elle marche avec les mains qui bougent dans tous les sens et porte de grosses lunettes rondes sur son nez. Gauchement, elle s’approche du chat. Louis s’arrête de rire et regarde avec inquiétude ce que va faire cette fille. Il pense qu’elle va l’embêter, le chasser, ou pire, lui tirer la queue, ça serait alors un véritable crève-cœur pour Louis qui adore les chats. Mais rien de tout cela n’arrive. La jeune fille qui travaille dans cette ferme connaît bien ce chat. Arrivée tout près de celui-ci, elle s’accroupit puis s’assied à même le sol, en tailleur. Il lui suffit qu’elle tende le bras pour que le chat se relève d’un bond et loge sa petite tête dans le creux de sa main.

L’attention du garçon est rompue, la serveuse toute douce vient lui apporter sa crêpe et son jus d’orange tout fraîchement pressé. Il commence à peine à manger sa crêpe remplie de sucre roux qu’un oiseau, un tout petit oiseau, vient se poser sur le rebord de la chaise voisine. Le moineau, une femelle, le regarde d’un air curieux. Pas effarouché du tout, il penche sa tête pour mieux observer ce qu’il y a dans l’assiette de Louis. Le garçon, tout doucement alors, tend sa main avec un doigt tout collant de crêpe. Sans aucune hésitation, le moineau vient se poser sur son doigt et picorer délicatement le doigt. D’abord surpris, Louis, retire immédiatement sa main pour regarder son doigt. L’oiseau s’est alors posé sur la table, offrant son plus beau profil à la mère de l’enfant qui a sorti aussitôt son appareil photo. Le petit garçon prend entre son pouce et son index un petit morceau de crêpe dans son assiette. D’une main tremblante, il va quand même proposer à manger au petit moineau. En quelques bonds sautillants, le petit oiseau s’approche de Louis, penche à nouveau sa tête, regarde les doigts, puis regarde le visage, puis regarde à nouveau les doigts et puis la table. Louis comprend aussitôt. Il dépose le petit bout de crêpe sur la table, devant les pattes du moineau qui ne bouge plus, et qui attend avec grande impatience sa pitance.

Pendant cet instant, le temps s’est arrêté. Pour la maman et pour Louis, plus rien d’autre n’existe. Le bruit environnant a disparu, sauf le « chip, chip » du moineau. Plus aucune odeur d’animaux n’arrive jusqu’aux nez de cette petite famille, plus le moindre cri d’enfant ne perce les oreilles. Il n’y a plus que Louis, sa maman, et le moineau gourmand.


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Auteur : ecrimagine

La lecture, l'écriture, la photographie et l'observation de la nature, sont pour moi de bonnes sources d'apaisement, de relaxation, d'imagination, d'évasion, de partage, de découverte,...

2 réflexions sur « Balade à la ferme »

  1. Bonjour quelle jolie histoire pour débuter cette journée grise, elle me parait moins triste maintenant après l’avoir lue, merci, je vais partir pour le marché gros bisous et bon dimanche

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