Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Maître Corbeau, on ne l’appelle pas Maître Corbeau pour rien, c’est un vrai maître, il maîtrise comme personne la vengeance ; il fait les meilleurs plats froids afin que la vengeance soit aussi bonne que grande. Il enrage intérieurement. Il est écœuré par ce qu’il se passe.
Le corbeau ne tarde pas à retrouver ses réflexes calculateurs. Dans sa tête de piaf, pas si petite que ça quand on sait tout ce qu’il peut mémoriser, un plan se dessine rapidement. Il enregistre les moments où il pourra s’évader, il sait déjà par où il pourra aller pour passer incognito. Il ne traîne pas, il ne veut plus être témoin de ces horribles scènes. Cela doit cesser au plus vite, mais sans mettre en danger l’enfant.
L’oiseau sait que l’enfant est intelligent, il a appris à lire tout seul, sans l’aide de personne. Il sait aussi qu’il est manipulé depuis tellement d’années. Au fond de lui, il devine que l’enfant, malgré son haut potentiel, aime ses parents d’une certaine manière. Corbeau se demande même s’il sait qu’il est interdit de prendre des photographies pareilles ?
La séance photo terminée, le coussin enlevé, Maître Corbeau en profite rapidement pour s’éclipser par la porte entr’ouverte, ni vu, ni connu.
Plusieurs heures s’écoulent…
Au crépuscule, cette femme qui n’aurait jamais dû enfanter, reçoit un appel téléphonique sur son portable. Numéro masqué, elle décroche sans se poser de questions. Mais de l’autre côté, elle n’entend rien, du moins pas une voix humaine. Comme un cliquetis, comme si on tape sur une table avec des ongles. Puis ça raccroche. Et ce petit scénario se reproduit six fois, exactement toutes les six minutes. Elle finit par ne plus décrocher et éteint carrément son téléphone. Réminiscence. Flash. Images d’enfance. Cauchemars, terreurs, angoisses. Petite, ses parents qu’elle considérait comme des héros, avaient été harcelés, houspillés, bousculés, et finalement lynchés. Ils avaient sois-disant commis l’irréparable sur les enfants des voisins. Elle avait toujours cru en leur innocence, ils avaient toujours été très gentils avec elle. Les problèmes de ses parents avaient commencés avec des appels téléphoniques anonymes tard le soir, se prolongeant dans la nuit…
Le lendemain matin, d’une main tremblante, elle rallume son téléphone. 66 appels en absence. Elle compose à la hâte le numéro de son mari. Elle doit s’y reprendre à plusieurs reprises tant elle tremble. Il ne répond pas, mais elle laisse un message lui demandant de revenir au plus vite. Puis, elle éteint à nouveau son téléphone. Et elle attend.
Vers les dix heures, elle entend le facteur qui met du courrier dans la boîte aux lettres. Elle va vite chercher ces lettres, se forçant à penser à autre chose. Quand elle passe la porte d’entrée, elle trouve une longue plume noire, indemne, toute belle, toute lisse. Frissons. Dans sa boîte aux lettres, une souris morte gît les viscères à l’air. Nausées. L’unique lettre est une facture. Soupir. Retour à la maison. A la cuisine, sur la table, une lettre anonyme écrite avec des mots coupés dans un journal. N’ose pas lire. Panique. Hystérie. Hurlements. Elle s’enferme dans sa chambre, oubliant son enfant, bouchant ses oreilles, la tête sous son oreiller, les volets fermés, les yeux inondés, le corps convulsé.
Dehors, sur l’unique arbre du jardin, un rassemblement d’oiseaux noir se pose dans les branches dénudées du noisetier. On ne peut les compter, ils sont bien trop nombreux. Tellement que certains se posent sur le toit de la maison, d’autres sur la terrasse, ils sont partout. Silence. Puis un premier oiseau essaye de s’agripper sur le rebord de fenêtre de la chambre du garçon. Tic Tac fait son bec sur le plastique opaque. Acharnement. C’est Maître corbeau qui redonne la vue à la fenêtre. Il arrache une partie du plastique, assez pour permettre au petit ange de regarder la vie dehors. Sourire ! Grand sourire ! Applaudissements.
Les grands corbeaux, les amis, la famille du Maître, attendent le signal. Puis, façon film, souvenir à Harry Potter, ils jettent des centaines de lettres anonymes, toutes identiques, dans la cheminée, sous la porte d’entrée, entre les fenêtres qui pourtant sont fermées.
Ils arrivent en même temps. Le père et les flics. Doutes. Espoir pour le petit bonhomme ? Voisins ahuris. Personne n’en revient. Personne n’y croit. Tous ces oiseaux, toutes ces lettres, toute cette vérité qui éclate au grand jour. Liberté. Larmes de bonheur chez le petit. Voisins révoltés. Enfant libéré, parents condamnés, mère suicidée.
« Maître Corbeau, sur un noisetier perché,
Tenait en son bec la vérité.
Maître Loïc, par la liberté alléchée,
Lui tint à peu près ce discours enflammé:
« Hé ! salut, Monsieur du Corbeau… »
Et c’est ainsi que le jeune Loïc remercia Maître Corbeau, lui promettant d’écrire une autre fable, digne de son action héroïque.
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Quelle superbe fin ! J’ai adoré ton histoire !!!
Bravo Cécile pour ta plume (de corbeau…) !
Bizzz
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Wouah! quelle superbe fin pour cette histoire, magnifique merci bisous
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