Maître Corbeau (1)

Première partie d’un texte un peu plus long :-) Contrainte du départ : le corbeau… Je suis curieuse de savoir quelle suite vous imagineriez pour ce début d’histoire… à vos claviers et à vos commenaires !

Maître Corbeau sur un arbre perché

Tenait en son bec un fromage.

bla bla bla

Le Corbeau en a marre de toujours jouer la même scène ! Il a beau entendre, le dire, le penser très fort qu’on ne l’y reprendrait plus, à chaque fois qu’un lecteur lit cette fable, à voix haute, à voix basse, en y mettant la forme ou non, il se fait avoir. A chaque fois, il laisse tomber son bon, son délicieux fromage. A chaque fois, c’est le rusé renard qui gagne. A chaque fois ! Et lui, il en a plus que marre de se faire avoir. Alors, pour une fois, le Corbeau sort de ses plumes. Voilà des lustres et des lustres qu’il pense à le faire, mais son personnage lui collant tellement à la peau, l’acteur qu’il est finissait toujours pas abandonner, par écouter la suite, espérant encore et toujours un retournement de situation. Plus aujourd’hui. Mu par un sixième sens indéfinissable, peut-être par le son différent que produisait les mots dans la bouche de cet enfant, Corbeau écarta les mots avec le bout de ses ailes, déchira le papier du livre déjà tout abîmé et sorti du recueil de fables de feu Monsieur La Fontaine.

– Dis donc mon jeune ami, tu ne voudrais pas pour une fois que je garde ce bon fromage dans mon bec ?

Voilà exactement la phrase qu’il aurait dit, s’il avait pu. Au lieu de quoi, après qu’il se soit ébroué pour remettre ses plumes dans le bon ordre, il croassa gauchement.

-CROAK !

Surpris par ce cri grave, rauque et … incompréhensible même pour lui, il recula, trébucha sur le bord du livre et chuta à terre. L’atterrissage fut rapide et rude. Secouant la tête pour reprendre ses esprits, il se contorsionna de façon à diriger un œil vers le petit garçon qui était là, toujours assis sur le bord de son lit, et qui n’avait pas bougé malgré l’incongruité de la scène. Corbeau avança prudemment, une patte devant l’autre, le regard toujours rivé sur le visage de l’enfant. Une larme. Une larme glissait silencieusement sur la joue du petit garçon. Puis une seconde, sur l’autre joue. Une ligne humide se forma rapidement, rigole utilisée par les gouttes salées pour se rouler jusqu’au menton, puis tomber sur le livre, déchiré, mais encore ouvert. Il lisait, il pleurait.

Corbeau s’arrêta, ne sachant comment se comporter. Ignorant la raison pour laquelle le petit garçon était dans un tel état, il décida de faire profil bas et de se cacher pour observer. Il avait imaginé mille scénarios pour ce jour spécial où il déciderait de transformer sa vie, sa fable, son histoire. Aucun d’eux pourtant ne se rapprochait de ce dont il était témoin à l’instant.

Il avait dressé une liste de « ses » lecteurs : des enfants, des petits, des plus grands, des adultes, des jeunes ou moins jeunes, des filles, des garçons, des « gentils », ou des « je-hais-la-lecture-mais-je-suis-obligé ». A côté de chaque possibilité, un autre mot était relié par une ligne de couleur. Un mot pour désigner l’endroit de lecture : bibliothèque, chambre, classe, parc, métro, salon, café, librairie… Il avait même prié le Dieu des Corvidés pour que le lecteur ne soit pas un geek ou autre tordu de lecture numérique car là, il était coincé, il lui était en effet impossible de briser de son bec la surface rigide d’une liseuse électronique. Le papier, ça se déchire, le verre, ça se casse. Et lui, Corbeau de La Fontaine, est incapable de casser du verre, même avec son bec puissant.

Corbeau avait donc cru pouvoir s’adapter à n’importe quelle situation. Il pensait avoir tout prévu…

(Suite, partie 2)


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Auteur : ecrimagine

La lecture, l'écriture, la photographie et l'observation de la nature, sont pour moi de bonnes sources d'apaisement, de relaxation, d'imagination, d'évasion, de partage, de découverte,...

2 réflexions sur « Maître Corbeau (1) »

  1. Oyé! J’adore cette version il était temps que maître corbeau sorte de son bouquin poussiéreux pour changé un peu le cours de la fable que l’on a lu et relus…Bravo à quand la suite? Bisous

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