Ce matin, j’entends ce que seuls les amoureux des oiseaux reconnaissent tout de suite : l’alarme du merle.
Fenêtre grande ouverte, soleil encore doux.
Je tends l’oreille : ça insiste. Ça crie. Ça râle. Ça… alerte.
Dans l’arbre, face à mon salon, je l’aperçois. Monsieur Merle, tout gonflé de courage, avec un ver de terre dans le bec et de la terre plein les mandibules. Et malgré ce chargement, il crie.
C’est donc grave.
Je me lève. Je cherche la raison de son inquiétude. Et je trouve.
Minos.
Mon fauve domestique. Mon chat-chien. Mon gros bébé. 6 ans et 7 Kg.
Allongé avec toute la nonchalance du monde, à moins de trois mètres de l’arbre.
Il ne bouge pas. Il ne cligne même pas des yeux. Il profite du soleil.
— Hum ? C’est pour quoi ? Je ne dors pas, non. Je médite. Oui, ça m’arrive. C’est pas interdit.
Je l’imagine. Il serait capable de me répondre ce genre de répartie.
Le merle continue de s’égosiller. Il l’enguirlande et moi je retiens mon souffle.
Minos, lui… n’en a cure.
— S’il savait comme j’en ai rien à faire de son ver et de ses grands airs. Le soleil est à tout le monde. Et ici, c’est chez moi.
Mais voilà : la simple présence du chat, même endormi, même en pleine méditation, suffit à déclencher une panique générale dans le quartier ailé.
Moi, je souris, mi-fière, mi-embarrassée. Le merle est tout autant chez lui ici que mon chat. D’ailleurs, l’arbre appartient aux oiseaux. C’est ainsi. C’est la règle. Monsieur Merle doit sûrement nourrir sa femme au nid ou ses petits qui sont nés dans le sapin, au fond du jardin. Je lui donne raison. On ne peut pas faire confiance à un félin, même avec embonpoint, même en méditation.
Minos est innocent aujourd’hui, mais il ne l’a pas toujours été. Heureusement, il se préoccupe davantage du chat voisin que des oiseaux. Lui aussi doit défendre son territoire et il a fort à faire avec ce mâle « entier ».
Le Merle continue à crier. Un décor qui gronde, qui surveille, qui alerte.
Et qui me rappelle combien chaque geste, chaque présence… a un impact dans le grand théâtre du vivant. Alors, j’appelle mon chat-chien. Un regard suffit à le faire rentrer à l’intérieur. Brave Minos.

