Tortue.
Carapace.
Lenteur.
Le train n’a rien d’une tortue. Il est rapide. Pressé.
Le train, pour moi, s’apparente à une torture : monde, foule, bruit, boucan, promiscuité, bousculade, visages fermés, écrans partout, frontières invisibles, vitesse imposée.
Tout ce que je déteste.
Le train.
Bruxelles.
Retour en arrière. Berceau de mon enfance. Nuisances. Souvenirs de violences.
Alors je me mets en mode tortue.
Je ralentis.
J’avance lentement.
Je rentre dans la gare comme je rentre dans ma carapace.
Je me coupe du monde, de la foule.
J’étouffe le bruit, le boucan.
J’agrandis ma bulle de protection.
Je solidifie mes épaules.
Je fuis les inconnus.
Je ferme les yeux devant les écrans lumineux.
Je trace les frontières à ne pas franchir.
Je respire.
Casque vissé sur les oreilles, une douce musique berce mon cerveau embrumé.
Je suis dans ma bulle.
Bien.
Confortable dans cette carapace personnelle, unique, sécurisante.
Une heure durant.
Je respire.
Je ralentis.
Je fuis le réel.
Bruxelles Midi.
Je sors du train.
Je quitte ma bulle.
Le monde me heurte aussitôt.
Foule grouillante. Coups d’épaules. Visages flous.
Je me faufile. Je glisse entre les corps.
Fourmi dedans. Tortue dehors.
Perdue dans les rues.
Paumée dans les travaux, par milliers.
Je tourne. Je cherche. Rien n’est plus familier.
Je respire. Mal.
Agressée par cette puanteur de pisse qui se déverse dans les recoins de la ville.
Narines inondées. Écœurée.
Fourmi dedans. Tortue dehors.
Et puis, enfin, une porte.
Ma destination.
J’y suis.
Arrivée.
Je respire. Mieux.
Je souris.
Victoire.
