Le sens de l’ouïe, terrifiant

Pour le 12ème jeu de Rébecca, il faut choisir l’un de nos 5 sens et l’utiliser au mieux dans un texte.

Cette nuit, j’ai mal dormi.

J’ai encore fait des cauchemars, j’en ai marre.

Je décide d’aller à pieds à mon travail afin de ne pas me sentir compressée dans un bus bondé.

Le soleil s’est à peine levé sur un sol tout gelé.

Je n’ai pas froid, je marche d’un bon pas.

Les images de mes rêves hantent ma tête. Des écorchures, de la violence, de la peur, beaucoup de peur, des crocs qui déchirent ma peau, des animaux qui me griffent, des endroits que je ne connais pas, des chemins qui conduisent à ma perte.

J’ai l’impression d’être ailleurs, de ne pas vivre le moment présent. Chaque instant, chaque seconde s’égraine devant moi comme le contenu d’un sablier renversé.

Alors que j’avais l’impression d’un grand silence, les portes de mes oreilles s’ouvrent brutalement au monde environnant.

Le brouhaha des voitures incessantes, les freins d’un vélo qui grincent, un coup de klaxon qui retentit, tout cela rentrent en moi et me bouscule.

Une voiture au pot d’échappement troué fait un boucan d’enfer et me saisit.

Sur le trottoir d’en face, un jeune couple, deux gamins à peine sortis de l’adolescence, se disputent, s’enguirlandent, se crachent des injures. Je crains qu’ils en viennent aux mains.

Des perruches en vol au-dessus de moi s’annoncent dans leur langue de psittacidés, ce n’est pas un chant, c’est un cri aigu, bref, strident. Et elles sont nombreuses à crier… heureusement elles ne font que passer.

Bien plus haut, c’est un avion qui se rajoute à tout ce non-silence pesant.

Puis, de concert, un chien aboie, une voiture freine et la sirène d’un véhicule prioritaire hurle son urgence.

Des sons brefs, qui se juxtaposent les uns sur les autres ou qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Pas une seule seconde de silence. Pas une ! C’est horrible…

Pendant dix minutes, je marche ainsi, irritée par tous ces bruits. Jusqu’ici, je ne prêtais pas attention, cela fait partie de mon quotidien et je n’y peux rien.

Je marche en silence, que je crois. Mes pas se posent sur le sol aussi doucement que des baskets peuvent le faire. Mais le frottement de mes bras sur ma veste trahissent mes mouvements. Mes mains dans les poches résolvent cette friction.

J’arrive à un feu rouge. Une voiture polluante accélère. Deux passants attendent à mes côtés que le petit bonhomme devienne vert. L’un écoute une musique à faire péter les tympans, l’autre est une jeune femme, talons aiguilles, bouteille de parfum renversée sur elle. Tac tac tac, les chaussures avancent, la bouche répond à une sonnerie de téléphone, la voix s’égosille, le rire vibre.

Le parfum s’en va, le rire en écho derrière elle.

La musique s’affaiblit.

Puis, j’arrive à mon travail.

L’alarme branchée, je dois la désactiver avec des bip bip bip. Enlever le répondeur qui fait tilu tilu.

Puis le fonctionnement de l’ouverture automatique de la porte se met en route…

La sonnerie du téléphone, l’ouverture automatique de la porte, les portables qui s’activent, l’ordinateur qui tourne, la circulation dans la rue, … cela ne s’arrêtera plus avant ce soir.

Au coucher des enfants, je me dis que j’aurai un peu de répit, mais il y a les machines à faire tourner, alors, j’attends la nuit. J’attends de dormir pour avoir le silence, un silence bien mérité, un moment sans bruit, sans cauchemar ?

Et ce soir, il pleut… on est au rez-de-chaussée, au-dessus des caves, et la pompe qui aide les égouts à ne pas déborder se met à vivre la nuit ! Un vrombissement se fond dans mes rêves.

Cette nuit, dans mes cauchemars, il y a un monstre qui grogne, de la pluie qui rentre dans ma chambre et qui monte jusqu’au plafond… heureusement, je sais respirer dans l’eau !

 Ps : je vous rassure, Chouna n’est absolument pas le monstre que l’on pourrait croire sur la photo que j’ai utilisée pour illustrer le passage de mon cauchemar dans ce texte. Mes deux chats adorent jouer avec des bouts de ficelles et ici, Chouna fait un joli bond, toutes griffes et crocs sortis pour attraper la ficelle.