Affronter sa peur : le pouvoir des contes

Pourquoi je reviens toujours vers les contes ?

Je ne sais pas pourquoi les contes m’attirent autant.
Ou plutôt si : je crois que je le sais, mais j’ai encore du mal à le dire tout haut.

Ce week-end, je repars me former à l’art du conte. Une formation de perfectionnement. Et, comme à chaque fois, je tremble à l’idée d’y aller.
Rien que d’imaginer parler devant un groupe, sans texte, sans filet, me met le trouillomètre à zéro.
Je sais que j’aime écrire des contes, mais les dire… c’est une autre histoire.

Pourtant, les contes me fascinent. Leur structure, leur manière de faire passer des messages sans jamais les imposer.
À deux reprises, chez le même animateur, j’ai terminé la formation en disant :

“Non, décidément, je préfère écrire que conter.”

Et puis, la dernière fois, en 2022, il y a eu un déclic. Quelque chose d’invisible, mais de très réel. Mon ami conteur l’a senti lui aussi.
Après ça, pourtant, j’ai arrêté de conter … mais j’ai continué d’écrire.
J’ai compris que je préférais adapter des contes existants plutôt que de dire les miens. Parce qu’avec mes textes, j’ai du mal à me détacher des mots.
J’ai peur de les trahir en les disant autrement. Comme si, en me détachant du texte, je me détachais de moi.

Et puis, récemment, j’ai compris d’où venait ce malaise.
Un souvenir d’enfance, revenu avec violence, m’a rappelé pourquoi parler a toujours été si difficile.

À treize ans, j’ai dénoncé quelqu’un pour des faits graves. On m’a traitée de menteuse. On m’a dit de me taire. On m’a dit que j’exagérais.
Alors j’ai fini par me taire. Un mutisme sélectif s’est installé, ma timidité est devenue maladive…
Et l’écriture a pris la place de ma voix.

C’est pour ça, je crois, que je ne suis jamais à l’aise pour parler en public.
J’ai peur qu’on me juge encore, qu’on me dise que je mens, que je déforme la vérité. Et pourtant, au fond de moi, je sens que le conte est mon remède.
C’est ma manière de soigner ce silence forcé, de reprendre une parole qu’on m’a volée.

Alors pourquoi je continue avec ce conteur-là, devenu un ami ? Pourquoi lui, et pas un autre ? Parce qu’il porte le même prénom que la personne que j’ai dénoncée ? Est-ce un hasard ? Un signe ? Ou une épreuve que je me suis inconsciemment donnée ?

Je ne sais pas. Il y a des coïncidences qui ne sont que ça, de simples coïncidences. Mais parfois, quand elles se multiplient, difficile de ne pas y voir un sens. Dois-je les écouter ? Les ignorer ? Ou bien, encore une fois, les réduire au silence ?

À vingt-quatre heures du début de la formation, j’hésite encore sur le conte à travailler. J’ai abandonné mes deux contes noirs, trop chargés, trop proches de mes ombres. J’ai préparé celui de la mésange et de ses humeurs qui changent selon les saisons (c’est moi, un peu, beaucoup, passionnément).
Et j’en emporterai d’autres, écrits par d’autres.

Mais j’hésite toujours.
Lire à voix haute ? Écrire sur place ? Ou ne pas y aller du tout ? Je crois que je le sais déjà. Je vais y aller. Tremblante, peut-être. Mais vivante.
Parce qu’au fond, c’est bien ça, conter : c’est oser dire, avec sa voix, avec son corps, avec son regard.


Et vous, qu’est-ce que les contes réveillent en vous ?
Une part d’enfance ? Une blessure ancienne ? Ou simplement le plaisir d’écouter, d’imaginer, de rêver ?
Parfois, raconter, c’est juste une autre façon d’apprendre à se raconter soi-même, pas à pas, mot après mot.