Maître Corbeau (2)

(partie 1)

Dissimulé sous le lit, accompagné par trois tonnes de poussières et d’autres choses indescriptibles, sombres et d’aspect peu ragoutant, l’oiseau sort de sa cachette pour détailler le début de sa nouvelle vie. La Fontaine, son père, son créateur, lui avait expliqué la possibilité de se faire cette nouvelle vie, n’importe quand, n’importe où. Il fallait juste réunir quelques conditions : un lecteur, la fable écrite ou imprimée sans faute, et accepter le chemin du non retour. Une fois sorti du livre, il n’était plus possible pour lui de revenir en arrière. Le processus était donc irréversible.

Le voilà donc aujourd’hui, dans cette pièce à l’aura négative, avec un petit garçon en souffrance.

Corbeau se fait un devoir de mémoriser les moindres détails du lieu où il renaît. Les murs sont sales, gris, moches, avec de la peinture qui s’écaille à plusieurs endroits. Des fissures courent sur tout le plafond jaunâtre, principalement sur les bords. Une applique murale, la seule, l’unique, éclaire faiblement la pièce. Les fenêtres, au nombre de deux, sont décorées d’un film plastique opaque qui laisse entrer la lumière mais ne permet pas de voir ni l’extérieur, ni l’intérieur. Il y a même un système qui bloque l’ouverture des fenêtres. Le lit sous lequel il se trouve est collé au mur, et fait face à la porte d’entrée. A gauche du lit, il n’y a rien. A droite du lit, il n’y a rien non plus. Il y a juste une sorte de grand parapluie sur pied avec un écran en plastique, blanc, en face du lit, jouxtant la porte d’entrée qui est fermée. Et un radiateur, un vieux radiateur en métal, sur pieds aussi, juste sous les fenêtres.

Corbeau scrute la porte quand un bruit se fait entendre. Au-dessus de lui, sur le lit, ça bouge. Il sent de la peur, de la nervosité mais aussi de la colère, de la haine, et de l’impuissance, beaucoup d’impuissance. Tout à coup, le livre tombe à terre. Cela n’a pas fait de bruit, à cause de toute la crasse, ça a amorti le choc. Noir sur noir, il se dit qu’il peut rester là en-dessous. Il veut comprendre pourquoi tous ses sentiments débordent du petit corps de l’enfant.

(Suite, partie 3)

Le lac des souhaits

Texte écrit à l’occasion de mon 1er stage d’écriture pour la jeunesse (avril 2008). Moment magique, car c’est grâce à ce stage que depuis j’écris principalement pour les enfants, merci Evelyne :-)

Le lac des souhaits

 Dans la forêt voisine, vit un petit oiseau extraordinaire. Il s’appelle Sylvain. C’est un oiseau de la taille d’un pigeon mais au plumage flamboyant de roux et de jaune. Il a toute l’élégance d’une hirondelle et il est aussi souple qu’une mésange. Très attentif à son plumage et à sa réputation, c’est le plus grand séducteur de la forêt. Sylvain est un animal très dynamique. Il ne peut s’empêcher de marcher ou de sautiller à tout moment de la journée. Et quand, enfin, il prend le temps de s’arrêter, sa longue queue, elle, continue de bouger. Hélas, il a un gros problème. Livré à lui-même depuis son enfance, il n’a jamais apprit à voler !

 – Si seulement je pouvais trouver le mode d’emploi, cela m’éviterait bien des misères, se répétait-t-il, sans cesse.

 En vain, il ne trouve décidément pas la technique pour décoller. Têtu, il essaye une nouvelle fois mais sans succès. Epuisé par cette dernière tentative, il glisse de son perchoir et chute assez maladroitement. Il se fait très mal à la tête. Depuis ce moment, allez savoir pourquoi, il se prend pour un chat !

 Quelques jours passent.

 Sylvain décide d’aller se promener. Enthousiaste par cette belle journée, il s’aventure dans le bois sans se soucier de sa destination. Il ne se rend même pas compte qu’il quitte son territoire. Ses petites pattes le conduisent directement près de la cabane du chasseur ! Jamais il n’a été aussi loin. Affamé après cette longue marche, il ne pense à rien d’autre qu’à se frotter aux jambes de l’homme pour lui demander à manger!

(La chute qu’il a faite la semaine dernière lui a vraiment fait perdre la tête.)

Quand un filet de capture se dresse au-dessus de l’épaisse chevelure, Sylvain prend conscience de son erreur. Sans plus attendre un instant, il s’enfuit. Il court aussi vite qu’il le peut, sans jamais regarder derrière lui.  Il ne sait pas où il va. Peu lui importe l’endroit, pourvu qu’il s’éloigne de la forêt. Soudain, il s’arrête, net. Devant lui, un immense lac à perte de vue. Il se retrouve complètement coincé, pris au piège entre le chasseur et cette étendue d’eau.

– Le … Le Lac des Souhaits! Jamais un chat n’a réussi à le traverser, dit-il, paniqué.

Pendant qu’il contemple son reflet dans l’eau, il ne prête pas attention aux pas du chasseur qui se rapprochent dangereusement de lui.

(Tu te souviens, Sylvain est un magnifique oiseau qui se prend pour un chat depuis qu’il s’est cogné la tête)

L’image que Sylvain voit de lui le laisse perplexe : il a l’impression de ne pas se reconnaître.

– Mais ma queue est toute petite! Qu’est ce que c’est que cette histoire ? Et puis mes oreilles, où sont-elles ? Et mes moustaches, où se cachent-elles ?

Tout à coup, alors qu’il est absorbé dans sa contemplation, le ciel s’assombrit et le vent se lève.

Un éclair déchire l’horizon.

– Je suis perdu, pense-t-il, les pattes tremblantes et le regard affolé.

– J’espère que ce qu’on dit est vrai : qu’un chat a neuf vies ! Oh, si seulement ce lac pouvait aussi exaucer mes souhaits….

A ces mots, l’orage éclate et le bruit du tonnerre, pareil à un coup de fusil, lui fait retrouver ses instincts. D’un geste vif, il ouvre ses ailes, et, pour la première fois de sa vie, s’envole.

Il n’en revient pas. Comme par magie, le fait d’ouvrir ses ailes lui fait retrouver son identité.

– Je suis un oiseau! Un merveilleux oiseau. Je suis libre. Je vole !

Soudain, il ralentit. Tout en bas, du l’autre côté du lac, il voit un rassemblement et entends une dispute éclater. Il croit reconnaître la jeune femelle qui se fait gronder. Il a rêvé d’elle quelques nuits auparavant.

– Je croyais qu’elle n’existait que dans mes rêves, dit-il.

A l’entrée de la forêt, au bord du lac, une jeune femelle héron sanglote. L’oiseau est condamné à quitter le territoire car il est différent. Toute blanche, Lisa ne peut plus rester dans la famille car elle fait peur aux poissons et est incapable de s’adapter à son handicap. Sylvain suit son instinct. Dans son rêve cet échassier lui sauve la vie. Il doit écouter son coeur. Sans penser à ce qui pourrait lui arriver, il descend en vitesse et atterrit juste devant Lisa. Subitement, il se sent tout petit face à l’immensité du père. Le héron devient rouge de colère. Personne n’a jamais osé le défier. De ses longues et fines pattes, le grand héron s’avance vers Sylvain d’un pas menaçant. Le petit oiseau doit pencher sa tête pour voir son interlocuteur et monte à reculons sur une grosse branche qui se trouve juste derrière lui.

– Ah, je me sens un peu moins ridicule, à présent, dit-il en plaisantant.

Encore plus furieux de ce petit manège, le père se redresse pour paraître encore plus imposant. Il gonfle ses plumes et étire son cou. L’oeil fixe, il dirige son bec en direction du tout petit oiseau et s’apprête à le transpercer. Tout à coup, Sylvain qui avait anticipé l’attaque, bondit et fonce pile entre les deux pattes du grand échassier. L’immense oiseau complètement pris au dépourvu, enfonce son poignard dans l’écorce et y reste planté. Sylvain réagit immédiatement et lui assène un terrible coup de patte aux fesses!

Ce qui fait rire aux éclats Lisa, la jeune héron. Elle en rigole tellement qu’elle devient toute rouge aux joues !

Sylvain prend la main de Lisa. Les pattes dans le lac, il lui demande de faire un voeu et lui promet que celui-ci va se réaliser.

– Que les couleurs de l’arc-en-ciel deviennent miennes !

 

Une histoire de lapin

Pour rester « dans les lapins », voici une de mes histoires publiée dans mon dernier recueil
L’idée de ce texte m’est venue en regardant les magnifiques photos de Benoit Henrion. Voici celle qui m’a inspirée.

 

C’est l’hiver, il fait froid et il neige.

Madame Valeria a faim. En tournoyant dans le ciel, elle a repéré une tache sombre sur la terre blanche. Cette tache ne bouge pas, mais un délicieux fumet de lapin semble venir d’elle.

— L’avantage avec la neige, dit-elle, c’est que les proies se voient plus facilement.

L’année passée, Madame Valéria a fait une mauvaise expérience. Elle s’était laissé tenter par un animal mort, et après l’avoir mangé, elle avait vite eu mal au ventre. La douleur était très forte, mais heureusement, grâce à des Bipèdes, elle a eu la vie sauve. Ils l’avaient emmené dans un centre où on soignait des animaux comme elle. Et bien qu’elle ne parle pas la langue des Bipèdes, elle avait retenu le son « poison » et avait très vite compris que les gens qui s’occupaient d’elle étaient très fâchés après ce mot.

Depuis ce jour, elle attend toujours un peu avant de fondre sur un cadavre. Elle patiente pour voir si un autre animal, intéressé par cette viande, allait se tordre de douleurs après l’avoir touchée.

— Alors, que font-ils ? Qu’on ne me dise pas qu’à cause de la neige, aucune corneille ne sort de chez elle ou qu’aucun rat n’est tenté par ce festin ? grommelle-t-elle dans son bec.

Une demi-heure plus tard, un gargouillis se fait entendre et Madame Valéria toise son ventre :

— Tu vas avoir à manger, je te le promets, lui répond-elle.

Elle termine à peine sa phrase quand, tout à coup, son ouïe détecte la présence d’un rival.

— Une autre buse ! siffle-t-elle. Elle va me piquer mon lapin !

Aussitôt, elle décolle de son perchoir et se pose non loin du gibier.

L’autre rapace arrive en même temps, et celui-ci, pattes bien tendues, ouvre ses ailes en grand pour s’imposer.

Face à cette posture d’intimidation, Madame Valéria se fait toute petite.

« Vas-y mon coco, goûte-moi ce lapin et dis-moi s’il est bon », ricane-t-elle en son for intérieur.

Madame Valéria réalise soudain que, quelle que soit l’issue de ce combat qui semble inévitable, elle va en ressortir perdante.

— Si ce lapin est bon et que je ne gagne pas le combat, je n’aurai que les restes et si l’autre crie « au poison » ou se plie en deux, je n’aurai rien à manger, l’un comme l’autre, c’est fichu, dit-elle tout bas pour ne pas que l’autre puisse l’entendre.

Les deux oiseaux sont de taille identique, mais son rival semble être en meilleure forme physique, car il n’arrête pas de hurler, ailes ouvertes.

La guerre pour le lapin a commencé. Madame Valéria est impressionnée par la position de force de l’autre. Il siffle, ses yeux sont menaçants et il avance d’une démarche sûre. Elle n’a pas d’autres choix que d’accepter le conflit.

Madame Valéria se ramasse sur elle-même et bondit sur son rival toutes serres tendues. Puis, elle ouvre ses ailes aussi pour garder un meilleur équilibre.

Les deux grands oiseaux ne sont plus que deux masses brunes, mélangées. On reconnaît juste Valéria par son poitrail un peu plus clair, et mis à part ce détail, on pourrait presque les prendre pour des jumeaux.

— Il est à moi ce lapin, va-t-en voleuse, lui crache l’autre en plein visage.

— C’est faux, c’est moi qui l’ai vu en premier !

— Ah oui ? Et pourquoi as-tu attendu que je me pose pour venir ramener ton bec ?

— C’est que…

Valéria n’ose pas lui avouer qu’elle craint qu’il ne soit empoisonné. Alors, elle réfléchit à sa réponse et lui dit :

— En fait, j’avais un peu froid et l’idée de mettre mes pattes dans toute cette neige ne m’encourageait pas à aller le chercher si vite, mais quand tu es arrivée, je ne voulais pas le voir partir sous mes yeux, alors je me suis imposée.

À tout expliquer de la sorte, Valéria baisse sa garde et reçoit un violent coup de patte dans le ventre.

— Ouch ! Quel coup bas ! Je pensais qu’on pouvait trouver un terrain d’entente, mais visiblement, tu n’es pas prêt à écouter ma proposition, lui dit-elle en retrouvant son souffle.

— Que le meilleur gagne, ricane-t-elle.

En un rien de temps, Valéria se retrouve le dos dans la neige avec une serre puissante sur son ventre. Elle croit qu’elle va perdre un œil ou avoir un vilain coup de griffe, mais tout à coup, son rival penche sa tête sur le côté et la regarde d’un drôle d’air.

— Alors, je te plais vue sous cet angle ? lui demande-t-elle en fermant un œil.

Profitant de ce doute, elle se redresse tout aussi soudainement qu’elle était tombée, déstabilisant son adversaire. Celui-ci, de tout son poids, s’enfonce dans la terre et se retrouve avec de la neige jusqu’aux genoux, limitant ainsi fortement ses mouvements.

Ils sont à égalité. Chacun a marqué un point dans cette bagarre de proie.

Valéria, toujours obnubilée par le risque éventuel de poison dans le lapin finit par proposer un arrangement au mâle.

— Écoute, visiblement, tu es plus fort que moi. Je te propose ceci. Tu peux commencer à te servir, mais tu me laisses la moitié. Tu peux choisir les meilleurs morceaux. Je n’ai pas envie de continuer à dépenser de l’énergie dans ce combat par un froid pareil. Qu’en dis-tu ?

— Hum ! Très juste. Tu as bien évalué ton adversaire et tu as entièrement raison. J’accepte ta proposition. Et parce que je suis galant oiseau, je te déposerai le reste du lapin au pied de l’arbre rouge dans la forêt, ainsi tu n’auras plus les pattes gelées.

— Oh ! Quelle délicieuse attention, merci à toi.

Ainsi, Valéria a-t-elle finalement gain de cause. Certes, elle ne va pas pouvoir profiter de la partie la plus tendre du lapin, mais elle sera définitivement fixée quant à la qualité de ce met délicieux. Et vu comment l’autre rapace le dévore goulûment, elle attend impatiemment son morceau. Elle s’en lèche déjà le bec.

Un accent pas comme les autres, qui chante…

Ah ! Jeune accent…eur, que tu es bien beau, mais s’il te plaît chante-nous plutôt de belles mélodies plutôt que ce « tiit » « tiiit » aigu et bref qui finit par nous casser les oreilles.

L’accenteur mouchet est un petit passereau qui ressemble fort au moineau domestique. D’ailleurs, on le confond souvent avec ce dernier ! Observez-le bien et vous verrez qu’il a une silhouette moins rebondie, plus élancée, que le moineau, qu’il est plutôt gris sur le ventre et la tête et que son bec est bien plus fin, caractéristique de son régime alimentaire : insectivore.

Celui qui nous « tiit » « tiiit » toute la journée, depuis quelques jours, est encore un jeune. Son nid ne doit pas être bien loin, dans l’un des sapins, le nôtre ou celui du voisin. Voyez sur ma photo les commissures de son bec : tout jaune encore, preuve que c’est un juvénile.

J’avais déjà pu apercevoir un adulte de temps en temps. Je suis agréablement surprise d’avoir un jeune dans notre jardin commun, côté rue. Sauf que son cri répétitif finit par nous taper sur le système (rires).

L’accenteur est presque aussi familier que le moineau, mais plus vif, plus rapide et qui se cache plus souvent. C’est un oiseau commun que j’aime bien. Il n’y a pas de différence entre mâle et femelle, contrairement au moineau domestique.

Le moineau domestique (clic, lien qui renvoie vers la belle fiche technique du site oiseaux.net)

L’accenteur mouchet (clic)

Photos recadrées pour montrer la différence de ces deux oiseaux…le premier à l’accent, celui d’à côté est le domestique :-)

Jour de tonnerre

5ème histoire… ça vous plaît toujours ?

Noémie est à l’école. C’est bientôt la fin de la classe. L’heure du midi arrive à grand pas. Noémie n’est plus trop concentrée sur ce que la maîtresse explique.

C’est le printemps. Depuis une semaine il fait doux mais pluvieux. Dehors, il fait lourd. Rapidement, le ciel s’assombrit. Les nuages descendent et on pourrait se croire à la tombée de la nuit. Le vent se lève et une odeur d’orage plane dans la cour de l’école.  Les insectes de la pluie volent maladroitement. Noémie, assise au fond de la classe, observe les branches des arbres qui tanguent. Elle n’a pas le temps de penser à son futur acte héroïque que la pluie frappe sur le sol de la cour.

– Le temps de midi se passera dans le préau, prévient l’institutrice.

Noémie aime bien cette ambiance particulière. Il fait sombre, il fait moche mais il ne fait pas froid. Il n’y a que le bruit de la pluie qui peut la bercer de la sorte. Elle aime passer son temps à regarder l’eau dégouliner des toits des maisons. Parfois les flaques dessinent d’étranges ondes. Elle aime beaucoup l’eau, sous toutes ses formes.

Les gouttes se font plus épaisses, plus rapides. Sur les vitres, elles s’éclatent violemment. La maîtresse doit interrompre la classe. La pluie crie plus fort qu’elle. Tous les élèves regardent par la fenêtre quand l’orage éclate. Personne ne remarque l’éclair mais tout le monde entend le grondement brusque. Certains sont impressionnés par la réaction de la nature. D’autres sont en admiration. Certains rigolent, d’autres n’osent plus faire le moindre geste et se bouchent les oreilles quand un éclair illumine le ciel, en prévision du grognement qui va suivre.

Soudain, dans tout ce remue ménage, un cri d’alarme retentit. Un oiseau hurle quelque chose d’incompréhensible. Il s’agite, il vole dans tous les sens. Peu d’élève semble s’intéresser à lui. Noémie le regarde. Elle essaie de comprendre son désarroi. Ses yeux suivent le petit passereau tout noir. Il est trempé. Ses plumes lui collent à la peau. Il s’ébroue quelque fois.

– Madame, vous croyez que les oiseaux ont peur du tonnerre ? demande Noémie.

– Non je ne crois pas Noémie. Ils doivent être habitués. Pourquoi cette question ?

– Là sur le muret, vous voyez ? C’est lui qui chante comme ça ?

Noémie ne sait pas que l’oiseau ne chante pas mais crie. Il est affolé mais personne ne va lui prêter de l’aide.

Dans la cour, derrière le panneau de basket, quelque chose est tombé et gît sur le sol trempé.

Dans l’arbre voisin, deux oiseaux, un noir et un brun s’inquiètent. L’objet qui est tombé a fait une chute incroyable et à présent, les oiseaux leur porte tout leur intérêt.  Contre toute attente, l’oiseau brun se couche à même le sol, protégeant quelque chose. Pendant ce temps, l’autre animal continue son discours saccadé.

– Madame, vous croyez que l’oiseau par terre est blessé ? Il a peut-être reçu la foudre sur lui ? Ou il a froid avec toute cette pluie !

L’institutrice n’a pas le temps de répondre. Le bourdonnement se fait de plus en plus fort, de plus en plus assourdissant.  Le vent balaye tout dans la cour de récréation.

Noémie attend qu’un nouvel éclaire annonce le prochain ronronnement du tonnerre pour ouvrir discrètement la porte de la classe.

Dans la rue, l’égout de la rue déborde. Des voitures déchirent d’immenses flaques d’eau. Des larves des coccinelles sont propulsées par le poids des gouttes d’eau devenues énormes. Une fourmilière est écrasée par la pluie. La nature est déchaînée.

Dans la classe d’Noémie, l’institutrice a fait asseoir ses élèves. Est-ce parce que l’orage est violent que les enfants semblent surexcité ?

La cloche sonne la fin de la matinée. Dans le préau les quatre cents élèves de primaire sont rassemblés. Noémie n’est pas là et personne n’a remarqué son absence. Pas même ses camarades.

Dans la cours, Noémie s’est cachée derrière le grand arbre. Dissimulée derrière le tronc, elle s’est accroupie pour mieux observer l’oiseau au sol. Celui qui est tout en noir avec son bec orange fait un raffut pas possible. Son cri perçant et aigu brise le bruit de fond de l’orage et des cliquetis de la pluie. Dans sa classe, sa maîtresse range ses affaires. Noémie tente un pas en direction de l’oiseau brun quand son institutrice la voit !

Noémie tente de faire comme si elle n’a pas entendu les doigts de sa maîtresse sur la vitre. Elle s’approche de l’oiseau qui est à terre. Il est tout brun, tremble de froid et tout son plumage est trempé. Les commissures du bec sont jaunes et le petit ne sait pas encore voler. Il crie dans une langue que l’enfant ne comprend toujours pas mais pourtant elle devine ce qu’il demande. En haut, perché sur une branche basse, la maman courre dans tous les sens pour appeler la jeune fille.

– Calme-toi petit oiseau, je vais te rendre ton petit mais avant, si tu permets, je vais le sécher un peu car il a très froid.

A quelques mètres de là, la maîtresse ne rate pas une miette du spectacle. Elle prépare un essuie pour son élève et pour l’oiseau.

La nature s’est calmée. La forte pluie s’est radoucie mais le ciel noir est à présent illuminé par des dizaines d’éclairs. Quelques grondements au loin annonce que l’orage s’éloigne. Le vent ne souffle plus aussi fort et Noémie peut rentrer dans sa classe pour réchauffer le petit oiseau qu’elle vient de ramasser. Autour d’elle, tout un groupement d’enfants s’est formé.

– Madame ? C’est quoi comme oiseau ? Il va mourir ?

La maîtresse ne sait pas très bien quoi répondre. Elle informe juste les enfants qu’il doit s’agir, probablement d’un jeune.  Noémie sent en elle quelque chose naître.  Elle voulait devenir médecin pour les enfants mais elle hésite à présent. Vétérinaire ça serait aussi chouette !

Dehors, la maman du petit merle se met dans tous ses états. Elle saute de branche en branche, s’égosille à ne plus en finir.

Quand le petit semble sec, la fillette ressort de la classe et sur la pointe de ses pieds, elle dépose le petit sur la plus basse des branches qui  lui est accessible. Elle s’éloigne de quelques pas et observe le comportement de la maman. Quand l’autre oiseau noir arrive, Noémie reconnaît le merle. Jamais elle n’avait pensé que le mâle et la femelle seraient différents.  Le papa oiseau a le bec rempli d’insectes. Il s’empresse de donner à manger à son dernier petit qui ne sait pas encore voler.

 

Le mystère du croissant doré

Jeu 7 de Rébecca. Ecrire une courte nouvelle. Le point d’accroche de cette  fiction-éclair est le titre : Le mystère du croissant doré.

Erwan marche d’un pas assuré quand tout à coup, il aperçoit une forme géométrique luire dans la nuit. Quelque chose de jaune, de doré bouge à quinze mètres de lui, comme illuminé !

Erwan est un jeune garçon plutôt intrépide et sûr de lui. Or, ici, il s’arrête tout net et scrute la tache en forme de croissant bouger par à-coups.
Haute, dans le ciel, la lune pleine semble l’encourager à poursuivre sa route.
Dissimulé derrière des roseaux, les pieds dans l’eau, Erwan observe le croissant doré qui pique sa curiosité.
L’objet semble flotter à dix centimètres du sol. Il fait tellement sombre que le garçon ne distingue rien d’autres aux alentours.
Un bruit sourd résonne au loin.
Des clapotements déchirent le calme de l’eau.
Des ailes en mouvements lui font tourner la tête.

Erwan est bien content d’être tout seul. Ses copains riraient bien de lui s’ils le voyaient trembler comme une feuille, lui le « gars » qui n’a peur de rien, pas même du directeur d’école.
Il essaie de faire abstraction des bruits environnants. Il se concentre sur ce qu’il peut voir…
« Serait-ce la pierre de lune magique ? » pense-t-il. Il a beau avoir onze ans et ne plus croire aux contes de fées, le mystère du croissant doré l’a toujours intrigué. Pourtant, cette histoire n’est qu’une fiction…

A quinze mètres de lui, une marouette au derrière sali par la boue est sur ses gardes elle aussi. Tombée sur son pet, elle n’a pas vu qu’elle a écrasé un ver luisant… à présent, son popotin ressemble étrangement à un croissant de lune brillant, et un drôle de zozo à deux pattes l’épie !