Scar l’escargot, son histoire

Voici encore une histoire que j’ai écrite il y a quelques temps et qui est parue dans mon recueil « Un oiseau peut en cacher un autre » (et autres contes pleins d’animaux)

Scar l’escargot

       Scar est un escargot infortuné. Mal voyant de naissance, il vexe à plusieurs reprises sa mère en l’appelant parfois « papa ». En effet, Scar ne parvient pas à différencier un mâle d’une femelle escargot même celle-ci lui a dit et répété qu’il ne verrait sans doute plus jamais son père.

       Il y a quelques jours, quand sa coquille n’était pas encore fortifiée, il a reçu un caillou sur le dos. Chez d’autres jeunes, cela n’aurait rien fait. Mais chez Scar, cet incident eut des conséquences désastreuses. Le malheureux en est marqué à vie.

       Les jours passent et il craint l’arrivée de l’hiver avec cette fissure sur son dos.

       « Je suis sûr que la pluie, le froid et la neige trouveront la faille pour pénétrer dans ma peau. Il faut que j’imagine un stratagème pour imperméabiliser ma coquille. », pense-t-il. »

       Scar réfléchit à ce sujet. Frileux comme il est, il ne survivra pas aux rigueurs de la saison. Il pense demander de l’aide à l’oncle Lim.

       « Il a toujours des idées. Il pourra certainement m’aider. Il a plus d’un tour dans sa vieille coquille. », sourit-il.

       Tout en suivant lentement les traces de sa maman, le jeune escargot pense à l’oncle Lim. Soudain, perdu dans ses pensées, il ne regarde pas où il met le pied et se cogne à sa mère. Celle-ci se retourne et lui dit :

       — Mon petit garçon, tu es devenu grand. Il est temps pour toi de commencer ta propre vie, d’avoir tes amis, ta maison. Arrête donc de me suivre partout.

       — Mais maman, tu n’y penses pas, je suis encore bien trop jeune ! Comment vais-je survivre aux nombreux prédateurs ? Sans toi, je vais mourir ! lâche-t-il presque en sanglotant.

       — Scar, tu es peut-être malvoyant, mais tu n’es pas idiot ! Au contraire, tu es un escargot très intelligent. Je suis sûre que tu trouveras des astuces pour échapper à tous les gourmands du quartier. Et arrête de t’accrocher à moi comme tu le fais, tu sais que j’ai horreur quand tu grimpes sur ma maison.

       — Pardon maman. Ne m’abandonne pas, j’ai besoin de toi.

       — Allons, allons, ne fais pas l’enfant, tu as déjà deux ans. Regarde donc ta peau, elle n’est plus si pâle, elle a de très jolies couleurs.

       — Mais tu m’as dit que je serais adulte quand j’aurais deux rayures sur ma coquille, mais je n’en ai qu’une !

       — Oui, en effet. Mais cela doit être à cause de ton accident. Le principal, c’est que ta maison soit solide, et, toc toc, elle l’est ! Elle n’est plus molle. Arrête de chercher le moindre prétexte à rester accrocher à mes tentacules.

       Scar est dans tous ses états. Il se voit déjà grelottant, insomniaque, ne pouvant hiberner à cause de son insalubrité.

       « Si je suis encore vivant d’ici là » pense-t-il.

       Depuis cette discussion avec sa maman, des visions d’horreur occupent son esprit. Son sommeil est coupé par de nombreux cauchemars de hérissons dévoreurs, de grives décortiqueuses et d’insectes affamés.

       — J’ai une lune pour abandonner le nid, pleure-t-il. Jamais je ne survivrai tout seul.

       Scar a peur de quitter sa maman. Le délai que lui a laissé celle-ci pour se détacher d’elle est court, bien trop court au goût du petit escargot.

       Et pourtant…

       Bien des lunes plus tard, lors d’une nuit noire et silencieuse, Scar se réveille en sursaut. Il a entendu le souffle caractéristique du nez fouisseur de la taupe !

       — Oh non ! Je… j’avais presque… ou… oublié celle… celle-là, bégaie-t-il de terreur.

       Heureusement pour notre petit escargot, il a plu en journée. Il peut s’échapper en glissant aisément sur le sol encore humide.

       Depuis qu’il vit seul, Scar a énormément travaillé son unique muscle et, après tous ces exercices, il est même prêt à participer à la course annuelle des gastéropodes. Mais pour cela, il lui faut d’abord sauver sa chair…

       La taupe derrière lui, Scar grimpe sur le premier muret qu’il rencontre. Lors de sa progression, il trouve une petite crevasse, juste à sa taille. Il y pénètre bien vite.

       — Ouf ! Sauvé.

       Le lendemain matin, il risque un œil tendu vers la sortie.

       Avant de le quitter, sa maman a pris soin d’inverser ses tentacules. À présent, son œil droit était à gauche et vice-versa. Grâce à ce système ingénieux, tenu délicatement par un fil solide, mais doux d’araignée, Scar voit nettement mieux.

       — Point de taupe à l’horizon. Le hérisson dort sûrement à cette heure. Quant à la grive, je sais qu’elle est occupée à couver. Je peux donc sortir en toute sécurité.

       L’escargot avait été à l’école des détectives privés. Les cours étaient accessibles à toute proie potentielle, autrement dit, beaucoup d’animaux avaient pu suivre cette formation.

       Scar avait appris énormément de choses. Il était à cette époque le petit escargot myope qui n’avait jamais grandi à la vue de son unique strie sur sa carapace. Malgré ces problèmes de santé, il était sorti le meilleur élève de l’année scolaire !

       Hélas, la théorie n’a rien de comparable à la pratique dans la vraie vie sauvage.

       Scar décide donc de se montrer. Fini les cachettes. À force de rentrer dans un trou à n’importe quel bruit ou vision, identifié ou non, il n’a plus mangé depuis trois jours.

       — J’en ai marre d’être considéré comme une poule mouillée. Aujourd’hui, je vais aller explorer le jardin du voisin. Il paraît qu’il y a de bonnes feuilles à se mettre sous la langue.

       Affamé, il baisse sa garde. Il n’a pas le temps de poser pied sur un autre territoire qu’il est happé par une patte d’oiseau. Sa tête est rentrée immédiatement dans sa carapace au moment même où il a vu l’ombre volante fondre sur lui. Il sait qu’il a peu de chance d’échapper à une chute de plusieurs mètres dans le vide.

       — Oh maman ! Si tu me voyais. J’ai perdu neuf grammes et là je vais m’écraser sur le sol comme une vulgaire fiente d’oiseau.

       Scar parle souvent à sa mère, même s’il ignore où elle est. Cela le réconforte.

       À cet instant, il s’efforce de se remémorer les techniques de secours en cas de danger pareil. Il l’a appris grâce à Monsieur Lapie. Le comble pour un escargot d’avoir eu un cours de sauvetage donné par un professeur-prédateur !

       Le déclic est immédiat. Après la première tentative, ratée, d’écrasement, la grive se pose dans un arbre et cherche à déloger sa proie à coups de bec violents.

       Scar a un instinct hors du commun. Avant de recevoir le premier coup, il balance tout son poids d’un côté de sa carapace et provoque le roulement attendu.

       — Et ça marche ! Ouah ! Maman, maman ! Tu devrais voir ça. C’est génial. Même la sensation est extraordinaire. On dirait que je suis dans un ballon. Je roule, je roule. Ha ! Ha !

       Et Scar roule pendant quelques secondes avant d’atterrir dans un buisson touffu, à l’abri du regard de l’oiseau.

       — Sauvé. Je suis sain et sauf. Tête de linotte que je suis, j’ai pensé à la femelle qui couve, mais j’ai oublié le mâle !

       Il n’en revient pas de s’en être sorti vivant d’une attaque de Grive ! Très brièvement, il s’examine :

       — Point de coquille cassée et mon corps n’est pas égratigné ! Le nœud de maman a même résisté au choc, mes yeux ne se sont pas démêlés.

       Au moment où il pousse un soupir de soulagement, il voit une boule piquante foncer droit sur lui.

       — Un hérisson ! Sauve qui peut ! Mais que fait-il ici ? Réveillé en cette heure si avancée du jour ? Non d’une limace, je porte la poisse !

       Sous le buisson, il ne peut aller de l’avant rapidement. Des branches et des feuilles entravent sa progression. Scar sait qu’il ne gagnerait pas cette course-ci.

       Il n’a pas le temps de se remémorer un autre cours du professeur Lapie, le hérisson l’arrête d’un coup de patte griffue.

       — Un jeune ! C’est un petit. Faites que sa maman ne lui ait pas encore expliqué comment se nourrir d’un escargot. Pitié, pitié, faites qu’il ne sache pas comment me déloger de ma maison !

       Scar ne peut qu’espérer que son vœu va s’exaucer.

       Il transpire de peur. Il sent une langue gluante lui caresser la tête. Il met aussi loin qu’il peut ses yeux derrière lui. Soudain, il se rend compte que le hérisson s’est pris d’affection pour lui ! Il ne veut pas le manger, mais lui donne des bisous baveux.

       « Je dois déjà être au paradis pour m’imaginer une blague pareille ! » se dit Scar, à moitié mort de rire de penser à une telle relation amicale.

       Mais il ne rêve pas. Le pressentiment qu’il a eu tout à l’heure sur le fait que le jeunot ne sache pas comment s’y prendre pour dévorer un escargot n’est pas tout à fait faux. Le petit hérisson, orphelin, ne comprend pas comment il doit faire pour décortiquer une bête comme Scar. Et à dire vrai, il ne peut concevoir de tuer un autre animal… notre boule piquante est végétarienne… pour le plus grand bonheur de notre ami.

       « Finalement, j’ai beaucoup de chances. En une seule matinée, j’ai échappé deux fois à une mort certaine. Je dois avoir une bonne fée avec moi, ce n’est pas possible autrement. », pense-t-il tout ému de sa nouvelle connaissance.

       Le petit hérisson n’a pas beaucoup de relations. En fait, Scar est son seul et unique ami. Aussi, quand, quelques jours plus tard, Scar est menacé par un insecte mangeur d’escargot, le hérisson lui suggère de grimper sur la tige d’un chardon.

       — Mais tu es fou ? Tu veux que je grimpe là-dessus ? As-tu bien regardé cette tige ? Elle est truffée d’épines !

       — Justement, mon ami, justement. Tu ne le sais sans doute pas, mais ton corps est aussi souple que de la gelée. Ces épines ne te perceront pas. Tu ne sentiras rien, crois-moi. J’en ai vu d’autres faire ça et ils n’ont même pas eu une seule griffe. Aie confiance en moi, Scar… ou essaie d’échapper à ces pinces puissantes !

       Scar voit l’insecte avancer vers lui à une vitesse incroyable. Il n’a aucun autre moyen de l’éviter.

       — J’espère que tu as raison. J’espère surtout que lui, il ne me suivra pas.

       — Vas-y, dépêche-toi un peu.

       — Si seulement tu n’étais pas végétarien, tu aurais pu le manger…

       — Mais si je peux le manger lui, je peux te manger toi aussi alors…

       — Bon, bon c’est d’accord, je n’ai rien dit, finit-il par lui répondre essoufflé d’avoir grimpé si vite sur le chardon.

       Comme l’a bien conseillé son nouvel ami, Scar ne ressent pas la moindre gêne à glisser sur ces épines.

       — Merci Heriss, du fond du cœur merci ! Sans toi, je n’aurais sans doute jamais eu l’idée de grimper ici.

       Le hérisson sourit. Il s’amuse de la délicate position de l’insecte. Ce dernier essaye de suivre Scar mais les épines piquent son ventre sensible. Têtue, la bête tente à plusieurs reprises de monter sur la tige, mais en vain, elle finit par abandonner au grand soulagement des deux compères.

Rédaction créative, mythe, escargot

Tout est dans le titre :-) Je suis occupée à corriger mon premier texte et ma première nouvelle écrite dans le cadre de mon cours de rédaction créative (CFD).

Le thème : un mythe. Aucune autre contrainte. Je me suis fixée moi-même un objectif supplémentaire : il doit y avoir un animal comme personnage principal.

Après une première lecture, avis et conseils d’un ami, j’ai envoyé le texte à ma professeure : Mahalia De Smedt. Suite à son retour, je retravaille tout cela et je vais tâcher de dessiner mon héros afin de donner plus de poids et de détails à mon histoire.

Une bonne nouvelle : je suis bien dans le thème, ouf ! Je pensais avoir glissé à côté…

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Images de Pixabay, c’est super, c’est libre et gratuit ! Merci Pixabay ;-)

 

 

 

La force d’une image exprimée par des mots

Extrait de « Une collection très particulière », de Bernard Quiriny. Extrait de la nouvelle intitulée « Oromée, en Bolivie ».

« Mon visage sera impassible, et même un peu souriant : je ferai comme si tout était normal, en tâchant d’atteindre à l’indifférence des gens du coin. (…)  , comme un infirmier dévoué aide à mourir en secret son patient épuisé, en lisant des remerciements dans ses yeux mouillés »

 

 

Du déjà vu, au déjà lu ? 

Incroyable ! Vous savez cette terrible sensation qu’on a déjà vu ou vécu un moment ? Je suis sûre que vous avez déjà connu cette sensation bizarre…

Eh ! Bien, je viens de le vivre à l’instant avec la lecture d’une nouvelle de Stephen King !!  Dans son dernier recueil, vers la fin du livre, il y a cette histoire du « Bus d’un autre monde ». Je ne l’avais jamais lue, puis dès la 2ème page, certains éléments me font dire que j’ai déjà lu ça. Très vite, je cherche où j’ai pu lire une histoire semblable. Je pense avoir trouvé, puis non, la suite du King ne correspond pas au livre auquel je pensais (Jardin fatal, de Patrick Cauvin). Plus j’avance dans la lecture, plus je suis convaincue que c’est cette histoire que j’ai lue. Mais où ? Quand ? 

Vers les 2/3 de l’histoire, ça y est, je sais ce qu’il va se passer… plus aucun doute : Stephen King a été plagié !! Ou alors, c’est ma mémoire qui ressemble de plus en plus à un gruyère rempli de trous !!

Alors, sait-on jamais, si vous aussi vous avez lu une histoire de gars qui doit aller à un rendez vous hyper important, qui se donne une très grande marge pour être à l’heure et qu’il enchaîne problème sur problème… que ce gars, coincé dans un embouteillage regarde par hasard une femme assise dans un bus qui se trouve juste à côté du taxi dans lequel il est… que cet homme va assister à un drame, une horreur… pitié, dites moi où vous avez lu cette nouvelle. 

C’est frustrant de ne pas pouvoir se rappeler quelque chose qu’on est sûr d’avoir déjà lu ! 

Une affaire de moustique

Ou comment écrire une petite histoire sans en avoir l’air ? Voici le 10ème titre des aventures de Meredith by … moi :-) (clic ici pour lire les 9 autres textes)

Une affaire de moustique

Meredith pensait être quitte avec les moustiques. Après les tiques, les mouches, les guêpes, les poux, les fourmis, les araignées et les moustiques, voici donc, tout naturellement, le retour triomphant de ces dernières petites bêtes pas sympathiques. Normal pour des moustiques !

L’histoire commence ainsi :

Calmement posée sur le mur de la salle-de-bains, Dame Moustique observe l’humaine qui rentre dans son repaire, l’air insouciant. Meredith n’a pas encore vu la petite bête, il faut dire qu’elle ne regarde pas systématiquement au plafond étant donné que sa crainte habituelle est, hélas toujours, de voir une énorme araignée se planquer au fond du bain. Mais, voilà que son geste mécanique est d’attraper le pommeau de la douche qui est accroché en hauteur, à l’endroit même où son mari de 25 centimètres plus grand qu’elle, l’a laissé hier. (25 centimètres de différence entre eux, ce n’est pas grand-chose, pourtant son mari ne cesse de lui répéter sa taille quand elle ose ranger des choses un peu trop bas pour lui… Dernièrement, elle lui a fait la même remarque, mais en précisant sa taille à elle ; lui, il peut s’abaisser, elle, ne voit carrément parfois pas l’objet en question vu son emplacement hors de portée de ses yeux) La hauteur du pommeau de douche nous importe peu, sauf que cette information au départ sans importance va s’avérer capitale pour la suite étant donné que Meredith doit, sur la pointe des pieds et en râlant quelques peu, étirer complètement son bras et pencher sa tête en arrière pour l’attraper et que, en toute logique, son regard périphérique capte une tache noire juste à droite, un peu plus haut, que le pommeau. La tache aurait pu être banale, une tache d’humidité ou… Ou une bête ! Car soyons réaliste, il n’y a pas grand choix dans une salle-de-bains, à cette hauteur, qui peut correspondre à une tache noire.

L’histoire se répète donc. Meredith aurait dû flairer le danger à l’instant même où elle a repéré le moustique, mais malgré son âge, elle reste naïve et pense bêtement que le moustique va se tenir tranquille s’il tient à sa vie. En effet, au début, le comportement de la bestiole, aurait presque pu donner raison à Meredith. Encore ensommeillée par une nuit courte, Dame Moustique ne bouge pas une patte, profitant un maximum du spectacle qui s’offre à elle, à savoir une belle et grande superficie de peau délicieusement parfumé à l’odeur de sang sucré. Elle a l’embarras du choix, n’est-ce-pas ? Qu’auriez-vous fait à sa place ? Hein ? Affamé, car vous n’avez rien mangé depuis des plombes, voilà qu’un repas vous est servi sur un plateau d’argent, enfin une baignoire qui n’est pas en argent, mais qui est là, devant vous, à portée de vos dents…

Tous les sens de Dame Moustique se réveillent. Tel un chat, elle étire ses pattes, nettoie ses antennes, secoue ses ailes sans s’envoler. Meredith peut même interpréter le désir du moustique par une certaine excitation palpable. Fébrile, l’humaine peut même voir l’appendice buccal frétiller de plaisir ! Oui, Dame Moustique fait vibrer sa bouche pour préparer son proboscis allongé (sa trompe quoi, comme les éléphants, si j’avais utilisé le terme de rostre, ma fille m’aurait dit que le moustique n’est pas un dauphin…) à piquer et sucer… après une longue période d’extrême disette, il lui faut bien la nourrir elle, mais aussi ses œufs. Le sang est primordial pour les œufs, il contient plein de protéines, si, si…

Serait-ce donc ici de l’extrapolation ? Meredith ne se préoccupe même pas de cette question car l’insecte bouge à présent de tous ses membres.

Si nous avons bien suivi les aventures de Meredith, cette histoire devrait, pour équilibrer un peu le score, donner Dame Moustique grande gagnante. Mais, toujours si nous avons bien lu les histoires de Meredith, nous pouvons dire que cette humaine-là, bien qu’elle soit compatissante avec les petites bêtes, n’en est pas moins une redoutable combattante. Têtue, pensant à ses enfants (dont le fiston a déjà été dévoré à de nombreuses reprises par on ne sait quelle vilaine et exécrable bête), on peut supposer que l’affaire ne va pas s’arrêter là… sinon, il n’y aurait tout simplement pas d’histoire !

Meredith ne s’affole pas malgré ses poils qui commencent à se redresser sur sa peau découverte. Elle a comme l’impression d’un déjà-vu… avec raison ! Vu l’heure matinale, et étant donné que la maisonnée dort encore à poings fermés, l’humaine chuchote à son agresseur quelques mots d’avertissements du style : « Ne sois pas stupide, j’ai la douche comme arme fatale. Sauf si tu es suicidaire, je ne te conseille pas d’avancer plus que ça. » Mais ces menaces n’ont aucun effet sur le moustique. En effet, si Meredith est têtue, elle n’est pas la seule. Ce que Meredith ignore c’est que cette espèce de Dame Moustique a besoin de son sang pour ses œufs, sans sang, pas d’œufs. Le nectar des fleurs ne suffit plus à cette bestiole. Tous les moustiques n’ont pas cette particularité, il fallait bien sûr que celui-ci tombe sur Meredith ! Et comme pour cette jeune femelle, c’est sa première ponte, elle a toute la fougue et le tempérament nécessaire à cette épreuve oh ! combien périlleuse.

Appâtée par le fumet de l’humaine, Dame Moustique a du mal à se contrôler, ses mouvements sont saccadés, son vol imparfait. Rasant le mur du mieux qu’elle peut, l’insecte a tellement d’énergie et de volonté qu’elle finit par prendre des risques et à se rapprocher dangereusement du visage de Meredith. Erreur fatale ! Sans plus réfléchir, Meredith, tout à fait consciente de son geste meurtrier, oriente le jet de la douche directement sur le moustique. Mais que se passe-t-il ? Le moustique est toujours là, il vole toujours maladroitement, mais il évite les centaines, les milliers de gouttes ? Impossible ! Meredith n’en croit pas ses yeux ! Cette moustique, est une pilote de Formule1, elle évite les projectiles comme aucun moustique n’a fait avant elle ! Finalement, après un temps qui a paru abominable à Meredith, et qui a dû paraître autant interminable à Dame Moustique, l’incroyable phénomène se pose au plafond, presque dans le coin, le cœur battant à mille pulsations à la minute, au moins ! Meredith peut voir tout le corps de la petite bestiole reprendre son souffle. Intrépide et courageuse, Dame Moustique n’est pas moins stupide. Elle s’est posée hors de portée de main, et Meredith n’a pas l’intention d’asperger son plafond pour si peu… Elle pense bien à prendre l’essuie pour en finir une bonne fois pour toutes, mais d’expérience, elle sait que le moustique peut s’emmêler les pattes dans l’essuie et qu’il lui faudra l’enlever de là avec les doigts. Chose impensable pour elle.

Alors, elle le laisse tranquille… enfin pour le moment, car Meredith, avant de quitter la maison, informe sa famille de l’intruse. Avec un mari sans peur ni remords pour la gente Culicidé, elle sait que la vilaine, bien que remarquable par sa vitalité et son audace, a peu de chances de s’en sortir vivante.

Quelques heures plus tard…

Le soir arrive. Meredith revient de son travail, sans aucune pensée pour la pauvre moustique. Alors qu’elle se revêt de vêtements plus confortables, Meredith croit halluciner : ELLE est toujours là ! ELLE est devant elle, à sa hauteur, plus fraîche qu’un gardon, ayant recouvré toute son énergie et son désir de sang ! Les insecticides ne sont pas présents dans la maison… Mais Meredith a trouvé une alternative toute aussi efficace qui sied parfaitement à la situation trouve-t-elle : le spray du parfum « nectar de nature » !

Non seulement, elle asphyxie la moustique, mais elle parfume la salle-de-bains. D’une pierre, deux coups.

Lorsque Meredith pensait s’en être enfin débarrassée, quel ne fut pas son étonnement de la voir agonisante à ses pieds. Là, sans aucun remord, elle l’écrase avec sa pantoufle. Elle lui épargne ainsi une fin de vie longue, difficile et cruelle.

Pour lire sur Atramenta, c’est ici, clic, clic, clic.

FIN.
Fin ? Vous êtes sûrs ? Je n’ai pas encore parlé des puces… :-)

Danielle et Cécile, mes plus belles rencontres sur facebook

Voici dans son entièreté ma nouvelle intitulée Danielle et Cécile, qui a été sélectionnée dans le recueil. Cet ouvrage collectif est disponible chez Trinôme Editions (clic)

 

 

Bon sang de bonsoir, je n’en finirai donc jamais avec ces cauchemars ? Quelle horrible nuit ! Et après on s’étonnera que je sois fatiguée, mais je n’arrête pas de courir, de crier, de pleurer, et de souffrir dans mes rêves. On ne peut pas dire que j’ai un sommeil récupérateur.

Heureusement que c’est le week-end. Je vais pouvoir faire une sieste en même temps que mes enfants.

Un petit message sur facebook, histoire de voir si, sait-on jamais, il n’y aurait pas un chaman pour m’aider à faire des rêves plus doux, plus merveilleux, moins traumatisants !

Allons bon, voilà que j’ai oublié mon mot de passe…pffff

Clic « Mot de passe oublié »

Voyons à présent dans ma boîte mail…

Tiens j’ai un message de facebook. Une demande d’ami ? Ça alors… Mais qui cela  peut-il bien être « Danielle Rossi » ? Ce nom ne me dit rien.

« Avant de refuser catégoriquement les demandes d’ami(e)s dont tu crois ne pas te souvenir, connecte-toi d’abord sur le réseau pour voir si la photo te parle », me dit ma petite voix intérieure.

Enfin, j’y suis. Je vais tâcher de ne plus oublier ce foutu mot de passe.

« Danielle Rossi. France. » Quoi, c’est tout ? Je ne connais personne en France qui s’appelle Danielle ! Bon, je vais lui envoyer un petit message privé avant d’accepter son amitié virtuelle.

« Bonjour. Sauf si ma mémoire me fait défaut, je ne pense pas que nous ayons le plaisir de nous connaître. Ne vous êtes-vous pas trompée ? Peut-être à bientôt. Bonne journée. Cécile R, de Belgique. »

Je n’ai pas le temps de me déconnecter que je reçois la réponse de Danielle.

« Chère Cécile. Non, en effet, nous ne nous connaissons pas encore mais, comment vous raconter mon parcours jusqu’à vous ? Comment vous expliquer qu’un rêve, et d’autres signes m’ont guidée jusqu’à votre nom ? Cela serait bien trop difficile. Mais, selon mon rêve, je peux vous aider. (J’ignore encore de quelle façon). Et n’écoutant que mon cœur, je me suis mise à la recherche de votre identité sur ce site, un réseau social mondialement connu. Me voilà donc ! J’espère ne pas vous faire trop peur avec ce message, et avoir le plaisir de vous lire très rapidement. Danielle. »

Quel étrange message, en effet ! Un rêve ? Il ne m’en faut pas plus pour éveiller ma curiosité. Moi qui cherchais un chaman…

Elle n’a pas l’air bien méchante.

Accepter

Me voilà avec une nouvelle amie sur ce réseau.

Malheureusement, elle n’a pas mis grand-chose dans son profil. Aucune photo, aucun lien vers un blog ou un site internet, juste son parcours professionnel qui ne m’est pas d’une grande aide pour faire sa connaissance.

Message privé :

« Rebonjour Danielle. Non, tu ne m’as pas fait peur avec ton message, juste intriguée. Un rêve, dis-tu ? Puis-je le connaître ? Je fais personnellement beaucoup de rêves, et je dirais même que ce sont des cauchemars… Parfois j’y décèle un signe ou une information chipée dans ma journée, pourtant là j’avoue que je suis un peu perdue. As-tu déjà fait des rêves prémonitoires ? Sais-tu décortiquer un rêve, les interpréter ? Désolée de te poser toutes ces questions, mais ton message m’invite à parler de songes… À bientôt. Cécile. »

Je devrais noter mes rêves. Comme je le faisais avant. Je suis sûre que je pourrais en regrouper assez pour en faire un livre ! Et au vu du nombre dont je me souviens chaque matin, je serais capable de faire cela en plusieurs volumes. Pas de crainte d’avoir une page blanche, les rêves ne manquent pas.

Danielle me répond illico, son message est long :

« Dans mon rêve, je vois une jeune fille (toi peut-être ?), dont je ne distingue pas bien le visage, qui m’appelle. Elle essaie de crier, mais elle ne parvient qu’à chuchoter. Elle voudrait courir, mais ses jambes sont immobiles, alors elle vole. Oui elle vole dans les airs, et elle se déplace en mimant la brasse avec ses bras. Quand j’essaie de mieux l’apercevoir, ma vue diminue, et je ne discerne plus grand chose autour de moi. Mes paupières sont lourdes, et elles se ferment toutes seules. Au réveil, un prénom résonne dans ma tête comme si je te connaissais. Ce rêve était celui d’avant-hier. Hier, j’ai fait le même cependant, au réveil,  la première lettre de ton nom me chatouillait les lèvres. Et ce matin, aucun rêve, mais un colis ! Le facteur s’est trompé d’immeuble, et j’ai reçu ton paquet destiné à ma voisine. Nous avons le même numéro de boîte aux lettres, et le facteur ne fait pas attention aux noms : ça change tellement souvent par ici ! Je ne dois pas te faire un dessin : quand j’ai lu le nom de l’expéditeur, il ressemblait à celui de mon rêve.

Je pense en effet que nous avons beaucoup de choses à nous dire, concernant les rêves et autres signes étranges. Je suis certaine de te lire très vite. »

…  Je reste sans voix! J’ai, semble-t-il, affaire à une voyante ? Mon livre est arrivé chez elle ? Je ne crois pas trop au hasard ou aux coïncidences mais là, je ne sais vraiment plus que dire, ni que penser.

« Je n’en reviens pas de ce que vous m’écrivez ! C’est…, tout simplement invraisemblable, incroyable, ahurissant ! Dans le paquet, c’est mon premier livre. Ce sont des petites histoires pour les enfants. Votre voisine me l’a commandé sur le web.

Le monde est petit !

Pour le rêve, c’est encore plus surprenant, car moi-même je fais ce genre de rêves : vouloir crier et rien ne sort de ma bouche; devenir aveugle et voler au lieu de courir.      Ah oui ! Je sais aussi respirer sous l’eau comme un poisson !

Dire que je pensais être folle pour faire des rêves pareils ! Vous me rassurez. Au moins nous sommes deux (rires) !

J’en déduis donc que ce n’est pas la première fois que cela vous arrive. J’ai tellement de rêves à vous raconter que je ne sais pas par lequel commencer…. »

Et mon message continue, je parle, enfin j’écris, encore et toujours plus, en racontant mes rêves.

Nous communiquons beaucoup par messagerie. Nous ne faisons que ça. Je me sens plus à l’aise pour écrire que de parler de vive voix.

Je lui donne même l’adresse mail de mon travail afin que nous puissions encore parler de rêves et de signes qui sont dans ma vie réelle…

Une amitié sincère se lie.

Danielle m’aide beaucoup dans la compréhension de mes rêves. Ce que je pensais être des cauchemars dus à des indigestions ou à un état psychologique émotionnellement faible, s’avère en réalité être un travail sur moi-même et sur mon enfance ! Inconsciemment, mes rêves m’aident à panser et à cicatriser des moments douloureux de mon passé. Sans que je ne lui dévoile tout de mes blessures enfouies, elle sait, presque dans les détails, ce qui m’est arrivé ! Et ce, uniquement grâce à mes rêves et aux images qui marquent mon réveil et qui signent mon état de sommeil. Elle me guide pour interpréter mes rêves par le symbolisme des mots. Je ne prends que ce qui me «touche», que ce qui, je pense, peut m’aider à avancer, à reconstituer, petit à petit, le puzzle de ma vie.

Un peu moins d’un an plus tard, je décide de la rencontrer, pour de vrai. En chair et en os. Entre quatre yeux. Le trajet va être long. En plus, je n’aime pas trop les voyages, car j’ai le mal des transports… Cependant, le train est celui qui me fait le moins peur et le moins mal au cœur.

Par une belle journée printanière, je me rends chez Danielle, dans le Sud de la France. Elle a l’âge d’être ma maman, et je lui parle plus ouvertement que je ne le fais avec ma propre mère. Entre nous, il n’y a aucun tabou, aucun sujet délicat. On se dit tout, et je trouve ça formidable ! Peut-être est-ce le fait que ce soit une relation « virtuelle » qui permet de tout se dire ? Toutefois, peut-être ne serais-je pas aussi à l’aise en la voyant ? Mais, j’ai envie de la connaître.

Cette journée est placée sous le signe du soleil. Le trajet se passe bien malgré ma peur de rater une correspondance. Danielle m’attend à la gare de Dax.

On se reconnaît immédiatement. C’est étrange quand même. Nous n’avons pas beaucoup échangé de photos, et pourtant, quand nous nous voyons, ni elle ni moi n’avons le moindre doute sur notre identité.

La peur de ne pas savoir quoi se dire, je ne l’ai guère ressenti. Elle et moi, c’est un peu comme si nous étions de vieilles copines qui ne se sont pas vues depuis des années. On parle, on parle, de tout, de rien, du beau temps, de la région, des rêves, des oiseaux,…

Puis, on arrive chez elle. Elle loue une maison dans un endroit un peu reculé dans la campagne. Elle n’a aucun voisin proche, si ce n’est la propriétaire, qui est fermière, qui habite à une soixantaine de mètres de chez elle.

Je dépose mes valises. Oui, des valises, car vu la distance qui nous sépare, il est plus agréable de passer un peu plus de temps ensemble. Danielle me montre sa maison, ses peintures et son jardin.

Danielle a des dons. Et je ne doute plus de ses capacités à déchiffrer les coïncidences et autres signes étranges.

Dans l’après-midi, nous visitons cette étrange église aux statuettes invisibles, mais qui imprègnent les pellicules et les cartes mémoires des appareils photo par la seule présence de leurs formes en trois dimensions. Avec Danielle, plus rien ne me surprend !

Néanmoins, à notre retour, quelque chose dans la maison a changé et a fait monter en nous, un vent de panique.

Quelqu’un était passé. Une visite inattendue nous met sur nos gardes.

Danielle me certifie qu’elle avait fermé toutes les portes à clé ainsi que les fenêtres. La personne qui s’est servie dans sa délicieuse tarte aux pommes et aux poires n’a, semble-t-il, laissé aucune trace. Aucun coup de bec dans le dessert ne nous permettait d’inculper un quelconque oiseau chapardeur, comme nous l’avions cru au départ.

Puis, alors que nous commencions vraiment à craindre la visite d’un indésirable personnage dans la maison, nous avons aperçu des empreintes humides sur le carrelage menant à la salle de bain.

« Crotte de souris ! », m’exclamai-je. « Regarde, la petite fenêtre de la salle de bain est ouverte ! »

Et c’est dans un double fou rire que nous concluons que le chat qui était passé par-là, savait ce qu’il aimait et qu’il devait être en pleine forme pour pouvoir grimper jusque tout là-haut.

« Le goinfre ! Il ne nous en a même pas laissé un quart ! » me dit-elle en me lançant un clin d’œil.

Remises de nos émotions, nous soupons tranquillement au gré de la mélodie d’un     rouge-queue nichant pas loin de la maison.

Nous reparlons de notre fausse frayeur de tout à l’heure et un sujet en amenant un autre. Nous passons la soirée à nous raconter des faits étranges et non expliqués qui nous sont arrivés dans notre vie. Sur ce point-là, Danielle, ma nouvelle amie, me dépasse largement en témoignages.

Le lendemain après-midi, c’est avec regret que je  la quitte. Je m’en retourne chez moi, dans mon pays plat, avec des souvenirs indélébiles qui resteront gravés dans ma mémoire comme ces silhouettes imperceptibles des statuettes.

Peut-être qu’à présent pourrais-je m’endormir plus sereinement avec cette fée des rêves ?

 

Musa, seule dans le noir

Une petite nouvelle écrite à l’occasion d’un concours dont le thème était « Seule dans le noir ». Nouvelle parue dans mon 1er recueil « Mes animaux imaginaires »

Musa, seule dans le noir

 Dans un quartier retiré de Bruxelles, Musa va vivre une incroyable aventure. Elle est loin de se douter que ce jour va être unique pour elle.

Alors que le temps avance inexorablement, Musa se prélasse dans sa chambre. Entre deux cartons de déménagement, son copain, un petit d’homme, lui a disposé sur une assiette fleurie, la moitié d’une tartine au fromage. Elle adore le fromage, surtout en tranche. Sans prêter attention aux allées et venues du petit d’homme, Musa déguste son dîner. Malheureusement, perdue dans ses pensées, elle ne se rend pas compte que les cartons partent les uns après les autres et elle finit par s’assoupir, le ventre repus. Ce n’est que tard dans la journée qu’elle se rend compte qu’ils sont tous parti.

Musa avait pris l’habitude de les entendre, de les voir passer à côté d’elle. Elle s’était même prise d’affection pour le petit dernier de la famille. Le petit d’homme l’invitait souvent à manger. Elle appréciait moins les autres mais ils étaient une présence rassurante pour elle.

A présent, elle est âgée. Si vieille. Elle n’est plus assez vigilante pour se débrouiller toute seule. Elle a besoin d’aide mais ne sait pas comment la demander. Malgré son âge avancé, elle reste timide. Elle garde en mémoire de vilaines expériences. Depuis ces mésaventures, elle ne va plus vers les autres, ce sont les autres qui viennent à elle.

Cela doit bien faire trois semaines que Musa se doute que quelque chose se prépare mais elle n’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe.

 – Mais où sont-ils tous passés ? Ils ne m’ont quand même pas abandonnée sans rien me dire ? Je ne veux pas me retrouver toute seule !

 Dans la maison, tout est vide. Tout est noir. Elle a peur du noir. Elle ne voit plus bien dans la pénombre et elle craint tout ce qu’elle ne distingue pas clairement. Contrairement à ses habitudes, elle ne sortira plus de chez elle que quand il fera jour. Elle devra faire un effort pour lier connaissance avec les autres voisins.

 – Même s’ils n’ont pas l’air très sympathiques, peut-être y a-t-il une autre âme sensible chez eux qui aurait pitié de moi ?

 Seule dans le noir, elle finit par clore ses yeux.

 Le lendemain à l’aube, ses paupières s’ouvrent péniblement. Elle a de plus en plus de mal à dormir toute une nuit. Ses siestes en journée ne sont plus récupératrices. Elle manque d’énergie dès le réveil.

Une nouvelle journée s’annonce. Par la fenêtre de sa chambre, le soleil lui caresse doucement le visage. Elle aime cette chaleur. Elle a besoin des rayons ultraviolets pour ne pas paraître un fantôme. Elle est si pâle.

Avec son poids plume et sa démarche chancelante, elle ne peut survivre longtemps seule. Si elle ne veut pas mourir trop vite, il lui faut trouver de l’aide. Elle chasse les souvenirs traumatisants de harcèlement et se pousse à franchir la porte.  Mais dans le hall d’entrée, un miroir cassé gît sur le sol et arrête sa progression vers l’extérieur. Musa s’assied péniblement à côté des bris et s’observe longuement. C’est bien la première fois qu’elle peut se regarder de la sorte. Jamais auparavant elle n’a pu s’admirer. Si seulement elle avait des lunettes, elle y verrait mieux. Il ne lui reste que six dents. Elle ne sait plus ronger ses griffes qui sont devenues longues avec le temps. Elle a des poils qui lui poussent de partout et elle n’y voit plus goutte.

 – Qui voudrait encore de moi ? A présent, je n’ai plus personne. Plus de copain, plus de famille.

 Contrairement à ses sœurs, elle n’a jamais pu donner naissance à des enfants. Célibataire, elle avait attendu longtemps son prince charmant. Trop exigeante, elle n’avait trouvé le compagnon idéal. Aujourd’hui, plus personne ne se soucie d’elle.

 Elle voudrait mourir…mais elle a peur. Musa a peur de la solitude, de l’inconnu. Peur de l’incertitude de l’au-delà. Il lui faut absolument, coûte que coûte, trouver quelqu’un qui puisse l’aider à passer ses derniers jours de vie, sans angoisse. Peu importe la personne, ça peut être un autre petit d’homme – elle aime beaucoup les enfants, ils sont généreux avec elle, ils jouent et ne s’arrêtent pas à son physique – mais ça peut être aussi un oiseau ou un ange. Du moment qu’on la nourrisse et que l’on passe avec elle d’agréables moments.

Elle se sent si vulnérable et si triste.

 Dehors, les nuages deviennent nombreux. Le vent se lève rapidement. Le soleil a disparu. Les branches des arbres dansent follement. Sur la terrasse, les feuilles tourbillonnent. Plus aucun oiseau ne chante. Des éclairs fendent le ciel devenu gris cendre. L’orage gronde. Il ne pleut pas encore mais ça ne saurait plus tarder. La maison est plongée dans l’obscurité.

Musa ne sait plus se relever. Son arthrose la fait abominablement souffrir. Jamais elle n’aurait dû s’asseoir. Elle ne sait pas atteindre les interrupteurs, jamais elle ne l’a su. C’était le petit d’homme qui allumait tout le temps les lumières chez elle. Mais il n’est plus là. Ni lui ni ses parents ne sont là. Malgré la matinée bien avancée, elle se retrouve quand même dans le noir. Seule.

 – Foutu temps !

 Soudain, Musa entend des petits cris. Elle n’est pas très douée pour identifier d’autres animaux, mais ceux-là, elle les craint. Elle est persuadée que ce sont des rats qu’elle entend. De gros rats bien gras. Eux ils ont toutes leurs dents. A les entendre, ils sont plusieurs. L’union fait la force, dit-on. Elle n’est pas de taille à les affronter. Ce sont des vilaines bêtes, de vrais prédateurs pour elle.

Musa peine à distinguer sa propre image dans le morceau de miroir. Elle n’ose imaginer à quoi ces bestioles peuvent ressembler.

 – Au moins je ne serai pas surprise par leur laideur.

 Hélas, elle risque de ne pas les voir s’approcher d’elle. C’est surtout ça qu’elle craint le plus. Ne pas avoir le temps de leur échapper. Les couinements se rapprochent. Musa tremble. Des frissons parcourent tout son maigre corps. Tous ses poils se hérissent. Elle en est sûre, sa fin va être atroce. Elle peut sentir la maladie suinter de ces horribles bestioles. C’est à ce moment précis que la crainte de souffrir devient plus grande que celle de mourir. Tétanisée par la peur, elle n’arrive plus à bouger le moindre orteil. Musa cherche une astuce pour échapper à cette fin barbare.

 – Et si je faisais la morte ? Passeraient-ils à côté de moi ?

Mais les rats sont omnivores. Ils mangent tout et n’importe quoi, mort ou vif ! Cette ruse ne marchera donc pas.

Musa fait une crise d’angoisse. Elle est prise de palpitations. Son souffle devient rapide et irrégulier. Les rats ne sont plus qu’à quelques mètres d’elle. Ils pourraient l’atteindre en un bon gigantesque, ce dont ils sont capables. A moitié inconsciente, elle pense son heure arrivée quand elle entend une mélodie. Telle le chant d’une flûte, une musique parvient jusqu’à ses vieilles oreilles. Ce qu’elle entend est doux, fluide et léger. Elle se laisse bercer par le son. Ses muscles se relâchent. Avant de s’évanouir, Musa perçoit un drôle d’animal blanc immaculé. Sa vue n’est pas très nette mais il lui semble que l’apparition a les traits de la déesse Sourisa. Cette gracieuse souris vient à elle. Sur sa bouche, repose une longue flûte jaune. Au-dessus de sa tête flotte une couronne d’or.

Dans son délire, Musa continue à parler toute seule :

– Elle est si belle. L’ariette qu’elle joue est si douce…

La divinité continue de jouer de l’instrument. Derrière elle, accourt des centaines et des centaines de petites souris. Toutes rigolent. Certaines dansent. D’autres encore font la course pour attraper l’ennemi. L’une d’entre elles semble même savourer particulièrement ce moment. En tête du cortège des souris, Musa reconnaît sa sœur cadette. Elle pense alors que le paradis l’appelle.

Le nombre incalculable de ces petites souris fait fuir les vilains rats. Sans demander leur reste, les vilaines bêtes prennent leurs pattes à leur cou et s’échappent par le soupirail.

La déesse Sourisa fait un signe de victoire avec l’une de ses pattes avant. Elle a réussi sa mission ; les souris ont gagné. C’est l’euphorie générale.

Dans le hall, une lumière laiteuse apparaît à côté du miroir brisé et illumine toute la maison. Un délicieux parfum de fromage envahit le museau de notre petite Musa. Par l’odeur alléchée, elle recouvre ses esprits. Ne sachant pas si elle est dans la réalité ou au paradis, la petite souris prend la main qu’on lui tend et se relève.