6ème histoire, une qui fait partie de mes préférées… et vous ? merci à Cigalette, ma maman, pour son illustration :-)
Isabelle va passer un week-end à la campagne. Elle veut à tout prix s’aérer l’esprit et passer un moment seule, loin du chahut du centre ville où elle habite.
Loin de tout, Isabelle tente de profiter de l’instant présent. Aujourd’hui, c’est l’été et il fait un temps superbe pour sortir. Cela tombe à pic car elle adore les promenades dans la forêt.
Après une bonne heure de marche, la jeune femme pense à s’asseoir. Non loin d’elle, un petit bois offre toute l’ombre nécessaire à un repos bien mérité. Elle ne doit pas y pénétrer bien loin pour découvrir un endroit qui lui convient.
» Tiens, on dirait que je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée. Ce lit de douces et immenses feuilles de marronniers me semble parfait pour ma sieste. »
Elle ne réfléchit pas plus longtemps et s’y installe. Rapidement, le sommeil la gagne. Le calme de la campagne, la douceur du soleil et la tiédeur du vent l’emmènent dans des songes bien différents.
Le temps passe rapidement. Petit à petit, la forêt est traversée par le soleil. Isabelle ne peut admirer ce spectacle d’ombres et de lumière car elle fait un terrible cauchemar où des milliers de fourmis grimpent sur elle, envahissant chaque orifice de son corps. Dans ce rêve sombre, beaucoup de détails font surface et rendent cette illusion réelle. De manière tout à fait involontaire, Isabelle repousse sur ses bras des insectes invisibles. Elle dort toujours. Des gémissements sortent de sa bouche. Ses yeux ont du mal à croire ce qu’elle voit. Elle ne souffre pas et pourtant malgré sa chair déchiquetée, malgré le sang qui coule abondamment, elle n’a pas mal. Elle rêve encore. Mais, quand une fourmi géante la mord à pleines pinces, elle se réveille en sursaut, chassant encore et toujours des bêtes imaginaires. A présent, Isabelle est bien réveillée. Le soleil l’aveugle désormais et elle a mal aux yeux tellement la lumière est forte. Elle frissonne, de peur. Son cauchemar reste gravé dans sa mémoire.
« Aller, Isabelle, bouge-toi de là. Ce n’était qu’un rêve. Un stupide rêve. Les fourmis géantes, ça n’existe pas. Tu as quand même une imagination incroyable, d’où tu sors tout ça ? » Elle tente de se rassurer toute seule.
Puis, pour faire disparaître ce cauchemar de ses pensées, elle se lève et décide de reprendre sa balade, à l’opposé du bois.
Ces derniers temps, elle fait souvent de vilains rêves et elle se demande ce qui provoque ces songes horribles.
Elle avance au pas d’escargot, lentement, doucement. La tête dirigée vers le bas, comme à chaque fois qu’elle se lance dans de grandes réflexions, elle ne remarque pas les fils barbelés qui bordent le sentier et qui délimitent un champ. Rien ne serait surprenant si ce n’est que d’étranges choses sont accrochées à des piques.
– Ah mais quelle horreur ! hurle-t-elle.
Isabelle vient de découvrir une fine patte d’oiseau. Elle revient à la réalité. La première fois qu’elle a vu le reste de cet animal empalé sur le barbelé, un instinct de dégoût l’a immédiatement submergé. Elle a reculé d’un pas et son estomac s’est révulsé. Après cette réaction tout à fait normale, Isabelle ose à nouveau regarder ce spectacle inqualifiable. Quand elle s’aperçoit que ce n’est pas la seule victime à être accrochée de la sorte, elle pense immédiatement à un rituel sorcier. Elle ne connaît pas grand chose à la sorcellerie ou autre tour de magie mais elle trouve intolérable que de pauvres bêtes doivent payer de leurs vies pour ça. Curieuse de nature, Isabelle veut à tout prix découvrir le coupable de ces actes sanglants. Elle note sur un petit bout de papier tous les animaux ou ce qu’il en reste et qu’elle parvient à identifier, qui ont été déchiquetés.
Tous sont empalés sur le fil et tous sont en de piteux états.
« Bourdon, lézard, moineau, un truc qui doit ressembler à un coléoptère et d’autres restes d’oiseaux ! C’est écœurant ! Si je trouve celui qui a fait ça… »
Isabelle ne termine pas sa phrase, un oiseau masqué au bec crochu passe en vitesse juste à côté d’elle. Au début, elle croit que l’animal lui en veut mais elle se rend rapidement compte qu’il chasse un insecte. L’oiseau vole en zigzag, imitant à perfection la technique de vol de l’insecte terrorisé qui tente par tous les moyens d’échapper à son prédateur. C’est la première fois qu’elle voit ce genre d’oiseau.
« Je me demande quel oiseau c’est. Il a un bec de perroquet. »
L’oiseau vole toujours à la recherche de sa nourriture. Isabelle plie la liste des victimes qu’elle a trouvée et la met dans sa poche. Elle se met à croupi pour observer un autre « indice ».
« Voilà que je joue au détective à présent. » Chuchote-t-elle.
Isabelle ne se rend pas compte que derrière elle, un homme s’approche. Silencieusement, les pas se dirigent vers elle. Arrivé à moins d’un mètre d’elle, l’ombre de l’homme trahit sa présence et Isabelle sursaute quand celui-ci pose la main sur son épaule.
– Que faites-vous toute seule par ici, jeune dame ? Vous vous êtes perdue ?
L’homme est habillé comme un militaire. Il a un pantalon kaki, un gilet brun sans manche et même ses chaussures sont foncées. De grosses lunettes fumées cachent ses yeux.
Il fait peur à Isabelle.
– Heu, non, Monsieur. Je me promenais quand j’ai vu ça.
Isabelle montre du doigt un bourdon empalé.
– Et là, la terre est retournée. Je me demandais s’il n’y avait pas un autre pauvre animal mort qui était enterré là quand vous m’avez surprise.
– Oh je ne voulais pas vous faire peur. Je vois de quoi vous parlez, ça doit être le travail de l’Ecorcheur, répond l’homme d’un ton si doux qu’il met mal à l’aise la jeune femme.
L’homme ne semble pas remarquer le regard affolé d’Isabelle.
« Mais de qui il parle ? Il a l’air de le connaître ! Oh dans quel guêpier je me suis encore fourrée ? »
Isabelle pense qu’elle est en danger. Elle cherche une excuse pour partir au plus vite mais l’homme l’invite à marcher un peu avec elle.
– Vous n’auriez pas l’heure s’il vous plait ? Je n’ai pas de montre et mon, heu, mon fiancé m’attend pour le goûter, lance-t-elle dans un mensonge qui pue à trois kilomètres…
Isabelle est sûre qu’elle a trouvé le bon prétexte mais l’homme lui répond négativement :
– Non désolé, je n’ai pas de montrer non plus. Mais il doit être à peine plus de treize heures. Si vous voulez, je connais un endroit pas très loin d’ici d’où on pourrait observer l’Ecorcheur. Vous avez encore un peu de temps devant vous. Qu’en dites-vous ?
Isabelle ne sait pas comment se sortir de ce traquenard. Il n’y a rien ni personne aux alentours pour l’aider.
– Regardez, c’est juste là. Vous voyez la tente près du buisson ? C’est ma cachette. De là je peux tout voir. C’est un excellent poste d’observation, lui dit-il en pointant du doigt son refuge.
« Mais ce n’est pas une cachette, c’est une tente ! » Isabelle est surprise. Son comportement alerte le bonhomme.
– Vous avez raison, ce n’est pas une cachette pour les humains mais pour les animaux, ils n’y voient que du feu.
« Un chasseur ! » Pense-t-elle. Isabelle déteste les chasseurs.
Elle décide de se cacher une heure pour voir ce qui pourrait se passer. Après tout, il est bizarre mais n’a pas l’air méchant. Et puis, elle pourrait toujours lui donner un coup de genoux dans les parties intimes pour se sauver…
Evidement, personne ne passe, si ce n’est toujours le même oiseau au bec crochu qui ne cesse de faire des allées et venues le bec remplit de nourriture.
L’endroit où ils sont réfugiés n’est pas du tout confortable. Et puis elle a chaud, très chaud. Un coup d’œil aux alentours lui permet de croire qu’aucun animal ne sera plus tué aujourd’hui.
« Pas devant moi, il n’oserait pas. Mais si son copain l’Ecorcheur arrivait ? »
L’homme observe les environs aux jumelles. Etrangement, il est devenu silencieux. Isabelle ne sait même pas ce qu’il regarde, elle ne voit rien qui puisse l’intéresser et elle profite de ce moment pour s’éclipser. Au moment où elle fait un pas en arrière, il attrape son poignet.
– Chuut, plus un geste ! dit-il en chuchotant. Il est là. L’Ecorcheur, il est là, devant toi ! Viens, prends les jumelles lui dit-il brusquement, et en la tutoyant soudainement !
Isabelle n’ose plus faire le moindre mouvement. Elle ne voit ni n’entend rien. Elle voudrait pleurer mais quelque chose l’en empêche. Et elle ne sait pas pourquoi elle se retient de verser des larmes.
– N’aie pas peur, même s’il empale ses victimes sur ce fil barbelé, il ne risque pas de te faire du mal. Tu n’aurais quand même pas peur d’un oiseau ? Regarde, il fait des provisions pour sa nichée. Le nid ne doit pas être bien loin. Il s’appelle exactement Pie-grièche écorcheur. Un étrange nom pour un si bel oiseau, tu ne trouves pas ? Et ici, nous avons affaire au mâle, sa dulcinée doit certainement couver !
L’homme continue son discours ornithologique. Isabelle est prise au dépourvu. Rassurée par ce qu’elle vient d’entendre, elle s’approche plus franchement des jumelles installées sur le trépied.
Puis, elle regarde d’un autre œil cet homme qu’elle avait pris pour un tueur d’animaux ou pire… un tueur de jeunes femmes !



Il y a, normalement, une boîte en carton presque vide de petits morceaux de bois pour attiser le feu du barbecue. Isabelle ne distingue pas très bien la boîte mais imagine sa forme. Elle est dissimulée par tout un tas de feuilles mortes ! La jeune femme tente une nouvelle approche mais son pied glisse dans quelque chose qui ressemble à de la boue. Sauf que ce n’est pas de la boue ! C’est plus foncé et…