Aucune influence sur moi

Tranche de vie

De fil en aiguille, pour donner conseil et proposer mon aide à une amie, voilà que je suis « retournée » dans le monde virtuel et impalpable d’un réseau social dit professionnel.

De lecture en lecture, parce qu’on ne sait faire que ça sur Internet, lire et parfois écrire, commenter, réagir en donnant son avis, son opinion, partager sa vie à coups de lettres et d’images, je découvre un couple de mots, un futur métier pour certains, une certitude pour d’autres : influenceur littéraire.

Je sais que je suis un peu différente des autres, nous le sommes tous, différents, les uns des autres :-) Je suis toujours partie du principe que ce sont nos différences qui font nos richesses, même si pour d’autres, c’est plutôt l’effet inverse.

Et donc « influenceur littéraire ». Malgré le vaste monde accessible en un clic de souris, je suis tombée (sans me faire mal) sur un influenceur littéraire de mon petit pays : la Belgique. J’avais déjà entendu parler de ce mot étrange « influenceur » et son féminin « influenceuse ». Pour moi qui vit dans ma petite bulle, sans trop regarder la télévision, sans jamais aller au cinéma et encore moins en boîte de nuit ou en concert, en ne lisant plus les journaux, en n’écoutant plus les news anxiogènes, j’ai beaucoup de mal à comprendre comment une activité personnelle, un loisir peut prendre autant d’ampleur pour devenir un métier rémunéré : « influenceur, influenceuse » !

Si je peux deviner que c’est le nombre de « followers » qui encourage certain.e.s à poursuivre dans cette voie, j’ai du mal à saisir le fonctionnement et le raisonnement qui poussent d’autres à aller jusqu’à risquer leur vie pour « se faire mieux voir » ! Comme je ne suis pas au fait de l’actualité et des faits divers macabres, je ne peux pas donner un chiffre, mais cela m’attriste d’apprendre que des influenceuses et influenceurs sont morts « dans l’exercice de leur fonction » ! Qu’une enfance s’est subitement arrêtée parce que maintenant qu’il/elle a x followers, il/elle peut quitter l’école pour se consacrer à sa nouvelle activité rémunérée !

Influenceur littéraire, c’est donc une personne qui parle de livres, de ses lectures, qu’il partage avec d’autres. Il tient généralement un blog ou mieux, aujourd’hui, il a un compte « Insta ». Il donne et il écrit des interviews. Il parle avec les auteurs, il reçoit des livres des maisons d’édition et/ou des auteurs directement. Je suppose qu’il est présent dans des librairies, dans les salons littéraires, etc. Il recommande des livres, des lectures. Il peut parler des heures durant d’une histoire, d’un.e auteur.e. Il influence les lecteurs. Il donne envie de lire. Il agit sur l’esprit des personnes pour les convaincre.

Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais été influencée par des livres qui ont reçu un prix, des livres qui ont 36.000 avis ici ou là, des livres dont la presse parle, qu’on découvre en publicité ici ou en sponsoring sur les réseaux sociaux.

Il y a tellement de livres qui sortent « quotidiennement », tellement d’histoires déjà écrites, tellement d’ouvrages qui existent, de pépites qui sont là, de trésors à venir qu’on n’aura jamais assez d’une vie pour lire tous les livres dont on a envie.

Je choisi mes lectures de façon tout à fait personnelle : par le titre, par la couverture, par le résumé, par l’objet. Dans cet ordre ou dans un autre. Dans une librairie, dans une bouquinerie, dans une brocante, dans une bibliothèque, je flâne, sans jamais savoir à l’avance ce que je veux lire, ce que je veux trouver. Parfois, je me laisse aller en suivant l’avis de lecture de connaissances et d’ami.e.s sur les réseaux sociaux. Et plus récemment, je suis devenue le « dépôt » pour une bouquinerie et je reçois donc des caisses de livres pour cette association et j’adore regarder ce que les gens donnent comme lecture. Parfois, il y a de magnifiques idées de lecture ! J’aime ce hasard. J’aime ces livres qui ont déjà vécu, qui ont déjà donné, qui ont peut-être aidé, qui ont été aimé ou… détesté. Ils ne sont pas abandonnés, mais confiés pour vivre une deuxième, une troisième vie.

J’ai une PAL physique dans ma bibliothèque chez moi. J’ai une liste de lectures à faire dans un petit carnet.

J’ai des centaines de livres papier et un peu moins en numérique.

Peut-être vais-je enfin commencer à ouvrir un carnet créatif avec mes lectures préférées.

Mais les lectures, c’est tellement subjectif, nos goûts peuvent varier selon notre humeur, selon nos sentiments, que je me vois mal les « proposer » à d’autres. Quand j’aime un livre, j’en parle avec mes ami.e.s. Quand je n’aime pas un livre, j’en fait tout autant, en expliquant ce que je n’ai pas aimé et pourquoi, mais en précisant que c’est mon avis et que peut-être que mon amie l’aimera, car nous sommes tous différents.

Combien de fois m’est-il déjà arrivé de ne pas savoir rentrer dans un livre, une fois, deux fois, trois fois, mais que la quatrième est la bonne ? Ou que je ne suis jamais parvenue à dépasser la page 45 d’un livre ? Ou que, en lisant cinq fois une expression, j’abandonne le livre ?

Je me souviens d’un livre que je n’ai jamais réussi à terminer. Pourtant, près de 10 personnes me l’ont chaudement recommandé. Pourtant, il faisait les éloges de milliers de lecteurs et de lectrices. Pourtant, je crois même qu’il a reçu un prix. Et alors ? Ce n’est pas parce que des milliers voir des millions de personnes l’ont aimé que je dois forcément l’apprécier également.

Influenceur littéraire, je trouve ça un beau métier, un beau passe-temps, même si je ne le comprends pas tout à fait. Savoir que des milliers de personnes vous attend « au tournant », savoir que vous devez lire et parler d’un livre (même quand vous êtes malade), savoir que vous n’avez plus de véritable vie privée, savoir que vous risquez soit d’essuyer des insultes – car on ne peut pas plaire à tout le monde – soit des critiques non constructives, savoir que vous aurez toujours « des comptes à rendre », etc. tout ça me dépasse. Et puis imaginez qu’un.e autre influenceur.se arrive. Vous allez devoir vous battre à coup de mots, de newsletter, de présence virtuelle ? Tout ça pour rester au sommet de la visibilité « du monde » ?

Au 21e siècle, il faut savoir se vendre pour vivre, pour survivre. Il faut savoir être présent sur les réseaux sociaux. Il faut être partout à la fois. Il faut être spécialiste et en même temps touche-à-tout. Savoir être vigilant. Savoir être proactif. Savoir parler et se taire. Savoir se faire entendre, se faire voir, savoir faire profil bas. Être résistant au stress. Être le meilleur. La meilleure. Être ici et là-bas. Être visionnaire. Être patient.e.

Moi, j’ai envie d’Être Moi, tout simplement.

Je ne suis pas une influenceuse, je ne suis pas influencée, je ne veux pas influencer.

Pangramme de Thierry Maugenest

pangrammeIncroyable, mais vrai, une phrase, une seule, qui contient toutes les lettres de l’alphabet ! Cette phrase, c’est le titre d’un petit livre bien sympa qui parle des aphorismes et d’autres fantaisies littéraires. Un Pangramme, c’est ça : une phrase qui contient toutes les lettres de l’alphabet.

Un aphorisme ? Je ne sais pas encore ha!ha!

Si vous voulez absolument découvrir ce que signifie ce mot, faites comme moi : ouvrez un dictionnaire ou faites une recherche sur la Toile  :-)

Ce petit livre, c’est « Bâchez la queue du wagon-taxi avec les pyjamas du fakir ». Cela donne une drôle d’image, mais c’est faisable pour mon imagination. Auteur : Thierry Maugenest, paru aux éditions Points.

Léon le petit hérisson

Léon, le petit hérisson (nouvelle parue en 2010, dans mon recueil « Mes animaux imaginaires« )

Sur le chemin de terre qui mène à une ferme, il y a un petit hérisson penseur. Il trouve que le temps se rafraîchit bien vite et qu’il serait temps pour lui de chercher un abri pour hiberner tranquillement.

Il marche à son aise, faisant bouger ses picots à droite puis à gauche. À la vitesse à laquelle il avance, il risque fort de ne pas arriver dans son jardin favori avant le lever du jour.

Soudain, un bruit fort le met en boule. Il ne bouge plus, tétanisé par ce qu’il vient d’entendre. Ça ressemble étrangement à un coup de fusil. L’éclat recommence et on dirait même qu’il se rapproche. Léon, le petit hérisson, ose relever la tête et avance un peu plus vite. Il est presque drôle à courir ainsi. Mais il a peur. Il ne pense même plus à faire un tour dans le potager, à la recherche de quelque limace bien gluante et si succulente à se mettre sous les dents. Il fonce, tête en première dans un tas de feuilles mortes.

Nous sommes fin octobre. L’automne est bien présent et les arbres se déshabillent de leurs feuilles. Léon a déjà commencé à faire ses provisions pour l’hiver et il veut encore un peu manger, histoire de pouvoir dormir le ventre plein. Car il devra dormir longtemps, très longtemps, avant de pouvoir ressortir de sa cachette.

Mais le bruit se fait de plus en plus proche. Il n’ose même pas trembler, de peur qu’on le découvre.

Une demi-heure plus tard, quand plus aucun bruit ne se fait entendre, Léon ose, timidement creuser la terre pour sortir le bout de son museau et voir ce qu’il se passe. Rien à l’horizon si ce n’est une très vieille voiture qui n’était pas là avant. Il attend encore un instant et éclate de rire. Il a complètement oublié que ce tas de ferrailles fait toujours un bruit du diable quand il roule ! Le pot d’échappement est troué depuis des mois et c’est seulement maintenant qu’il se rend compte du potin qu’il fait !

Le vent froid rentre dans les petites narines du mammifère. Bien à l’abri, le petit hérisson change d’avis. Tout compte fait, il est bien là parmi le tas de feuilles et de branches. Il se retourne, se remet en boule mais cette fois-ci, c’est pour se tenir au chaud et garder une position confortable. Il ferme les yeux. Son cœur ralentit et il commence un long, un très long dodo. Il ne se réveillera, bien plus tard, que quand la nature sera douce et belle.

Par la fenêtre de la cuisine, Maxime a tout vu. Le petit garçon en pyjama va vite trouver ses parents encore au lit pour leur chuchoter qu’il ne faut surtout pas toucher aux tas de feuilles mortes du jardin, qu’il y a la, là dedans, une merveilleuse petite boule piquante qui s’y est réfugiée.