Quand l’écriture devient jardin intérieur. Quand l’écriture révèle le mouvement de l’ombre vers la lumière : écrire pour faire exister, pour libérer, pour métamorphoser.
Introduction : Verdombre, la plante que nous portons tous
Quand j’ai inventé Verdombre, je croyais écrire une fiction étrange. Une créature végétale, mobile, quasi mythologique, qui pousse là où la peur s’installe, qui se nourrit des traumatismes d’enfance et des émotions refoulées. Je pensais que c’était une histoire de genre, un récit fantastique. Un jeu d’imagination.
Mais plus j’écrivais, plus j’avançais dans le cœur végétal de cette chose, et plus je comprenais : Verdombre, c’est exactement ce que je cherche à accompagner dans mon métier.
Cette créature, elle n’est pas malveillante. Elle est là pour capter ce que nous n’arrivons pas à dire. Elle absorbe nos non-dits, nos colères rentrées, nos douleurs d’enfance. Elle pousse dans les angles morts de la mémoire. Et plus on la laisse faire, plus on s’allège.
Verdombre, c’est l’image vivante de l’écriture thérapeutique : une plante intérieure qui pousse dès qu’on commence à dire, à déposer, à transformer.
Non, elle ne fait pas peur. Elle fait place.
Dans ce texte, vous rencontrerez une légende, des scientifiques, une photographe ratée, un chevalier un peu saoul, un stage improbable et une petite fille qui ne sait pas lire.
Mais ce que vous croiserez, surtout, c’est une vérité invisible : ce que nous ne disons pas continue de pousser en nous.
Et c’est peut-être le moment, enfin, de faire de la place à Verdombre.
Comment Verdombre a poussé en moi ?
Tout a commencé un vendredi après-midi. Un atelier d’écriture entre amis. Pour le plaisir. Pour ne pas rouiller. Pour continuer à imaginer, à créer, à jouer ensemble avec les mots.
J’avais préparé quelques propositions, des images, des textes à détourner, des cartes à piocher. Rien de sérieux, rien de planifié. Juste une envie de laisser émerger ce qui vient quand on écoute vraiment.
Et ça a pris.
- Un extrait de conte, tiré d’un recueil de nouvelles sur Brocéliande. Une histoire suspendue, que j’ai arrêtée net à un moment clé : un chevalier, un tableau, un cri venu d’ailleurs. J’ai proposé qu’on invente la suite. De là est né Philippe, le tableau hanté, et une créature verte, encore floue.
- Trois images découpées dans des magazines : un jeune homme dans un train, une adolescente contre des casiers, une maison lumineuse. J’ai proposé de relier un personnage à un lieu. Frédéric est né. Et avec lui, un stage improbable.
- Un souvenir d’enfance : “Enfant, je rêvais de…”. Le début était le mien, mot pour mot. Et sans vraiment y penser, j’ai glissé vers mes expériences réelles : aider un vétérinaire, soigner des animaux, vendre des photos à une hostellerie pour rembourser une chambre que je ne pouvais plus payer. J’ai écrit ça, pour de vrai. Et Verdombre s’est invitée dans mes souvenirs en ce dimanche après-midi.
- Des cartes Dixit et un jeu de débat, une consigne comme un choc : “Votre ancien voisin était un tueur en série.” Et sur la carte, un couteau caché dans des herbes. J’ai démarré aussitôt. Mon voisin s’appelait Michel. Il tuait des mauvaises herbes… tout est parti de là.
Et puis, Camomille. Elle est apparue aussi ce dimanche. Toute seule. Une fin inattendue. J’avais lu un article sur la puberté précoce. Ma belle-sœur m’en avait parlé. Et ce prénom — Camomille — s’est imposé, comme un lien discret avec le végétal, avec la douceur, avec la transmission.
Tout ça, c’étaient des fragments. Et en relisant mes textes, j’ai senti une liane.
Quelque chose de rampant, d’unifié, de vivant. Verdombre était là depuis le début.
Et je ne l’avais pas inventée : je l’avais révélée.
J’aime consigner. J’aime observer. J’aime inventer des comportements d’animaux — réels ou imaginaires. Et cette créature-là, Verdombre, incarne peut-être ce que je fais depuis toujours : nommer ce qui est tapi, créer du lien entre les choses, transformer l’étrange en matière vivante.
Ce récit est né d’un jeu.
Mais il m’a ramenée exactement là où je voulais aller : à l’endroit où l’imaginaire rejoint la mémoire, où l’ombre se dit enfin, et où l’écriture peut, doucement, panser les racines.
