Sérendipité avec deux livres

Le week-end dernier, lors de la première partie de ma formation sur l’art du conte, j’ai appris un mot de vocabulaire jamais entendu : sérendipité.

La sérendipité est le fait de trouver quelque chose tout à fait par hasard alors qu’on cherchait autre chose.

J’ai donc trouvé ces deux livres tout à fait par hasard. J’étais dans un magasin de seconde main (voir troisième main) avec mon papa. Il cherchait une souris sans fil. Derrière le rayon en question, deux meubles remplis de livres… bien sûr, je suis toujours attirée par les livres, qu’ils soient neufs ou d’occasion, que je flâne dans une bibliothèque, chez un bouquiniste ou dans une librairie. Il y avait pourtant là pas mal de livres quand même : des romans, des bandes dessinées, des mangas, des documentaires. Et mon regard est tombé rapidement sur ces deux livres-ci. Pour 90 cents pour l’un et pour 1,90 euro pour l’autre, je n’ai pas hésité :-)

J’ai un petit livre sur les fables de La Fontaine. En voici un plus grand, plus coloré. Vraiment plus grand, avec de belles illustrations.

Ce livre de Claudie Gallay, je ne l’ai pas encore lu. Et le résumé m’emballe ! Me parle. M’attire. Me donne envie…

Maître Corbeau (6 et fin)

Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5

Maître Corbeau, on ne l’appelle pas Maître Corbeau pour rien, c’est un vrai maître, il maîtrise comme personne la vengeance ; il fait les meilleurs plats froids afin que la vengeance soit aussi bonne que grande. Il enrage intérieurement. Il est écœuré par ce qu’il se passe.

Le corbeau ne tarde pas à retrouver ses réflexes calculateurs. Dans sa tête de piaf, pas si petite que ça quand on sait tout ce qu’il peut mémoriser, un plan se dessine rapidement. Il enregistre les moments où il pourra s’évader, il sait déjà par où il pourra aller pour passer incognito. Il ne traîne pas, il ne veut plus être témoin de ces horribles scènes. Cela doit cesser au plus vite, mais sans mettre en danger l’enfant.

L’oiseau sait que l’enfant est intelligent, il a appris à lire tout seul, sans l’aide de personne. Il sait aussi qu’il est manipulé depuis tellement d’années. Au fond de lui, il devine que l’enfant, malgré son haut potentiel, aime ses parents d’une certaine manière. Corbeau se demande même s’il sait qu’il est interdit de prendre des photographies pareilles ?

La séance photo terminée, le coussin enlevé, Maître Corbeau en profite rapidement pour s’éclipser par la porte entr’ouverte, ni vu, ni connu.

Plusieurs heures s’écoulent…

Au crépuscule, cette femme qui n’aurait jamais dû enfanter, reçoit un appel téléphonique sur son portable. Numéro masqué, elle décroche sans se poser de questions. Mais de l’autre côté, elle n’entend rien, du moins pas une voix humaine. Comme un cliquetis, comme si on tape sur une table avec des ongles. Puis ça raccroche. Et ce petit scénario se reproduit six fois, exactement toutes les six minutes. Elle finit par ne plus décrocher et éteint carrément son téléphone. Réminiscence. Flash. Images d’enfance. Cauchemars, terreurs, angoisses. Petite, ses parents qu’elle considérait comme des héros, avaient été harcelés, houspillés, bousculés, et finalement lynchés. Ils avaient sois-disant commis l’irréparable sur les enfants des voisins. Elle avait toujours cru en leur innocence, ils avaient toujours été très gentils avec elle. Les problèmes de ses parents avaient commencés avec des appels téléphoniques anonymes tard le soir, se prolongeant dans la nuit…

Le lendemain matin, d’une main tremblante, elle rallume son téléphone. 66 appels en absence. Elle compose à la hâte le numéro de son mari. Elle doit s’y reprendre à plusieurs reprises tant elle tremble. Il ne répond pas, mais elle laisse un message lui demandant de revenir au plus vite. Puis, elle éteint à nouveau son téléphone. Et elle attend.

Vers les dix heures, elle entend le facteur qui met du courrier dans la boîte aux lettres. Elle va vite chercher ces lettres, se forçant à penser à autre chose. Quand elle passe la porte d’entrée, elle trouve une longue plume noire, indemne, toute belle, toute lisse. Frissons. Dans sa boîte aux lettres, une souris morte gît les viscères à l’air. Nausées. L’unique lettre est une facture. Soupir. Retour à la maison. A la cuisine, sur la table, une lettre anonyme écrite avec des mots coupés dans un journal. N’ose pas lire. Panique. Hystérie. Hurlements. Elle s’enferme dans sa chambre, oubliant son enfant, bouchant ses oreilles, la tête sous son oreiller, les volets fermés, les yeux inondés, le corps convulsé.

Dehors, sur l’unique arbre du jardin, un rassemblement d’oiseaux noir se pose dans les branches dénudées du noisetier. On ne peut les compter, ils sont bien trop nombreux. Tellement que certains se posent sur le toit de la maison, d’autres sur la terrasse, ils sont partout. Silence. Puis un premier oiseau essaye de s’agripper sur le rebord de fenêtre de la chambre du garçon. Tic Tac fait son bec sur le plastique opaque. Acharnement. C’est Maître corbeau qui redonne la vue à la fenêtre. Il arrache une partie du plastique, assez pour permettre au petit ange de regarder la vie dehors. Sourire ! Grand sourire ! Applaudissements.

Les grands corbeaux, les amis, la famille du Maître, attendent le signal. Puis, façon film, souvenir à Harry Potter, ils jettent des centaines de lettres anonymes, toutes identiques, dans la cheminée, sous la porte d’entrée, entre les fenêtres qui pourtant sont fermées.

Ils arrivent en même temps. Le père et les flics. Doutes. Espoir pour le petit bonhomme ? Voisins ahuris. Personne n’en revient. Personne n’y croit. Tous ces oiseaux, toutes ces lettres, toute cette vérité qui éclate au grand jour. Liberté. Larmes de bonheur chez le petit. Voisins révoltés. Enfant libéré, parents condamnés, mère suicidée.

« Maître Corbeau, sur un noisetier perché,
Tenait en son bec la vérité.
Maître Loïc, par la liberté alléchée,
Lui tint à peu près ce discours enflammé:
« Hé ! salut, Monsieur du Co
rbeau… »

Et c’est ainsi que le jeune Loïc remercia Maître Corbeau, lui promettant d’écrire une autre fable, digne de son action héroïque.

Le lièvre et la tortue, jeu d’écriture

Pour la 11ème fois, déjà !, je joue avec Rébecca, merci à toi !
Réécrire une fable de La Fontaine en incluant une série d’ homonymes.

Le Lièvre et la Tortue

Tout le monde le sait : il est inutile de se presser, il faut partir à temps.

Le Lièvre, maire de son village, et la Tortue, mère courageuse de six enfants, en sont un témoignage.

–          Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point, sitôt que moi, ce pin situé non loin d’ici.

–          Sitôt ? Êtes-vous sage ? demanda l’animal d’un ton enjoué. Ma commère, il vous faut purger avec quatre mûres bien mûres.

–          Sage ou non, je parie encore, lui répondit-elle en crachant sur un mur.

Ainsi le pari fut lancé et accepté par les deux parties.

De tous deux, on mit près du but les enjeux : savoir quoi, ne nous regarde pas, ni de quel arbitre l’on convint.

Notre Lièvre n’avait que trois bonds à faire ; j’entends de ceux qu’il fait lorsqu’il est pourchassé par des renards affamés !

–          Ayant, dit-il, largement le temps pour brouter, pour me préparer un pain pour demain, pour dormir, pour écouter d’où vient le vent, et pour rêver des vagues salées de la mer, je laisse la Tortue, cette pauvre vieille mère, démarrer gentiment et tranquillement, tout à son aise. Je suis quand même bon joueur…

Elle part, elle s’évertue, elle se hâte avec lenteur.

Lui cependant, méprise une telle victoire, tient la gageure à peu de gloire. Il croit qu’il y va de son honneur de partir tard. Il ne se presse pas. Il ne court pas. Non, il grignote de l’herbe, déguste des pâquerettes, il se repose, il fait la cour à des demoiselles lièvres, il donne des cours de sauts aux levrauts, il s’amuse à toute autre chose qu’au défi. Sot qu’il est !

À la fin, quand il vit que son adversaire touchait presque au bout de la carrière, il partit comme une flèche. Hélas, les élans qu’il fit furent vains : la mère Tortue arriva la première en levant une patte en l’air en signe de victoire !

– Eh bien ! lui cria-t-elle, n’avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? J’ai remporté l’épreuve. Que serait-ce si vous aviez une maison sur votre dos ?

Tout le monde applaudissait la Tortue, même un cygne, qui était de passage.