Lors de mon deuxième week-end de formation d’initiation aux contes, par et avec Stéphane Van Hoecke, au château du Sartay à Embourg, il y a eu un exercice d’impro. Exercice que j’ai complètement loupé, car l’impro orale et moi, ça fait deux. Il fallait raconter une histoire avec un objet que nous avions reçu. L’objet a d’abord été déposé dans nos mains, les yeux fermés. Puis, yeux ouverts, une histoire devait défiler dans notre tête avec l’objet en question, qu’il soit objet principal de l’histoire ou de passage. J’avais tiré mon épingle du jeu en utilisant les objets et les histoires des personnes avant moi. Mais mon histoire a tourné au vinaigre, elle n’avait plus ni queue ni tête, je me suis emmêlée les mots et les objets… Pourtant, j’avais l’objet parfait pour moi !
J’ai été tellement admirative des histoires et de l’imaginaire des autres participantes et participant (un seul homme pour neuf femmes) que j’ai voulu rejouer le jeu, mais à ma manière : par l’écrit.
Les 10 objets en questions étaient :
- une toute petite amphore
- deux clés de différentes tailles, modèle réduit
- un petit caillou arrondi sur lequel il était peint des fleurs et où il y avait une inscription faite de 4 lettres (j’ai oublié les lettres)
- une fiole avec un liquide transparent à l’intérieur
- une petit cloche avec un autre objet en métal accroché à la cloche (de manière fortuite)
- une chaise en osier, modèle miniature
- une autre clé, plus grande
- un nain avec son capuchon rouge, sa barbe blanche et un panier sur son dos avec des boules rondes, foncées, dedans
- un minuscule train rouge en bois (juste la locomotive)
- une minuscule bouteille avec quelques gouttes de…
- un petit pingouin en plastique (mon objet !)
Il y a bien onze objets, car l’animateur a joué le jeu lui aussi :-)
En commençant à écrire mon texte, des contes, des images, des mots sont venus s’intégrer dans cette histoire. Des contes, des images, des mots qui ont été racontés, dits, partagés à l’occasion du week-end. Certains contes m’ont marqué plus que d’autres. Je n’ai pas tout retenu et je n’ai pas réussi non plus à parler de tous ceux que j’ai retenus. Mais c’est ma manière de faire un petit clin d’œil à ce groupe qui était super chouette, bienveillant, créatif, sympa, extra ;-)
Sans doute que cette histoire ne vous parlera pas. Car en plus d’être aussi étrange et mal foutue, j’ai intégré des mots qui me rappellent certains contes qui ont été dits, partagés, racontés durant ce weekend. Je ne me souviens pas de toutes les histoires, et je n’ai pas pu aborder tous celles dont je me souvienne.
Pour vous aider à y voir un peu plus clair, voici d’autres détails du week-end qui peuvent expliquer, en partie, mon petit délire :
- 3 ou 4 contes ont duré exactement 17 minutes, ce 17 octobre !
- deux participants sont arrivés avec leur instrument de musique et ont joué Des roses d’automne, de Julos Beaucarne, ce conteur, comédien, écrivain, chanteur et sculpteur belge qui est décédé le 18 septembre, soit une semaine avant notre premier week-end de formation. On avait pu entendre cette chanson le premier week-end, en hommage à Julos Beaucarne. Et le week-end dernier, nous l’avons chanté.
Pour les paroles, clic ici - le prénom Deneb existe bien. Deneb nous a raconté l’origine de son prénom, un véritable conte magnifique, j’en ai eu des étoiles pleins les oreilles et pleins les yeux
- Luc a utilisé l’expression « Vas te faire cuire un œuf ». Il l’a utilisé au pied de la lettre et j’ai adoré cette mise en bouche dans son histoire, moi qui suis fan des expressions :-)

La légende du Pingouin du Sartay
Il était une fois un pingouin. Ce n’était pas n’importe quel pingouin. On l’appelait ici le Pingouin du Sartay.
Il était connu pour pondre des histoires tantôt bien ficelées tantôt abracadabrantes.
En ce dimanche 17 octobre, il avait décidé d’apparaître sous sa forme principale, un petit pingouin de plastique, noir et blanc, haut de 5,1 centimètres. Une étrange taille me direz-vous, mais c’est que ce pingouin était bien spécial à plus d’un titre. Et je vais vous raconter tout ce que je sais à son sujet.
La légende raconte qu’il était né de la rencontre entre une vache rousse, sa mère, qui elle-même était la fille de la doyenne Yvette L’Incroyable, et un étrange petit lutin cueilleur de raisins noirs, son père. Ce petit lutin, fils de Nathalie Oshi, avait du sang japonais dans ses veines. On savait que le lutin, de par ses origines maternelles, avait la faculté de se métamorphoser en n’importe qui et en n’importe quoi : en un amoureux de Noël, en un magicien qui peut rendre sa jeunesse à une superbe vieille princesse, en un crabe au visage humain et même en un samouraï trancheur d’oreilles. Pourquoi avait-il choisi de garder sa forme originale, ça, la légende ne le raconte pas. Toujours est-il qu’un jour, le lutin, aussi grand qu’un nain de jardin miniature, sauva la vache Roussette d’une mort certaine en faisant apparaitre un train à vapeur sorti de nulle part. Ce train, un vieux train à vapeur, un vieux train rouge, arracha la vache de la lame acérée d’une hache tueuse de bétail. Emmenée dans son ventre, un wagon tout propre qui sentait bon l’amitié et le foin frais, la vache Roussette, protégée ainsi de la cruauté des hommes, monta jusqu’au septième ciel. Au septième étage du ciel, entre des nuages de coton tout doux, tout polis, Roussette pu en effet faire connaissance avec son sauveur. Le petit lutin cueilleur de raisons noirs avait eu le coup de foudre bleu pour cette vache au destin exceptionnel. Pour le remercier de lui avoir sauvé la vie, la petite vache lui donna tous les trésors qu’elle avait reçus de son précédent fiancé, un taureau bourru : une longue-vue qui permet de voir jusqu’à 20.000 lieues à la ronde, un mini cheval qui galope si vite qu’on n’a même pas le temps de dire ouf et une bouteille qui, en une gorgée, une seule, permet de recouvrer une santé de fer.
Après cette aventure extraordinaire (personne n’a jamais su ce qu’il s’était passé au septième étage du ciel, cette histoire est classée « x » dans les archives généalogiques de cette espèce de Pingouin du Sartay), qui n’était autre que la première histoire de sa vie, le pingouin, né quelques 17 semaines plus tard de cette rencontre incroyable, commença à s’émanciper et alla à la rencontre des habitants extraordinaires du château en marchant sur des feuilles mortes et sèches. Ça faisait scritch ! scritch !
Oui, le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm était né dans un château, un matin de roses d’automne : le château du Sartay.
À quelques instants de vie, on racontait qu’il se glissa dans l’oreille d’une femme pour lui chuchoter quelques mots doux, ronds, quelques mots chauds comme des marrons. Deneb, l’une des châtelaines, une étoile montante, se mit alors à raconter une étrange histoire de marrons difformes.
Le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm n’était pas peu fier de sa première participation, de sa première réalisation. Encouragé par la mise en bouche de ce petit marron tout rond tout chaud en forme d’amphore, il sautilla bien vite pour se blottir au creux du ventre de Véronique. Là, entre vents et marées, il lui parla de clés, de serrures, de cœur. Les vagues de mots emmenaient des algues d’émotions, roulaient dans les tripes de Véronique comme autant de bras qui ne demandaient qu’à être serrés, touchés, aimés.
Un petit peu tourneboulé, chamboulé par l’histoire portée par les vagues et le vent, le pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm se tourna vers Sarah. Sarah semblait transporter dans ses yeux pétillants, le froid du pôle Nord. Des images de banquises, de neige flottaient autour d’elle comme des flocons de vie portés par le chant hurlant d’une louve lors d’une pleine lune ronde et lumineuse. À Sarah, il déposa des mots tout aussi ronds comme des cailloux, des mots fleuris de sagesse avec quatre pétales lettrés, source de mystère, comme cette aura qui la suit comme un ange de fourrure.
On disait que ce petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm ne se laissait jamais voir. Ne se laissait jamais entendre. Ne se laissait jamais toucher.
La légende racontait aussi que certains jours, il grandissait, nourrit de toutes ces histoires merveilleuses qui naissaient grâce à un mot, une image, un son qu’il offrait, qu’il donnait, qu’il partageait. Très humble, le petit pingouin se taisait toujours, il se cachait tout le temps dès qu’il entendait les passeuses et passeurs d’histoire dire « je ne sais pas pourquoi, ça m’est venu comme ça »…
Et ce jour-là, au château, il avait envie d’entendre des tas et des tas d’histoires. Qu’importe s’il devait courir à gauche, à droite. À droite, à gauche… il ne se lassait pas de voyager dans le pays des mots, le pays Imaginaire et Extraordinaire des Contes en Partage.
Quand il arriva, bondissant, tout excité aux pieds d’Ariane, il grimpa à son fil, un fil magnifique, solide comme un roc qui ne trembla pas quand il s’y accrocha. De là où il se trouvait, le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm, le bec en l’air, il remarquait qu’Ariane ressemblait à une déesse, que si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer. Une déesse des mots, déesse de l’humour, avec une voix qui vous emmène par par-delà les pâturages et les montagnes, par-delà les prés du monde Jenesaispas où paissaient des vaches noires et blanches, par-delà les jardins des oiseaux aux deux becs ! Alors pour elle, il se hissa sur une chaise et lui souffla une histoire de tendresse. Oui une histoire de famille. Une histoire de souvenirs qui lui donna des papillons dans son ventre d’oiseau.
Mais très vite, le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm, dû poursuivre son travail et chasser ses papillons distrayants, envoûtants. C’est qu’il y en a du monde à émerveiller, à emmener en voyage, au pays des rêves éveillés…
Aussitôt ses mots choisis et déposés, aussitôt les papillons envolés, notre héros de plumes polaires, s’en alla se poser délicatement, discrètement, invisiblement, sur la monture de lunettes d’Abigaël. Du bout de ses ailes arrondies, le petit pingouin caressa l’épaule de la conteuse et lui souffla qu’elle devait absolument arrêter le Temps. Sur le champ ! Il lui souffla quelques mots sonnant comme des cloches, des mots précis comme les aiguilles d’une horloge qu’un forgeron amoureux lui aurait fabriquée. Il lui souffla une étrange incantation, faite de magie ou de sorcellerie. Comme il était noir et blanc, notre petit pingouin, il pensait que dans son corps d’oiseau pêcheur, devait couler de la magie noire et blanche.
Mais le temps s’était remis à couler, doucement, assurément, lentement. Vite, notre petit pingouin se pressa pour ne pas arriver en retard chez Luc. Luc, c’était le seul conteur en devenir qui était homme. Quand il l’avait croisé peu de temps auparavant, il avait vu qu’il allait se faire cuire un œuf ! Pas un œuf de pingouin, rassurez-vous, mais un œuf de poule. Une poule a deux pattes. Une poule qui caquetait, une grande poule assurément car avec un seul œuf, Luc avait pu se faire un repas gigantesque. La légende raconte que le Pingouin du Sartay adorait les œufs de poules car cette espèce refusait de manger une nourriture qui sortait de la bouche d’un animal. Alors, quand Luc s’était frotté les paupières pour enfin pouvoir voir ce qu’il se préparait à manger, zou, notre pingouin mis tous ces œufs dans le même panier, sauf un qu’il avait laissé, et s’empressa de les déguster tout crus.
Le Pingouin du Sartay n’avait pas sa langue dans sa poche. Réputé meilleur pondeur d’histoires, il l’avait à maintes de fois démontré durant ce week-end partagé. Après avoir gobé tous les œufs, le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm était rassasié. Il avait peur de parler, car il avait trop mangé. Il avait peur de tout dégobiller s’il devait encore bondir ou sauter pour, au creux d’une oreille, quelques mots déposer. Alors, il s’approcha à pas feutrés mais le ventre lourd, de Gaëlle. Comme il n’avait pas ses yeux dans les poches, notre petit oiseau avait vu qu’elle dissimulait dans la paume de sa main musicale, un petit flacon magique. Il aimait à penser qu’il s’agissait là d’un quelconque remède digestif pour les petits pingouins gourmands. Car à Gaëlle, il avait tout à l’heure susurré quelques mots gourmands comme soupe, ventre rond, plein, repas. Et la lune avait avalé ses paroles comme on boit du petit lait. Alors forcément, à force de s’être goinfré de soupe, la lune, la pleine lune, devait aussi avoir le ventre bien tendu, si pas distendu comme le sien en ce moment. L’élixir digestif tombait donc à point nommé.
Alors que le petit pingouin, noir et blanc, haut de 5,1 cm allait s’octroyer une bonne sieste digestive, bien méritée, voilà-t-il pas qu’il entendit de petits pleurs. Des reniflements. Des gémissements.
Dois-je vous préciser que le Pingouin du Sartay, est comme toutes les créatures intelligentes, très curieux ?
Non, bien sûr que non.
En soufflant un peu, il se releva tant bien que mal, se frotta les yeux comme Luc tout à l’heure, à s’en déchirer les paupières, bouscula un petit Schtroumpf, pardon, une petite Schtroumpfette, c’était la Schtroumpfette Excitée, et se planta devant Stéphane l’animateur, conteur, le maître d’orchestre de la petite troupe du conteur et de conteuses en devenir et lui dit exactement ces mots :
- Arrête un peu de secouer tes larmes de crocodiles, elles ont le mal du transport ces larmes ! Elles n’arrêtent pas de gémir, de pleurer, de chouiner depuis que tu les as exposées à tous les regards. Les larmes de crocodiles sont sensibles, oui Monsieur le Conteur, sensibles.
Mais comme vous le savez, le Pingouin du Sartay est invisible et personne ne peut le voir ou l’entendre ! Ni vous, ni moi, ni même le Maître d’orchestre que voici.
Comment est-ce que je sais tout ça, comment est-ce qu’on sait tout ça sur lui, me demanderez-vous ?
Eh bien, ça ! C’est une autre histoire…
NB : la taille de 5,1 cm, vient tout simplement du fait que, à sa naissance, le petit pingouin mesurait 1,7 cm. La taille adulte d’un Pingouin du Sartay se mesure en triplant sa taille à sa naissance.

