Incipit avec un livre

– Mademoiselle Bertignac, je ne vois pas votre nom sur la liste des exposés.

Première phrase du livre  » No et moi », de Delphine de Vigan.

Que vous ayez lu le livre ou non (ou vu le film), jouez le jeu et écrivez la suite.

Pourquoi l’adolescente n’a-t-elle pas mis son nom sur la feuille de papier qui précise les sujets des exposés qui vont être travaillés ?

  • Pas envie
  • Pas trouvé de sujet
  • Elle avait noté mais un ou une camarade a effacé son nom (et mis le sien à la place)
  • Pas le temps
  • N’ose pas dévoiler son sujet
  • Elle trouve que les exposés, c’est pour les bébés
  • Etc.

Les idées et les raisons ne manquent pas.

Bon amusement.

Et si vous n’avez pas lu le bouquin, je vous le recommande vivement !

Une lettre change tout

Livre ❤️

Delphine De Vigan : No et moi.
Page 137.


Lecture du soir, trop tard.
 » (…) Assise à côté d’elle je découpe des morts dans les journaux pour les coller sur mon cahier, (…) »

Une lettre change tout le sens de la phrase. Une lettre, une seule, et l’histoire entière change.

Lancée dans ce délire, à la nuit tombée, je fabule une suite à ma sauce.

Des morts dans les journaux. Découper des morts. Des cadavres. Tout froid. Tout rigide. Ou pas. J’en sais rien en fait. De la rigidité cadavérique. Je sais juste qu’elle arrive vite après le décès, mais c’est pas instantané, immédiat. Y a un délai. Et puis après, elle est plus là. Partie.
Découper des morts, ça doit quand même pas être facile. C’est comme de la viande. Un gros morceau de viande. Et moi, j’suis végétarienne. Heureusement, ces morts, ils sont dans les journaux. En toutes lettres. Parfois, déjà encadré, un cercueil de papier, sans épaisseur, sans vie, froid. Le papier est froid. Le journal est froid. La mort est froide. Les mots morts sont froids.
C’est l’hiver. Alors, pour me réchauffer, je vais brûler le cahier des morts. Le papier sera chaud. Brûlant. Fiévreux. Comme les morts avant de mourir.


Il faut bien sûr lire « … je découpe des mots dans les journaux… »

Où vont les mots quand ils s’en vont ?

Entre jeu d’écriture, avis de lecture et métier rêvé, loupé, je vous pose cette question :

Où vont les mots quand ils s’en vont ? Quand ils nous échappent, quand ils nous fuient, où se cachent-ils ? Que font-ils ?

Après la lecture de « Gratitudes », de Delphine de Vigan, j’ai une certitude : j’ai loupé un coche, un métier, des études. Aujourd’hui, je me vois bien logopède ou orthophoniste. J’y pense aujourd’hui, mais ce n’est clairement pas un métier, une vocation à laquelle j’ai pensée quand j’étais ado. J’y pense aujourd’hui parce que le syndrome de Ménière avec ses vertiges, acouphènes et déficits d’audition m’ont pourri la vie pendant plusieurs années, parce que la Covid m’a rendue aphone durant de longues semaines m’empêchant de m’exprimer oralement (j’ai été suivie par une logopède extraordinaire pendant des mois), parce que les mots perdus, ceux qui trainent sur le bout de la langue mais qui ne veulent pas sortir sont de plus en plus fréquents.

Dans Gratitudes, Delphine de Vigan appuie là où ça fait mal. Une dame d’un certain âge, ancienne correctrice dans un grand magazine, rentre dans une maison de repos et de soin après que « tout s’en va », « je perds tout ». Des troubles de la mémoire spécifiques liés à la perte de mots la dévaste. Marie a beau lui rendre visite régulièrement ainsi qu’un orthophoniste passionné ar son métier, cela n’empêche pas la vieille dame de dépérir. À quoi bon continuer de parler quand les mots s’en vont, changent, se travestissent, s’effacent ?

Un livre, une histoire poignante écrite avec justesse, émotions, amour.

Où vont les mots quand ils vous échappent ?

Les mots s’en vont, ils volent, ils fuient en silence. Ils vont se cacher, se reposer, se libérer. Les mots fourchus, ceux qui butent sur la langue, ceux qui tombent et se cognent contre les dents sont envoyés à l’infirmerie des mots. On leur fait faire des exercices d’assouplissement, d’étirement. Ils doivent pouvoir sortir d’une traite, sans trébucher pour recouvrer la santé. Ceux qui s’oublient, ceux qui s’étiolent à force de ne pas être utilisés régulièrement, ceux-là sont envoyés dans un camp de travail. Un camp où la vie des mots n’est pas facile. Ceux qui arrivent là-bas sont faibles, presque transparents mais on leir demande quand même toute leur attention. Ils doivent parler fort, marcher longuement, dessiner de manière précise leurs lettres, épeler distinctement chacune des parties de leur corps, et ce plusieurs fois par jour. Le soir, ils peuvent jouer, ils sont libres d’intégrer une classe de rédaction créative à la seule condition de savoir se présenter en utilisant le plus de mots possibles les caractérisant. Les mots travestis, ceux qui se font passer pour d’autres, sont difficiles à attraper ! Ils glissent entre les doigts, ils se faufilent entre les lèvres, ils passent en coup de vent dans les conduits auditifs. Ceux-ci rient sous cape, bien heureux d’avoir ce super pouvoir de transformation. Ils ont plusieurs vies et en profitent bien.


Extrait du livre « Gratitudes » de Delphine de Vigan