Un bruit dans la nuit

Histoire numéro 4 de la série. Merci maman Cigalette pour ton illustration !

Isabelle va passer quelques jours chez sa cousine Julie.  Pour les vacances de pâques, Julie lui a préparé un planning qui lui plaira à tous les coups. Au programme, balades dans la nature, esquisse d’animaux, formation sur la photographie et leçon de vie autour de la grossesse de Julie.

Julie et son mari Joe sont ravis d’héberger la « petite » cousine. Ils habitent la campagne, à plusieurs centaines de kilomètre d’Isabelle.

Julie va pouvoir se changer les idées. Depuis qu’elle a appris qu’elle attendait un bébé, elle est un peu tendue. La première grossesse ne s’était pas bien déroulée et elle avait perdu le fœtus.  A présent, elle en est à son septième mois et il y a moins de risques pour le bébé s’il venait à naître.

Au moment où Isabelle arrive, personne ne se doute de ce que vont vivre ces deux cousines. Des jours et des nuits d’angoisse les attendent…

Après la balade de l’après-midi, Isabelle se retrouve seule dans la chambre d’amis, sous le toit de la vieille ferme. La soirée arrive à petits pas et le ciel commence doucement à s’assombrir. Le printemps est bel et bien là. Les jours se rallongent et les températures sont plus agréables. C’est la saison préférée d’Isabelle.

Julie monte jusqu’au dernier étage pour souhaiter la bonne nuit à sa cousine. Au moment de baisser le volet de la fenêtre velux, quelque chose passe à l’horizon et fait reculer Julie d’un pas.

« Sans doute un pigeon » pense la jeune femme. Isabelle n’a rien vu et il vaut mieux ne rien lui dire pour ne pas l’effrayer.

« Voilà, tu peux t’installer à ton aise. Fais comme chez toi ! Je suis contente que tu sois ici, on va pouvoir faire de jolies balades et tu vas même m’aider à faire la chambre du bébé, Joe n’a aucun goût pour la décoration. »

– Oh oui, j’adorerais ! Et à propos, tiens Julie, c’est pour toi, enfin pour le petit qui est là. Isabelle tend un petit doudou multicolore en touchant de sa main le ventre de sa cousine. Dès le moment où toute sa main fut posée, le bébé réagit et se tourne.  L’émotion remplit la pièce. C’est la première fois qu’Isabelle peut ressentir une telle chose.  Alors que la joie est à son sommet, un étrange bruit se fait entendre non loin de la chambre.  Julie et Joe n’ont pas de voisins proches. Leur maison n’est attenante à aucune autre et pourtant, on aurait dit que quelqu’un ronflait très fort, juste à côté.

Tout de suite, l’imagination très fertile de la jeune femme se met en route. Elle s’imagine une étrange histoire avec un vagabond occupant de manière incognito la grande de la vieille ferme. Isabelle continue à rêver les yeux ouverts. Voyant la tête de sa cousine, Julie la bouscule gentiment et lui demande de retrouver la terre ferme.

– Tu as toujours été douée pour t’imaginer des histoires hallucinantes. Isabelle, s’il te plait, ne me fait pas peur avec ça. Tu sais ce bruit, et bien d’autres, ça fait une semaine que je l’entends et je ne suis pas encore parvenue à savoir d’où ça vient ni ce que ça peut bien être. Il est l’heure de dormir, on verra ça demain, tu veux bien ?

Isabelle ne veut pas donner des angoisses à sa cousine. Elle sourit et l’embrasse avant d’aller se faufiler dans son lit.  Elle va avoir tout le temps de réfléchir à la question après son départ

Demain est un autre jour…  mais avant ça, la nuit s’éternise.

Isabelle a du mal à trouver son sommeil. Elle essaie de dormir mais de discrets gémissements l’empêchent de fermer les yeux. Jamais elle n’a entendu pareils chuintements. Persuadée que ça vient de derrière son mur, elle se lève doucement et colle une oreille contre la surface froide et rugueuse du crépi. Elle n’entend rien. Pas un bruit, pas un froissement, rien ! Elle se recouche et à peine a-t-elle clos ses paupières que les plaintes recommencent. Dans sa tête, mille scénarios se bousculent. Impossible de mettre un mot sur ce qu’elle entend. Il fait extrêmement calme dans cette maison. Ce n’est pas comme chez elle où passage de bus, claquement de portière de voiture ou discussion bruyante se font entendre chaque nuit. Chez Julie, le moindre bruit prend de l’ampleur. Tout résonne. Isabelle peut même deviner quand sa cousine se lève pour aller à la toilette ou quand Joe monte les marches de l’escalier pour apporter un verre d’eau à la future maman.

Ça y est. Plus aucun bruit ne perturbe la quiétude campagnarde. Isabelle peut enfin sombrer dans ses rêves.

1h15 : un cri perce les tympans des habitants de la maison. Seul Joe qui dort avec des boules d’ouates dans ses oreilles ne se réveille pas. Le cœur de Julie palpite. Elle peut sentir son pouls cogner dans sa poitrine.

Isabelle s’est réveillée en sursaut et le temps d’un court instant, elle ne savait plus très bien où elle se trouvait. Quelqu’un la réveillée brutalement.

« JULIE ! » La jeune femme pense que sa cousine a fait un malaise pour crier de la sorte.  Elle descend bruyamment les escaliers et se saisit lorsque sa cousine ouvre énergiquement la porte devant elle.

– Qu’est ce qu’il se passe Isabelle ? Tu as fait un vilain rêve ? lui demande-t-elle d’un regard hagard.

– Mais ce n’est pas moi qui ai crié, je pensais que c’était toi ! lui répond sa cousine d’un ton inquiet.

Elles se regardent longuement. Ni l’une ni l’autre ne savent qui a poussé ce cri d’horreur.

Trois jours sont passés. Durant tout ce temps, les cousines entendent comme un cri dans ce mur.  Parfois ça passe presque inaperçu et à d’autres moments, ça se fait plus intense. Si fort qu’elles se demandent comment Joe n’a encore rien perçut.

Au début, avec le bruit de la télévision, Isabelle pensait à une course-poursuite de petites souris. Mais à présent, ce soir, elle l’a bien entendu. Impossible que ce soit un animal. Ça se rapproche davantage d’un gémissement ou d’un cri de douleur. Cette nuit, elle est restée debout, comme hypnotisée par cet étrange bruit qu’elle n’arrive pas à identifier. Par intermittence, il se fait plus net, plus clair, plus aigu. Parfois, elle en a la chair de poule. Après trois heures d’éveil, elle commence sérieusement à fatiguer. Son cerveau somnole, ses paupières se laissent tomber malgré elles. Le sifflement du vent épuise ses tympans.

4h25 : Tout le monde dort. Isabelle est toujours là, consciente de n’être plus que l’ombre d’elle-même. Elle devrait dormir mais elle entend encore ces chuchotements qui la dérangent. Ils sont moins forts que tout à l’heure mais ils sont encore là. Elle est curieuse et ne dormira qu’une fois le mystère résolu. Julie et son mari, eux, dorment à poings fermés.

Une demi-heure plus tard, ses sens sont en alerte maximum. Elle a, cette fois, entendu distinctement une voix ! Une voix humaine ! Une voix de femme ! Elle en tremble de peur. Elle commence à avoir froid. Elle passe son peignoir en laine. Sa cousine a aussi entendu le hurlement. Julie l’a rejoint. Elle s’est levée un peu précipitamment et elle a mal au ventre. Elle touche d’une main rassurante sa peau tendue par la trente-deuxième semaine de grossesse. Elle pince alors sa joue fraîche pour s’assurer qu’elle ne rêve pas. Elle n’entend plus rien ! Les deux cousines se regardent et ne comprennent pas très bien ce qu’il se passe. D’un pas incertain, Julie va jusqu’au mur de la chambre. Elle s’agenouille et colle son oreille contre le papier peint.

Joe dort d’un sommeil de juste. Rien ne le réveillera si ce n’est une urgence comme la course à la maternité.

Julie tourne en rond. Elle a du mal à se rendormir à cause de ce qu’elle a entendu. Elle décide de se changer les idées et va faire un tour dans la chambre de son futur bébé. Tout est presque prêt, elles ont bien travaillé. Il ne manque plus que le mobile musical. Le berceau, le fauteuil à bascule pour l’allaitement et les rideaux sur le thème des petites fées, tout y est. La lumière douce de la lampe murale renvoie les ombres de toutes les peluches. Le silence règne dans cette pièce. Julie s’imagine la petite fille qu’elle tiendra bientôt dans ses bras. Bientôt un petit être remplira de vie cette chambre encore vide de sourire.

Un petit coup de pied du fœtus rappelle la future mère à la réalité.

Un petit grattement sur le rebord de la fenêtre et un sentiment de peur renaît. Julie a rappelé sa cousine auprès d’elle mais elle hésite à réveiller son mari. Depuis qu’elle attend un heureux événement, ses peurs les plus profondes refont surface. Son odorat s’est développé et sa sensibilité s’est accrue. Toutes ces hormones de femme enceinte la déstabilisent. Ce n’est pourtant pas la première fois mais rien n’y fait, jamais elle ne s’y fera.

Les frottements dans le mur reviennent. L’esprit de Julie est à son comble. Isabelle et elle ont la même vision : elles s’imaginent qu’une jeune fille est emmurée, vivante, et qu’elle appelle au secours. Une image d’ongles grattant le ciment frappe les consciences des cousines. Et si elles avaient raison ? Et si une personne était vraiment en danger ? Comme par magie, au moment où elles émettent la plus improbable des possibilités, les bruits cessent. Elles se regardent. Le temps s’écoule lentement mais après dix minutes, il n’y a toujours aucun autre signe pour les mettre sur la voie de l’impensable. Julie baille à s’en décrocher la mâchoire. Il est temps pour les deux jeunes femmes de retourner dans leur lit.

Isabelle retourne, à tâtons, dans sa chambre. Julie est derrière elle. Le fœtus donne un second coup de pied, plus violent que le précédant. Elle s’assied sur le bord du lit, reprend son souffle et essaie de se tranquilliser. Elle doit se calmer, au moins pour sa fille. Le stress n’est pas bon pour le fœtus. Elle a déjà perdu un enfant en fausse couche tardive, elle ne tient absolument pas à perdre celui-ci. Sa cousine tente de la rassurer mais elle a du mal, elle-même ressent d’étranges choses.

Même si elles arrivent à se ressaisir, le sommeil ne veut toujours pas d’elles pour la nuit. Elles se relèvent toutes les deux, en même temps, et Isabelle veut passer de l’eau froide sur le visage de sa cousine inquiète.

Toujours dans l’obscurité la plus complète, elles se dirigent vers la salle de bain et ouvrent la fenêtre pour avoir un peu d’air frais. Julie connaît cette maison par cœur, il n’y a pas de quoi avoir peur. Le plancher qui craque, elle connaît. La voiture de patrouille qui roule lentement dans la rue ne la réveille plus. Le chat errant qui se faufile discrètement dans le soupirail de sa cave pour venir voler quelques croquettes ne l’étonne même plus. Elle tente, tant bien que mal de se rassurer, elle ainsi qu’Isabelle. Le gant de toilette humide l’accompagne dans sa reprise de conscience. Doucement elle parvient à refaire surface et à se calmer.

Soudain, un cri horrible déchire la nuit. Les cousines sursautent, l’une comme l’autre. Isabelle se raidit et n’ose plus bouger. Elle sent son cœur cogner rapidement dans sa poitrine. Julie se saisit et tombe à terre. Assise sur le linoléum, elle observe la chose s’envoler.

Isabelle suit du regard la même forme blanche s’éclipser dans la nuit.

Joe s’est réveillé d’un bond. Il cherche son épouse à côté de lui et ne la trouve pas. Il a un mauvais pressentiment. Isabelle l’appelle. Il ne sait pas définir si c’est une voix prise de douleur ou de peur qui le supplie de venir au plus vite.

Un liquide s’écoule du peignoir rouge de Julie. Tête baissée, elle sent cette flaque chaude sous ses fesses. Tout en aidant sa femme à se relever, Joe écoute avec attention l’histoire des drôles de voix, des chuchotements, des grattements qui ont amené sa femme et sa cousine à rester éveillées toute la nuit. Il n’arrive que péniblement à l’apaiser. Elle est sous le choc.

Isabelle, elle, n’a toujours pas bougé de la fenêtre. Elle  est tétanisée entre la peur pour sa cousine et son enfant et le cri qui lui fait perdre la tête.

Quelques secondes plus tard, après s’être assuré que ce n’était que de l’urine qui s’était échappé du corps de sa femme, Joe éclate de rire. Julie se décrispe et rigole à son tour, plus par nervosité que par spontanéité. Isabelle n’ose pas rire, trop gênée d’avoir été à ce point stupide.

L’idée même qu’une chouette effraie pouvait nicher dans la grange ne lui était même pas venue à l’esprit. Elle se dit qu’on ne l’y reprendrait plus.

Ecrire une histoire à quatre voix : la maison incendiée

Jeu n° 3 de Devenir-Ecrivain.  Écrire une histoire à 4 voix. Ou comment décrire une scène vue par 4 personnages différents. 

J’ai choisi une scène de mon histoire « Chose noire » à paraître bientôt sur ce blog.

Isabelle : personnage principal

Cette maison brûlée avait une histoire. Même encore maintenant, elle a toute une histoire à me raconter. J’abandonne provisoirement Virginie, ma collègue, sur le trottoir et pousse la grille d’entrée.

Dès que je vois cette chose derrière la fenêtre, je ne peux m’empêcher d’avancer et d’aller au-delà du panneau m’interdisant pourtant de pénétrer dans cette propriété privée.

Prudemment, je fais quelques pas afin de découvrir l’objet de ma curiosité. Cet animal, car cela ne peut être que cela, m’intrigue. Je ne l’ai pas identifié et sa silhouette, sombre, ne s’est pas détachée du fond noir de la pièce calcinée.

Tout à coup, un cri horrible déchire le silence et me saisit. Pendant un instant, je reste figée sur place. Les oiseaux, qui chantaient gaiement l’instant d’avant, se sont tus également. Il fait horriblement calme soudainement.

C’est à ce moment-là que je remarque le chat noir dans le jardin. De nous deux, je ne peux dire lequel est le plus attiré par l’étrange bête qui vient de pousser cet effroyable cri. Moi mes yeux déshabillent l’ouverture béante de la fenêtre, lui sa queue bat frénétiquement et ses oreilles sont bien dressées, à l’affût du moindre bruit suspect.

Virginie : témoin (et collègue d’Isabelle)

Isabelle s’arrête subitement devant cette maison ravagée par un incendie. Sans m’en dire plus, et sans aucune gêne, elle franchit la grille et avance sûrement. Sans se retourner, elle passe le panneau d’interdiction et semble se diriger d’un pas déterminé vers la maison. Elle ne manque pas de culot et, étrangement, c’est quand elle voit un chat noir tout près d’elle qu’elle marque l’arrêt. Isabelle semble en avoir peur. Peut-être est-elle superstitieuse ? En tous les cas, elle n’avance plus et cela m’arrange plutôt bien.

Le silence qui envahit le quartier ne me plaît pas du tout. J’hésite à appeler ma collègue pour qu’elle sorte de cette propriété privée. Mais, elle risquerait de trouver cela plutôt bizarre et ça pourrait même éveiller les soupçons.

Le chat noir : animal qui fait partie de la scène

Je vaquais tranquillement à mes occupations (chasser de bonnes souris bien grasses), quand j’entendis le grincement de la grille d’entrée. Depuis que la baraque a été brûlée, je suis tranquille, plus personne ne vient me déranger. Or, ce grincement ne présageait rien de bon. Mis la puce à l’oreille, j’abandonnai ma tâche pour aller voir quel curieux avait osé franchir l’interdiction.

Tout en restant sur mes gardes, j’avançai à pas de velours quand, tout à coup, le gugusse noir, habitué à fouiller les poubelles et autres détritus du quartier, hurla à pleins poumons. Le crétin, il m’a fichu une de ses trouilles. Même les piafs d’à côté ont fermé le bec ! Faut dire que caché dans cette maison, il pourrait presque se faire passer pour un fantôme…

Enfin bref, au moins, avec ce silence de mort, mon ouïe m’informa que l’intrus avait lui aussi stoppé sa progression.

Je rampai sur l’herbe, comme quand on me l’avait appris à l’école des chasseurs, et scrutai le moindre mouvement. Et c’est là que je vis cette superbe paire de yeux bleus, couleur de l’océan. Ah ! L’océan, comme il me manque. Si seulement, mes maîtres n’avaient pas décidé de déménager, je serais sûrement encore occupé à tailler une bavette avec les mouettes.

Toujours est-il que ces beaux yeux m’hypnotisaient carrément. Hélas, le gugusse noir, encore et toujours lui, faisait un tel boucan près de la fenêtre, que ce regard envoûtant était parfois occupé ailleurs que sur mon admirable personne.

Je m’le boufferais bien ce gugusse… s’il n’était pas aussi grand !

Les oiseaux : des journalistes qui enquêtent sur l’incendie de la maison

Pas plus tard que cet après-midi, en fin de journée, une jeune femme âgée d’une vingtaine d’années a franchi la propriété privée qui a été incendiée la semaine passée. On ignore encore quelles sont ses véritables intentions, si c’est l’auteur des faits qui vient rechercher quelque chose qu’elle a oublié ou si c’est tout simplement une curieuse avide de détails sordides.

Hélas, suite à un cri de guerre poussé par on ne sait quel horrible individu, nous avons dû fuir rapidement notre cachette afin de protéger notre vie.

Toutefois, une source sûre nous apprend qu’Edgar serait visible dans le jardin. Nous ne sommes pas encore certains de l’identité de ce chat noir et ne savons pas s’il s’agit bien de notre informateur secret, mais il semblerait que cet animal se soit approché de la jeune femme.

Dès que l’horrible individu au cri terrifiant sera identifié et neutralisé, nous reviendrons vous informer dans un prochain communiqué en direct de la chaîne PIAF-News.