Isabelle nous a écrit un très chouette texte à partir d’un jeu d’écriture donné à l’occasion de mon premier atelier d’écriture.
Il fallait écrire une histoire à partir de ce que nous inspirait l’ambiance où nous étions, à savoir un petit restaurant. Un intrus devait faire partie du texte… Isabelle a fait de l’intrus, le personnage principal.
Le café de la gare était bondé.
Ce soir, c’était la fête aux Cornichons. C’est-à-dire que, une fois par an, premier week-end d’octobre, il était coutumier dans ce village pas comme les autres de fêter les Cornichons.
Tous les Cornichons étaient mis à l’honneur ce soir-là. Vous l’aurez compris, la « Culture » du Cornichon était une spécialité locale.
En outre, dans le village, on pouvait aussi rencontrer tous les midis au bistrot « Au Vert Cornichon » le prénommé Guillaume, Cornichon depuis ses premiers pas, fils unique de Gaston, charpentier de référence du village, et de Germaine.
Louise, doyenne des Cornichonnes de 102 ans et née 102 ans plus tôt le jour de la fête aux Cornichons, se tenait assise sur le pas de sa porte depuis l’aube jusqu’au coucher du soleil, observant, interpellant les passants, et inventant ainsi des histoires aussi délirantes qu’imaginaires, ce qui n’était pas du goût de tous les villageois.
Roberta, elle, fille tardive de Louise, avait fini par épouser Guillaume, fils du charpentier. Les noces avaient été célébrées vingt ans plus tôt, le jour de la fête aux Cornichons. Les deux tourtereaux avaient depuis donné naissance à un beau petit cornichon, comme papa, et comme grand-maman. L’enfant était né dix-huit ans plus tôt, jour de la fête aux Cornichons, comme son aïeule.
Ce soir-là donc, la fête battait son plein au village et le champagne coulait à flots.
Ce soir-là donc, le village avait trois événements à fêter.
Autre texte, génial ! On part à partir d’un élément déclencheur pioché dans la boîte de la Fabrique à Histoire de Bernard Friot.
Isabelle a choisi :
« Le chien fait la loi dans la maison de M. Longuet. »
Le chien fait la loi dans la maison de M. Longuet. Et c’est normal. C’est comme ça depuis toujours et ça ne changera jamais.
Le chien de M. Longuet est très vieux. Sûrement bien plus vieux que M. Longuet.
M. Longuet est grand, plutôt bien enveloppé et a les tempes grisonnantes. Son chien aussi.
M. Longuet est toujours de mauvaise humeur quand on le croise dans la rue. Son chien aussi.
Bref, ces deux-là se ressemblent comme deux gouttes d’eau.
Un jour, la voisine de M. Longuet, Mme Buchard trouve un courrier dans sa boîte aux lettres qui est adressée au chien de M. Longuet. Une grande enveloppe sur laquelle on pouvait lire en imprimé :
CHIEN de M. Longuet
Rue Des Poilus 12
1000 Bruxelles
Surprise et amusée, Mme Buchard s’empresse de sonner à la porte du vieillard aigri. Mais c’est le Chien qui vient lui ouvrir. Ce dernier, visiblement de mauvais poil, ouvre la porte, observe Mme Buchard de haut en bas et dit :
– Bonjour, que pouvons-nous faire pour vous ?
– Je vous apporte du courrier qui ne m’est pas adressé. Le facteur s’est trompé, et ….
Le Chien interrompt Mme Buchard, lui prie d’entrer et lui propose un café. Mme Buchard, de plus en plus amusée par la scène accepte bien volontiers.
Le Chien se rend dans la cuisine pour préparer du café. Mme Buchard s’installe dans le canapé du salon et lorsque le Chien lui apporte son café, elle dit :
– Où est M. longuet ?
– Il nettoie la salle-de-bains, répond calmement le Chien. Et vous n’êtes pas prête de le voir car il est puni. Figurez-vous que hier soir, confie le Chien, M. Longuet n’en a fait qu’à sa tête. Il a rejoint son panier après 22h00. Le couvre-feu ! insiste le Chien. Je ne supporte pas qu’il me désobéisse, rajoute-t-il. Il doit à présent récurer les sanitaires à la brosse à dents, laver les parquets à genoux et nettoyer les carreaux à coups de langue. Il a la journée.
– Ah bon ? dit Mme Buchard, presque sans voix. Et il ne proteste pas ? finit-elle par articuler.
– Non, rassura le Chien de M. Longuet. S’il proteste ou ne satisfait pas aux travaux ménagers qui lui sont imposés en cas de désobéissance, il est privé de croquettes.
Mme Buchard, inquiète, ne su que répondre. Elle ne dit rien, se dressa soudainement, remercia, s’excusa, confuse, et sortit précipitamment.
Elle décida, dorénavant, de ne plus jamais sonner chez les gens si le facteur se trompait de boîte aux lettres, ne dormi plus, et consulta un psy jusqu’à la fin de ses jours.
