Le conte de la cravate

Il y a quelques temps, une amie me demanda de l’aider à écrire un conte. C’est-à-dire qu’elle avait connaissance d’un conte, mais qu’elle ne le trouvait nul part. En quelques phrases, elle me le raconta et en quelques phrases, j’écrivis ce conte.

Conte de la cravate

Dans le désert, un homme seul, entre deux âges, avance péniblement. Il est assoiffé. Ça fait des heures qu’il marche sans savoir où il va, où il doit aller, où se diriger. Sa gourde est vide. Sa gorge, en feu. Ses idées ne sont plus très claires et la seule qui revient en boucle, dans sa bouche pâteuse, est :

-Quand est-ce que je vais enfin pouvoir boire ? J’ai soif ! Je meure de soif ! À boire. À boire !

Un peu plus loin, toujours dans le désert, un bédouin. Cet habitant du désert n’est pas seul. Il a tout un troupeau de chameaux à ses côtés. L’homme assoiffé lui fait des signes. Le bédouin arrive vers lui, doucement. Lentement. Rien ne presse ici.

A boire. Tu as à boire ? Donne-moi de l’eau ! J’ai soif. Très soif. Gourde vide. À boire !

Le bédouin lui dit qu’il n’a pas cela sur lui, mais… une chose inestimable dans sa valise. Il peut lui offrir cette chose, c’est un cadeau.

-Gratuit ! Cadeau pour notre rencontre, dit le bédouin en sortant une magnifique cravate à pois.

L’homme qui n’est pas un homme du désert, ricane. Il rit avec ses yeux fous, arrache la cravate des mains du bédouin et la lance derrière lui.

-Rien à faire de ton cadeau. Tout ce que je veux, c’est à boire. Tu comprends ça ? BOI-RE !

En disant cela, il mime le geste de sa gourde qu’il porte à ses lèvres.

Entre nous, franchement, que va-t-il faire avec une cravate ? Il a soif et il va mourir s’il ne reçoit pas d’eau !

Le bédouin, un peu vexé quand même, est désolé pour l’homme assoiffé. Il ramasse la cravate, la frotte, souffle dessus et il s’en va.

L’homme aux yeux fous poursuit sa route imaginaire. Bientôt, il trébuche. Ses jambes ont du mal à porter le poids de son corps. Il continue néanmoins, mais en rampant cette fois…

Et là-bas, quelques centaines de mètres plus loin, il rencontre un autre bédouin…

En ouvrant péniblement la bouche, il n’a plus de salive, ses lèvres collent entre elles, sa langue est pâteuse, il s’accroche à la robe du bédouin et crie :

– OOOOO ! OOO ! EAU !

Il demande de l’eau bien sûr. Hélas, il n’y a rien à faire, ce bédouin n’en a pas non plus ! Néanmoins, celui-ci parlant mieux sa langue que le premier, lui dit :

– Je n’ai pas d’eau, mais je suis marchant. Un bon marchant ! Je t’offre pour le prix d’une, deux jolies cravates. Ou si tu préfères un joli nœud papillon ? Que désires-tu ? Que choisis-tu ?

Si l’homme assoiffé avait assez de force, il marcherait, écraserait ces cravates de malheur. Au lieu de quoi, il pousse un étrange bruit guttural, un grognement, un râlement.  Il est très fâché, mais tellement épuisé et déshydraté, qu’il ne fait rien d’autre que continuer sa route imaginaire.

Enfin, il voit au loin une oasis. Il frotte ses yeux et regarde autour de lui. Il se dit qu’enfin la chance tourne et qu’il va pouvoir étancher sa soif. Aussi vite que ses forces le lui permettent, il rampe, il rampe, il rampe jusque-là…

Ce n’est pas un mirage !

Il y a une oasis.

Un homme est devant cette oasis. L’homme assoiffé veut rentrer dans l’oasis, maintenant, tout de suite, immédiatement. Mais il est stoppé par le gardien. On le lui en interdit l’accès !

L’homme ne comprend pas.

Le gardien s’accroupit, d’une main douce mais ferme lève le menton de l’homme pour le regarder dans ses yeux et il lui dit alors : « sans cravate, on ne rentre pas dans l’oasis. Où est ta cravate ? »

J’ai aussi cherché l’origine de ce conte que je trouve très chouette. Je n’ai malheureusement pas eu plus de chances que mon amie. Sûrement doit-il faire partie d’un recueil de contes…

Et vous le connaissez-vous ? Cela vous dit-il quelque chose ?

Merci Teresa de m’avoir fait découvrir ce conte :-)