Sens dessus dessous, tous les sens deviennent fous

Tchou Tchou, je prends le train pour me rendre à la capitale
Tchou Tchou, le monde, le bruit, la puanteur, ça me fait mal.
Comment rester dans ma bulle protectrice
Sans piquer une terrible crise ?
Tchou Tchou, le monde, le bruit, la puanteur,
Tchou Tchou j’ai peur, j’ai peur
Tous mes sens sont exacerbés
Je me sens blessée, prête à pleurer
Je ne profite pas de la formation
Je me pose trente six mille questions
Tchou Tchou, au retour, le train a du retard
J’en ai marre, j’en ai marre
Tchou Tchou je veux fuir, me racrapoter
Me recroqueviller, m’oublier, m’envoler


Texte écrit hier soir. Tellement vidée que j’ai oublié de le publier.

Ce matin, dans le train, j’ai réussi à renforcer ma bulle et à me plonger dans mon Monde.

Ouf.

Dernier jour de formation « techniques et outils pour animer un atelier d’écriture créative »

Sale nuit

Sale nuit

Punaise, la vache, j’ai des voisins hyper bruyants,
Pourtant, ils ne sont pas bien méchants,
Mais la maison est mal insonorisée,
Aucun bruit n’est dissimulé,
Même quand ils pissent, je les entends,
C’est pas pire qu’à Bruxelles pourtant,
Mais dans ce silence de campagne,
Le moindre bruit me réveille, et j’ai la hargne.
A passé minuit, je fais un rêve,
Je pense vraiment que je me lève,
Pour aller leur demander de baisser le volume,
De leur musique, de leur voix qui se propage sur le bitume,
Les chaises qui raclent sur le sol,
De tous ces bruits qui déchirent et qui résonnent.
Et puis je réalise qu’ils ont tout jeté dans notre jardin,
Je suis calme et je leur dis que ce n’est pas bien,
Je les préviens qu’il faut tout nettoyer,
A défaut, la facture, je vais leur envoyer.
La mère semble compréhensive,
En fait, elle est complètement ivre !
C’est quand je commence à perdre patience,
A m’énerver, à crier, à des objets que je balance,
Que je me réveille dans tout ce bruit,
Car, oui, malgré tout, je m’étais rendormie !
Plus le courage de descendre, de se lever,
Pour tout dire, je suis vraiment trop fatiguée.

Et puis, après mon dos blessé,
C’est mon épaule qui est abîmée,
Et les lendemains de kiné,
Les douleurs sont toujours à hurler.

J’ai quasi pas dormi,
A peine fermé l’œil de la nuit,
Que sonne mon réveil biologique,
5 heures et quelques, c’est automatique,
Je dois me lever, m’activer,
Alors, je tape sur ce clavier,
Pour libérer toute ma colère,
En faisant quelques vers.
C’est pas génial, je le sais, plutôt nul,
Mais ch’suis pas à l’école, y a pas de bulle !
Ça me libère, c’est le principal,
De toute cette impatience qui me fait mal.
De toute cette douleur qui me ronge,
Qui s’immisce jusque dans mes songes.

Promenade sur le lac

J’ai essayé de vous décrire ma première rencontre avec cette créature extraordinaire :-)  je n’ai pas réussi à vous faire passer la magie de l’instant passé… il faut y être pour pouvoir ressentir toutes les émotions qui m’ont parcourues cette nuit-là.

Noémie participe à un stage en pleine nature. Avec trois autres camarades et leur moniteur, ils avancent silencieusement sur un étang appartenant à une réserve naturelle. L’ornithologue qui les accompagne mène la barque sans la moindre difficulté.

Le ciel est dégagé, et certaines étoiles, les plus lumineuses, sont visibles à l’œil nu. Noémie n’aime pas le noir mais depuis l’été passé où elle a fait connaissance avec une chouette effraie, elle se sent intriguée par ces animaux nocturnes. Une autre chouette, toute brune, aux gros yeux ronds et sombres a déjà salué son courage lorsqu’elle s’embarquait dans le petit bateau de bois. L’ornithologue a identifié sans le moindre doute l’oiseau, il s’agit d’une chouette hulotte u chat huant. Le petit surnom qu’on donnait parfois à ce rapace l’avait intriguée et ils avaient commencé leur petite expédition par un cours d’étymologie.

Noémie ne voit rien à l’horizon mais ses oreilles sont toutes ouvertes. Petit à petit, ses pupilles s’habituent à l’obscurité. Après un quart d’heure à naviguer sur l’eau, elle peut enfin discerner la silhouette des arbres. Le quart de lune éclaire certains endroits. L’ado perçoit la limite de la roselière.

Une grenouille croasse et tous les enfants sursautent tellement ce bruit se répercute dans le silence. Tous sont attentifs. L’ornithologue, guide depuis cinq ans dans cette réserve sait quand il faut se taire ou quand il faut tourner la tête.

Ce soir, ils devraient pouvoir le voir ou du moins l’entendre. Il n’a rien dit, ni au moniteur, ni aux élèves. Il aime que les visiteurs découvrent par eux même la richesse d’une faune méconnue.

Le vent léger qui souffle parvient à faire dresser les oreilles du plus distrait des élèves. Les adolescents réalisent que la nuit, dans la nature, le silence n’existe pas. La chouette de tout à l’heure chante à nouveau. Noémie devine qu’elle s’est déplacée car le son qu’elle a entendu ne parvient pas de l’endroit où elle avait aperçu le rapace.

Des mouvements désordonnés et de petits cris perçants font lever les cinq têtes.

– Des pipistrelles, les chauves-souris les plus communes dans notre pays. Il existe…

L’ornithologue continue son explication à voix basse mais Noémie est déconcentrée. Elle a cru percevoir un étrange son sourd. « Un son sourd » s’interroge-t-elle d’elle-même, ça ne veut rien dire ! » La jeune fille tâche de faire abstraction des chuchotements près d’elle, ferme les yeux et oriente son oreille droite vers le son qu’elle a cru entendre. Mais il n’y a plus rien. Ses yeux se réouvrent automatiquement, comme pour mieux voir ce que l’ornithologue raconte.

« J’ai du rêver ».

Le guide, tout en continuant la description de la pipistrelle, sourit à Noémie. Noémie ne comprend pas la signification de ce sourire. A-t-il cru qu’elle s’était endormie ? Avant même qu’elle ne lui pose la question, il enchaîne avec :

– Tu l’as entendu n’est-ce pas ? Tu as une ouïe fine.

Ses camarades la dévisagent. Son moniteur également. Noémie rougit mais heureusement, dans cette obscurité, personne ne le voit.

Voumb

Le rugissement est nettement plus clair à présent ! Tout le monde l’a remarqué mais personne ne sait l’identifier clairement.

– C’était quoi ça ? un boeuf ? ose le petit rigolo du groupe.

– Un boeuf, ici, t’es bête ou quoi ! lui répond son copain.

Noémie est la seule fille qui a osé accompagner les garçons à cette sortie nocturne. Elle reste silencieuse. Elle observe les roseaux. Il lui semble avoir vu bouger quelque chose dans ce coin là bas.

L’ornithologue lui a fait signe de changer de place pour se rapprocher de lui. Il lui chuchote : « Son cri peut faire écho jusqu’à cinq kilomètres à la ronde ! Il faut avoir de bons yeux et savoir où chercher. »

Noémie a soudain des frissons qui lui court sur tout son dos, sa nuque et jusque dans ses cheveux. Un cri qui peut s’entendre sur des kilomètres, elle n’ose pas y croire. Quelle bête gigantesque peut fournir un pareil son ?

L’animal ne renouvelle pas ses vocalises. Noémie reste intriguée.

La barque se dirige lentement vers le fond de l’étang. La rame ne fait aucun bruit lorsqu’elle brasse l’eau. Les gestes se font au ralenti. Le guide tend un bras et pointe du doigt un endroit précis à une dizaine de mètres d’eux. Il donne un monoculaire à vision nocturne à Noémie. La jeune fille tremble un peu, de froid, d’incertitude. Les images en vert et noir sont floues mais elle remarque quelque chose d’étrange dans les lignes de la roselière. Un dessin particulier semble bouger au rythme d’une respiration ! Sans s’en rendre compte, Noémie retient son propre oxygène dans ses poumons, pour ne pas bouger, pour ne pas effrayer. Soudain, une volumineuse masse, aussi grande qu’une buse, décolle! De larges ailes se déploient et peinent à faire monter le corps de l’oiseau dans les hauteurs du paysage. Les battements sont mous et silencieux. Les yeux de l’adolescente n’arrivent que très difficilement à se réhabituer à la noirceur de la nuit. Ses copains, qui ne se doutaient de rien, son recroquevillés dans la barque, les genoux ramenés à leur menton, la tête repliée dans leur cou, le regard interrogateur.

– Messieurs, vous venez de faire connaissance avec le Butor ! Magnifique échassier de la famille des hérons. C’est lui que vous avez entendu, il y a quelques instants. Jolie bête n’est-ce pas ?

Ne s’attendant à aucune réponse de la part des gamins, l’ornithologue fait un plus large sourire à Noémie et à son moniteur. Ce dernier, intrigué ose demander s’il y a encore d’autres animaux de la sorte à être aussi dissimulateur, invisible, et surprenant.

Le sens de l’ouïe, terrifiant

Pour le 12ème jeu de Rébecca, il faut choisir l’un de nos 5 sens et l’utiliser au mieux dans un texte.

Cette nuit, j’ai mal dormi.

J’ai encore fait des cauchemars, j’en ai marre.

Je décide d’aller à pieds à mon travail afin de ne pas me sentir compressée dans un bus bondé.

Le soleil s’est à peine levé sur un sol tout gelé.

Je n’ai pas froid, je marche d’un bon pas.

Les images de mes rêves hantent ma tête. Des écorchures, de la violence, de la peur, beaucoup de peur, des crocs qui déchirent ma peau, des animaux qui me griffent, des endroits que je ne connais pas, des chemins qui conduisent à ma perte.

J’ai l’impression d’être ailleurs, de ne pas vivre le moment présent. Chaque instant, chaque seconde s’égraine devant moi comme le contenu d’un sablier renversé.

Alors que j’avais l’impression d’un grand silence, les portes de mes oreilles s’ouvrent brutalement au monde environnant.

Le brouhaha des voitures incessantes, les freins d’un vélo qui grincent, un coup de klaxon qui retentit, tout cela rentrent en moi et me bouscule.

Une voiture au pot d’échappement troué fait un boucan d’enfer et me saisit.

Sur le trottoir d’en face, un jeune couple, deux gamins à peine sortis de l’adolescence, se disputent, s’enguirlandent, se crachent des injures. Je crains qu’ils en viennent aux mains.

Des perruches en vol au-dessus de moi s’annoncent dans leur langue de psittacidés, ce n’est pas un chant, c’est un cri aigu, bref, strident. Et elles sont nombreuses à crier… heureusement elles ne font que passer.

Bien plus haut, c’est un avion qui se rajoute à tout ce non-silence pesant.

Puis, de concert, un chien aboie, une voiture freine et la sirène d’un véhicule prioritaire hurle son urgence.

Des sons brefs, qui se juxtaposent les uns sur les autres ou qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Pas une seule seconde de silence. Pas une ! C’est horrible…

Pendant dix minutes, je marche ainsi, irritée par tous ces bruits. Jusqu’ici, je ne prêtais pas attention, cela fait partie de mon quotidien et je n’y peux rien.

Je marche en silence, que je crois. Mes pas se posent sur le sol aussi doucement que des baskets peuvent le faire. Mais le frottement de mes bras sur ma veste trahissent mes mouvements. Mes mains dans les poches résolvent cette friction.

J’arrive à un feu rouge. Une voiture polluante accélère. Deux passants attendent à mes côtés que le petit bonhomme devienne vert. L’un écoute une musique à faire péter les tympans, l’autre est une jeune femme, talons aiguilles, bouteille de parfum renversée sur elle. Tac tac tac, les chaussures avancent, la bouche répond à une sonnerie de téléphone, la voix s’égosille, le rire vibre.

Le parfum s’en va, le rire en écho derrière elle.

La musique s’affaiblit.

Puis, j’arrive à mon travail.

L’alarme branchée, je dois la désactiver avec des bip bip bip. Enlever le répondeur qui fait tilu tilu.

Puis le fonctionnement de l’ouverture automatique de la porte se met en route…

La sonnerie du téléphone, l’ouverture automatique de la porte, les portables qui s’activent, l’ordinateur qui tourne, la circulation dans la rue, … cela ne s’arrêtera plus avant ce soir.

Au coucher des enfants, je me dis que j’aurai un peu de répit, mais il y a les machines à faire tourner, alors, j’attends la nuit. J’attends de dormir pour avoir le silence, un silence bien mérité, un moment sans bruit, sans cauchemar ?

Et ce soir, il pleut… on est au rez-de-chaussée, au-dessus des caves, et la pompe qui aide les égouts à ne pas déborder se met à vivre la nuit ! Un vrombissement se fond dans mes rêves.

Cette nuit, dans mes cauchemars, il y a un monstre qui grogne, de la pluie qui rentre dans ma chambre et qui monte jusqu’au plafond… heureusement, je sais respirer dans l’eau !

 Ps : je vous rassure, Chouna n’est absolument pas le monstre que l’on pourrait croire sur la photo que j’ai utilisée pour illustrer le passage de mon cauchemar dans ce texte. Mes deux chats adorent jouer avec des bouts de ficelles et ici, Chouna fait un joli bond, toutes griffes et crocs sortis pour attraper la ficelle.

Un bruit dans la nuit

Histoire numéro 4 de la série. Merci maman Cigalette pour ton illustration !

Isabelle va passer quelques jours chez sa cousine Julie.  Pour les vacances de pâques, Julie lui a préparé un planning qui lui plaira à tous les coups. Au programme, balades dans la nature, esquisse d’animaux, formation sur la photographie et leçon de vie autour de la grossesse de Julie.

Julie et son mari Joe sont ravis d’héberger la « petite » cousine. Ils habitent la campagne, à plusieurs centaines de kilomètre d’Isabelle.

Julie va pouvoir se changer les idées. Depuis qu’elle a appris qu’elle attendait un bébé, elle est un peu tendue. La première grossesse ne s’était pas bien déroulée et elle avait perdu le fœtus.  A présent, elle en est à son septième mois et il y a moins de risques pour le bébé s’il venait à naître.

Au moment où Isabelle arrive, personne ne se doute de ce que vont vivre ces deux cousines. Des jours et des nuits d’angoisse les attendent…

Après la balade de l’après-midi, Isabelle se retrouve seule dans la chambre d’amis, sous le toit de la vieille ferme. La soirée arrive à petits pas et le ciel commence doucement à s’assombrir. Le printemps est bel et bien là. Les jours se rallongent et les températures sont plus agréables. C’est la saison préférée d’Isabelle.

Julie monte jusqu’au dernier étage pour souhaiter la bonne nuit à sa cousine. Au moment de baisser le volet de la fenêtre velux, quelque chose passe à l’horizon et fait reculer Julie d’un pas.

« Sans doute un pigeon » pense la jeune femme. Isabelle n’a rien vu et il vaut mieux ne rien lui dire pour ne pas l’effrayer.

« Voilà, tu peux t’installer à ton aise. Fais comme chez toi ! Je suis contente que tu sois ici, on va pouvoir faire de jolies balades et tu vas même m’aider à faire la chambre du bébé, Joe n’a aucun goût pour la décoration. »

– Oh oui, j’adorerais ! Et à propos, tiens Julie, c’est pour toi, enfin pour le petit qui est là. Isabelle tend un petit doudou multicolore en touchant de sa main le ventre de sa cousine. Dès le moment où toute sa main fut posée, le bébé réagit et se tourne.  L’émotion remplit la pièce. C’est la première fois qu’Isabelle peut ressentir une telle chose.  Alors que la joie est à son sommet, un étrange bruit se fait entendre non loin de la chambre.  Julie et Joe n’ont pas de voisins proches. Leur maison n’est attenante à aucune autre et pourtant, on aurait dit que quelqu’un ronflait très fort, juste à côté.

Tout de suite, l’imagination très fertile de la jeune femme se met en route. Elle s’imagine une étrange histoire avec un vagabond occupant de manière incognito la grande de la vieille ferme. Isabelle continue à rêver les yeux ouverts. Voyant la tête de sa cousine, Julie la bouscule gentiment et lui demande de retrouver la terre ferme.

– Tu as toujours été douée pour t’imaginer des histoires hallucinantes. Isabelle, s’il te plait, ne me fait pas peur avec ça. Tu sais ce bruit, et bien d’autres, ça fait une semaine que je l’entends et je ne suis pas encore parvenue à savoir d’où ça vient ni ce que ça peut bien être. Il est l’heure de dormir, on verra ça demain, tu veux bien ?

Isabelle ne veut pas donner des angoisses à sa cousine. Elle sourit et l’embrasse avant d’aller se faufiler dans son lit.  Elle va avoir tout le temps de réfléchir à la question après son départ

Demain est un autre jour…  mais avant ça, la nuit s’éternise.

Isabelle a du mal à trouver son sommeil. Elle essaie de dormir mais de discrets gémissements l’empêchent de fermer les yeux. Jamais elle n’a entendu pareils chuintements. Persuadée que ça vient de derrière son mur, elle se lève doucement et colle une oreille contre la surface froide et rugueuse du crépi. Elle n’entend rien. Pas un bruit, pas un froissement, rien ! Elle se recouche et à peine a-t-elle clos ses paupières que les plaintes recommencent. Dans sa tête, mille scénarios se bousculent. Impossible de mettre un mot sur ce qu’elle entend. Il fait extrêmement calme dans cette maison. Ce n’est pas comme chez elle où passage de bus, claquement de portière de voiture ou discussion bruyante se font entendre chaque nuit. Chez Julie, le moindre bruit prend de l’ampleur. Tout résonne. Isabelle peut même deviner quand sa cousine se lève pour aller à la toilette ou quand Joe monte les marches de l’escalier pour apporter un verre d’eau à la future maman.

Ça y est. Plus aucun bruit ne perturbe la quiétude campagnarde. Isabelle peut enfin sombrer dans ses rêves.

1h15 : un cri perce les tympans des habitants de la maison. Seul Joe qui dort avec des boules d’ouates dans ses oreilles ne se réveille pas. Le cœur de Julie palpite. Elle peut sentir son pouls cogner dans sa poitrine.

Isabelle s’est réveillée en sursaut et le temps d’un court instant, elle ne savait plus très bien où elle se trouvait. Quelqu’un la réveillée brutalement.

« JULIE ! » La jeune femme pense que sa cousine a fait un malaise pour crier de la sorte.  Elle descend bruyamment les escaliers et se saisit lorsque sa cousine ouvre énergiquement la porte devant elle.

– Qu’est ce qu’il se passe Isabelle ? Tu as fait un vilain rêve ? lui demande-t-elle d’un regard hagard.

– Mais ce n’est pas moi qui ai crié, je pensais que c’était toi ! lui répond sa cousine d’un ton inquiet.

Elles se regardent longuement. Ni l’une ni l’autre ne savent qui a poussé ce cri d’horreur.

Trois jours sont passés. Durant tout ce temps, les cousines entendent comme un cri dans ce mur.  Parfois ça passe presque inaperçu et à d’autres moments, ça se fait plus intense. Si fort qu’elles se demandent comment Joe n’a encore rien perçut.

Au début, avec le bruit de la télévision, Isabelle pensait à une course-poursuite de petites souris. Mais à présent, ce soir, elle l’a bien entendu. Impossible que ce soit un animal. Ça se rapproche davantage d’un gémissement ou d’un cri de douleur. Cette nuit, elle est restée debout, comme hypnotisée par cet étrange bruit qu’elle n’arrive pas à identifier. Par intermittence, il se fait plus net, plus clair, plus aigu. Parfois, elle en a la chair de poule. Après trois heures d’éveil, elle commence sérieusement à fatiguer. Son cerveau somnole, ses paupières se laissent tomber malgré elles. Le sifflement du vent épuise ses tympans.

4h25 : Tout le monde dort. Isabelle est toujours là, consciente de n’être plus que l’ombre d’elle-même. Elle devrait dormir mais elle entend encore ces chuchotements qui la dérangent. Ils sont moins forts que tout à l’heure mais ils sont encore là. Elle est curieuse et ne dormira qu’une fois le mystère résolu. Julie et son mari, eux, dorment à poings fermés.

Une demi-heure plus tard, ses sens sont en alerte maximum. Elle a, cette fois, entendu distinctement une voix ! Une voix humaine ! Une voix de femme ! Elle en tremble de peur. Elle commence à avoir froid. Elle passe son peignoir en laine. Sa cousine a aussi entendu le hurlement. Julie l’a rejoint. Elle s’est levée un peu précipitamment et elle a mal au ventre. Elle touche d’une main rassurante sa peau tendue par la trente-deuxième semaine de grossesse. Elle pince alors sa joue fraîche pour s’assurer qu’elle ne rêve pas. Elle n’entend plus rien ! Les deux cousines se regardent et ne comprennent pas très bien ce qu’il se passe. D’un pas incertain, Julie va jusqu’au mur de la chambre. Elle s’agenouille et colle son oreille contre le papier peint.

Joe dort d’un sommeil de juste. Rien ne le réveillera si ce n’est une urgence comme la course à la maternité.

Julie tourne en rond. Elle a du mal à se rendormir à cause de ce qu’elle a entendu. Elle décide de se changer les idées et va faire un tour dans la chambre de son futur bébé. Tout est presque prêt, elles ont bien travaillé. Il ne manque plus que le mobile musical. Le berceau, le fauteuil à bascule pour l’allaitement et les rideaux sur le thème des petites fées, tout y est. La lumière douce de la lampe murale renvoie les ombres de toutes les peluches. Le silence règne dans cette pièce. Julie s’imagine la petite fille qu’elle tiendra bientôt dans ses bras. Bientôt un petit être remplira de vie cette chambre encore vide de sourire.

Un petit coup de pied du fœtus rappelle la future mère à la réalité.

Un petit grattement sur le rebord de la fenêtre et un sentiment de peur renaît. Julie a rappelé sa cousine auprès d’elle mais elle hésite à réveiller son mari. Depuis qu’elle attend un heureux événement, ses peurs les plus profondes refont surface. Son odorat s’est développé et sa sensibilité s’est accrue. Toutes ces hormones de femme enceinte la déstabilisent. Ce n’est pourtant pas la première fois mais rien n’y fait, jamais elle ne s’y fera.

Les frottements dans le mur reviennent. L’esprit de Julie est à son comble. Isabelle et elle ont la même vision : elles s’imaginent qu’une jeune fille est emmurée, vivante, et qu’elle appelle au secours. Une image d’ongles grattant le ciment frappe les consciences des cousines. Et si elles avaient raison ? Et si une personne était vraiment en danger ? Comme par magie, au moment où elles émettent la plus improbable des possibilités, les bruits cessent. Elles se regardent. Le temps s’écoule lentement mais après dix minutes, il n’y a toujours aucun autre signe pour les mettre sur la voie de l’impensable. Julie baille à s’en décrocher la mâchoire. Il est temps pour les deux jeunes femmes de retourner dans leur lit.

Isabelle retourne, à tâtons, dans sa chambre. Julie est derrière elle. Le fœtus donne un second coup de pied, plus violent que le précédant. Elle s’assied sur le bord du lit, reprend son souffle et essaie de se tranquilliser. Elle doit se calmer, au moins pour sa fille. Le stress n’est pas bon pour le fœtus. Elle a déjà perdu un enfant en fausse couche tardive, elle ne tient absolument pas à perdre celui-ci. Sa cousine tente de la rassurer mais elle a du mal, elle-même ressent d’étranges choses.

Même si elles arrivent à se ressaisir, le sommeil ne veut toujours pas d’elles pour la nuit. Elles se relèvent toutes les deux, en même temps, et Isabelle veut passer de l’eau froide sur le visage de sa cousine inquiète.

Toujours dans l’obscurité la plus complète, elles se dirigent vers la salle de bain et ouvrent la fenêtre pour avoir un peu d’air frais. Julie connaît cette maison par cœur, il n’y a pas de quoi avoir peur. Le plancher qui craque, elle connaît. La voiture de patrouille qui roule lentement dans la rue ne la réveille plus. Le chat errant qui se faufile discrètement dans le soupirail de sa cave pour venir voler quelques croquettes ne l’étonne même plus. Elle tente, tant bien que mal de se rassurer, elle ainsi qu’Isabelle. Le gant de toilette humide l’accompagne dans sa reprise de conscience. Doucement elle parvient à refaire surface et à se calmer.

Soudain, un cri horrible déchire la nuit. Les cousines sursautent, l’une comme l’autre. Isabelle se raidit et n’ose plus bouger. Elle sent son cœur cogner rapidement dans sa poitrine. Julie se saisit et tombe à terre. Assise sur le linoléum, elle observe la chose s’envoler.

Isabelle suit du regard la même forme blanche s’éclipser dans la nuit.

Joe s’est réveillé d’un bond. Il cherche son épouse à côté de lui et ne la trouve pas. Il a un mauvais pressentiment. Isabelle l’appelle. Il ne sait pas définir si c’est une voix prise de douleur ou de peur qui le supplie de venir au plus vite.

Un liquide s’écoule du peignoir rouge de Julie. Tête baissée, elle sent cette flaque chaude sous ses fesses. Tout en aidant sa femme à se relever, Joe écoute avec attention l’histoire des drôles de voix, des chuchotements, des grattements qui ont amené sa femme et sa cousine à rester éveillées toute la nuit. Il n’arrive que péniblement à l’apaiser. Elle est sous le choc.

Isabelle, elle, n’a toujours pas bougé de la fenêtre. Elle  est tétanisée entre la peur pour sa cousine et son enfant et le cri qui lui fait perdre la tête.

Quelques secondes plus tard, après s’être assuré que ce n’était que de l’urine qui s’était échappé du corps de sa femme, Joe éclate de rire. Julie se décrispe et rigole à son tour, plus par nervosité que par spontanéité. Isabelle n’ose pas rire, trop gênée d’avoir été à ce point stupide.

L’idée même qu’une chouette effraie pouvait nicher dans la grange ne lui était même pas venue à l’esprit. Elle se dit qu’on ne l’y reprendrait plus.

Bruit mystérieux

Je commence à vous soumettre une série de petites histoires écrite il y a un bout de temps mais que, pour une raison ou une autre, je n’ai jamais montré dans son entièreté. Voici le tout premier texte. Dites-moi ce que vous en pensez, si vous aimez, si vous trouvez ça pas terrible ou écrit maladroitement… j’en ai 10 autres à vous proposer :-)

Et je tiens à remercier ma Cigalette, enfin ma maman pour les illustrations !

Tic-tic.

Le printemps a commencé avec ce bruit. Il fait déjà chaud pour la saison. Cinq degrés au-dessus de la moyenne saisonnière. C’est ce que dit le météorologue de la télévision.

Isabelle s’est levée de mauvaise humeur ce matin. Ce tic-tic l’a tirée de son sommeil. Les yeux encore mi-clos, elle va voir d’où provient ce petit bruit. Mais elle ne voit rien. Elle se recouche alors, en peignoir.

Tic-tic.

Ça recommence. Cette fois, elle sait avec plus de précision d’où ça vient. Elle se dirige d’un pas certain vers la fenêtre et tire d’un coup sec ses tentures. Eblouie par la lumière du jour, elle se surprend elle-même. Isabelle met ses mains devant ses yeux sensibles.  Elle referme tout aussi vite les tissus épais. Elle ne pense qu’à retrouver le calme de ses rêves mais cette fois, elle est complètement réveillée.

La journée s’annonce mal.

Enervée, elle ne voit pas la queue toute poilue de son Minou et marche dessus sans aucune délicatesse. Un miaulement horrible déchire les tympans d’Isabelle et lui fend son cœur. Elle s’agenouille et tente d’appeler son petit chat pour s’excuser et lui faire le plein de câlins. En vain, il se cache en dessous du lit et ne bouge plus.

Il y a de ses jours où tout va mal.

Après s’être un peu brûlée le corps avec une douche trop chaude, Isabelle n’a pas pu boire son chocolat du matin. Elle a oublié d’en racheter.

Sa journée à son travail n’est pas des plus glorieuse. Elle se fait réprimander par sa chef à cause de son humeur exécrable et se fait carrément enguirlander par une collègue. Mais dix-sept heures sonnent. La fin d’une journée médiocre s’annonce enfin.

Après avoir fait rapidement les courses dans le petit supermarché au coin de sa rue, Isabelle rentre chez elle, non mécontente de retrouver son chat et le calme de sa petite maison. Elle enrage encore sur cette caissière trop lente quand le tic-tic la surprend une nouvelle fois !

Trop fatiguée et excédée, elle ne va pas voir à la fenêtre ce que c’est. Le visage dans les mains, elle pleure. Elle se laisse aller. Personne n’est là pour la regarder se vider de ses larmes. Personne pour la réconforter. Personne pour l’écouter. Personne pour la serrer dans ses bras.

Elle se sent seule, mal-aimée et complètement vidée d’énergie.

Dans sa petite maison qu’elle a héritée d’une tante, elle ne doit pas aller bien loin pour se faire couler un bon bain. Isabelle n’a pas faim. Avant d’aller se coucher, elle va se détendre un peu. Elle vérifie à deux reprises la température de l’eau avant d’y déposer le pied, la jambe puis son corps tout entier. Le parfum lavande de la mousse envahit la pièce. Une chanson revient dans sa tête et la rend nostalgique.  Sa grand-mère lui manque, elle est décédée il y a deux semaines et elle se rend compte, trop tard, qu’elle comptait beaucoup pour elle.

Tic-tic.

Cette fois-ci, impossible à Isabelle d’aller voir ce que c’est que ce bruit. Elle plie les jambes et met sa tête, jusqu’aux oreilles, dans l’eau tiède. Elle n’entend plus rien, elle ne pense à plus rien.

Une demi-heure plus tard, elle sort du bain, complètement relaxée. Elle réussit à oublier cette mauvaise journée et est décidée à passer une bonne soirée, dans son lit, à lire son livre préféré.

Des boules d’ouates dans les oreilles, plus aucune sonorité ne vient titiller sa curiosité. Plus aucune chanson ne vient perturber ses sentiments du moment. Son esprit est tranquille.

Confortablement installée dans son petit lit douillet et chaud, elle commence la lecture de son troisième chapitre quand une petite ombre se détache des tentures mal fermées. Même si la jeune femme ne regarde pas dans cette direction, ses yeux peuvent voir cette chose bouger dans les airs, à proximité de sa fenêtre. Elle change de position et tourne le dos à cette ombre volante.

Elle finit par s’endormir assez rapidement, le livre encore dans les mains.

Le lendemain matin, toujours réfugiée dans ses boules d’ouates, Isabelle n’entend rien du petit bruit. Pas même la sonnerie de son réveil ne l’a éveillée! Elle est presque en retard. Elle doit se dépêcher. Rapidement, elle se douche, s’habille en toute hâte et avale son chocolat d’une traite. De bonne humeur et à l’heure, Isabelle passe une bonne journée et c’est le sourire aux lèvres qu’elle rentre chez elle après une journée de travail.

Tic-tic.

« Est-ce que ce bruit s’arrête quelques fois ? » Se demande Isabelle au fond d’elle-même. A cet instant, elle est bien déterminée à trouver la source de ce bruit qui lui tape sur le système nerveux. Tout en se dirigeant vers la même fenêtre que deux jours plus tôt, elle happe un petit paquet de terreau qui traîne sur l’étagère.

Minou pense que c’est  pour lui. Il se frotte aux mollets d’Isabelle. Il a déjà tout oublié de l’incident de la veille et revient auprès de sa maîtresse tout en ronronnant. Quelques caresses plus tard à Minou, elle ouvre la fenêtre de sa chambre et dispose méticuleusement un lit de terre sur l’appuie de fenêtre et sur le sol. Elle vaporise l’ensemble pour que le tout forme une masse compacte et solide.

– Si quelqu’un passe par-là, il va obligatoirement laisser des traces dans ce terreau humide, dit-elle tout haut.

Bien que cette idée ne semble pas mauvaise, Isabelle a quand même peur du résultat. Et si c’est quelqu’un qui l’épie ? Et si elle découvre des traces de pas ou d’une main ? Elle sourit quand même un peu, elle se croit presque dans un tournage de film policier. Elle a beaucoup d’imagination.

Pour l’aider dans sa psychose, l’ombre volante revient, elle aussi, le soir, avant le coucher du soleil.

Le lendemain matin, le bruit la réveille à nouveau. Elle s’y attendait un peu. Elle patiente quelques instants avant d’ouvrir doucement les rideaux. Elle ne voit toujours rien. Pas même une trace dans la terre !

Au bout d’une semaine, Isabelle n’entend même plus ces bruits. Ses oreilles s’y sont habituées. Son cerveau s’est accoutumé. C’est devenu un bruit familier. Elle a arrêté de se faire des films et même l’ombre ne la perturbe plus.

Mais quinze jours plus tard, ce bruit triple en volume et en durée. Ça devient agaçant et énervant. Impossible pour Isabelle de ne plus y prêter attention.

Elle ne voit toujours rien et elle est sûre que cela ne peut pas provenir de la conduite d’eau un peu trop vieille ou des tuyaux du chauffage car c’est régulier et surtout c’est précis comme une horloge. Chaque matin, c’est à la même heure et chaque soir aussi. Et puis cette ombre, elle appartient quand même à quelqu’un ou à quelque chose, pense tout haut la jeune femme, comme pour s’en convaincre.

Isabelle ressort alors sa vieille caméra. Cet appareil est sans doute vieux mais fonctionne encore. Tout est fin prêt pour enregistrer le coupable de ce bruit et donner un visage à  cette ombre. Elle change l’heure de son réveil pour être là avant que tout cela ne commence.

Dissimulée dans un tissu sombre, la caméra passe totalement inaperçue vue du dehors.

Sans voir quoi que ce soit, Isabelle appuie sur le bouton enregistreur dès que les premiers bruits se font entendre. Au bout de quelques rapides secondes, elle manque de tomber à la renverse tant les bruits deviennent forts et proches.

Par précaution, elle s’est un peu éloignée de la caméra. Elle a pris son coussin entre les bras. La caméra continue d’enregistrer.

Minou, qui est tout près d’elle, entend aussi ce bruit. Sa queue bouge vigoureusement. Il ne quitte pas les yeux de la fenêtre. Un miaulement timide sort de sa gueule fermée. Il est à l’affût. Lui seul connaît l’identité de ces intrus. Ces pépiements, il les reconnaîtrait entre milles. Soudain, le chat ne tient plus en place. D’un bond il saute derrière le rideau, sur l’appuie de fenêtre, et met ses pattes avant contre la vitre. Sa queue chasse toujours aussi sèchement, les mouches invisibles.

Le bruit a disparu. Minou a gagné ! Isabelle est rassurée.

Toujours réfugiée dans son lit, Isabelle rembobine la cassette vidéo. Une main cache ses yeux. Comme quand elle était toute petite, elle ne laisse passer qu’un trait de lumière entre deux doigts, juste assez pour voir un petit bout de ce qu’elle n’ose pas trop regarder.

Puis, après un court laps de temps, un autre bruit, plus étouffé, sort de la bouche de la jeune femme.

La terrible chose qui lui fait si peur et qui intrigue autant Minou n’est rien d’autre qu’une famille de petites mésanges qui vient picorer le mastique de la fenêtre ! Elle enlève la main de sa bouche et rigole plus franchement !