Voix off : au CA des oiseaux diurnes

Voici le 1er texte que j’avais écrit pour la petite fabrique, mais dont je n’avais pas bien lu les consignes (dialogue entre 2 personnes, dont l’une d’entre elle devait être moi, et « ma voix en off »). Grâce à l’une des photos et récit de la prise de vue de Benoit Henrion, j’ai imaginé cette mini histoire :-)

Au CA des oiseaux diurnes

À la réunion annuelle du conseil d’administration des oiseaux diurnes, Corneille junior et Buse, deuxième du nom, se retrouvent.

Corneille et Buse sont des ennemis de toujours. Leurs parents, et les parents de leurs parents se chamaillaient déjà sans cesse.

Aujourd’hui, Corneille junior et Buse deuxième du nom, décident d’essayer de respecter la trêve qui les unis en cette tombée du jour. Une fois par an, tous les oiseaux diurnes se retrouvent pour discuter des soucis qu’ils rencontrent, des changements dans leur territoire, des modifications qu’ils doivent apporter à leur comportement en fonction des réactions des humains, etc. Ils connaissent bien le dicton qui dit que l’union fait la force ou qu’il y a toujours plus dans deux têtes que dans une seule. Donc durant ces deux à trois heures que dureront le conseil, tout le monde est en paix, personne ne vole dans les plumes d’un autre.

Ça, c’est la théorie…

Miss Buse est perchée dans un arbre, sur une grosse branche. Elle regarde l’assemblée des oiseaux et trouve ça merveilleux de ne pas se disputer pendant deux heures. Elle remarque des espèces qu’elle n’avait jamais vues, trouve que le voisin a maigri et que les perruches vertes sont plus nombreuses que l’année dernière.

Tout à coup, Monsieur Corneille arrive devant elle et se perche à une envergure de distance. D’abord, ça irrite dame rapace, puis elle pense à la trêve. Elle décide d’être calme.

La buse : Bien le bonjour Corneille junior, comment te portes-tu aujourd’hui ?

La corneille a le regard malicieux, elle s’est posée à proximité de sa rivale exprès, dans le but de la houspiller. Mais l’oiseau noir joue son jeu et lui répond posément.

La corneille : Mais je vais très bien mon amie, et vous-même, quelles bonnes nouvelles apportez-vous avec cette bise légère ?

« Une bise, une bise !!  Je vais te foutre une bise dont tu te souviendras longtemps crois-moi »

La buse : Mon territoire va, on ne peut mieux. Un nouvel opticien est venu installer ses lunettes et cela fait mes affaires, je ne crains plus de mal voir, d’aussi loin que je sois. Et chez toi, quelles nouvelles ?

« Des nouvelles, tu vas en avoir fripouille. Attends un peu que je te vole dans les plumes pour que tu connaisses les dernières lunettes à la mode : double cocards aux reflets bleus ! »

La corneille : Oh ! Chez nous, notre famille s’agrandit ! Il y a eu beaucoup de petits cette année, et tous sont bien portants grâce aux déchets des humains.

« Miam, miam ! C’est bon à savoir ça, plein de petits cornouillons grassouillets à croquer »

La buse : En effet, c’est bien tout ça. Bon, ce n’est pas que je m’ennuie de ta présence, mais j’attends mes amis.
« … pour te faire la fête, car j’en ai marre que tu me colles aux serres »

La corneille : Je te comprends, moi-même, ma belle et grande famille doit s’impatienter.
« Si tu savais ce qu’on prépare pour toi, mon amie… »

D’autres magnifiques, splendides, photos de buse, toujours sur le blog de Benoit Henrion !!

Une histoire de lapin

Pour rester « dans les lapins », voici une de mes histoires publiée dans mon dernier recueil
L’idée de ce texte m’est venue en regardant les magnifiques photos de Benoit Henrion. Voici celle qui m’a inspirée.

 

C’est l’hiver, il fait froid et il neige.

Madame Valeria a faim. En tournoyant dans le ciel, elle a repéré une tache sombre sur la terre blanche. Cette tache ne bouge pas, mais un délicieux fumet de lapin semble venir d’elle.

— L’avantage avec la neige, dit-elle, c’est que les proies se voient plus facilement.

L’année passée, Madame Valéria a fait une mauvaise expérience. Elle s’était laissé tenter par un animal mort, et après l’avoir mangé, elle avait vite eu mal au ventre. La douleur était très forte, mais heureusement, grâce à des Bipèdes, elle a eu la vie sauve. Ils l’avaient emmené dans un centre où on soignait des animaux comme elle. Et bien qu’elle ne parle pas la langue des Bipèdes, elle avait retenu le son « poison » et avait très vite compris que les gens qui s’occupaient d’elle étaient très fâchés après ce mot.

Depuis ce jour, elle attend toujours un peu avant de fondre sur un cadavre. Elle patiente pour voir si un autre animal, intéressé par cette viande, allait se tordre de douleurs après l’avoir touchée.

— Alors, que font-ils ? Qu’on ne me dise pas qu’à cause de la neige, aucune corneille ne sort de chez elle ou qu’aucun rat n’est tenté par ce festin ? grommelle-t-elle dans son bec.

Une demi-heure plus tard, un gargouillis se fait entendre et Madame Valéria toise son ventre :

— Tu vas avoir à manger, je te le promets, lui répond-elle.

Elle termine à peine sa phrase quand, tout à coup, son ouïe détecte la présence d’un rival.

— Une autre buse ! siffle-t-elle. Elle va me piquer mon lapin !

Aussitôt, elle décolle de son perchoir et se pose non loin du gibier.

L’autre rapace arrive en même temps, et celui-ci, pattes bien tendues, ouvre ses ailes en grand pour s’imposer.

Face à cette posture d’intimidation, Madame Valéria se fait toute petite.

« Vas-y mon coco, goûte-moi ce lapin et dis-moi s’il est bon », ricane-t-elle en son for intérieur.

Madame Valéria réalise soudain que, quelle que soit l’issue de ce combat qui semble inévitable, elle va en ressortir perdante.

— Si ce lapin est bon et que je ne gagne pas le combat, je n’aurai que les restes et si l’autre crie « au poison » ou se plie en deux, je n’aurai rien à manger, l’un comme l’autre, c’est fichu, dit-elle tout bas pour ne pas que l’autre puisse l’entendre.

Les deux oiseaux sont de taille identique, mais son rival semble être en meilleure forme physique, car il n’arrête pas de hurler, ailes ouvertes.

La guerre pour le lapin a commencé. Madame Valéria est impressionnée par la position de force de l’autre. Il siffle, ses yeux sont menaçants et il avance d’une démarche sûre. Elle n’a pas d’autres choix que d’accepter le conflit.

Madame Valéria se ramasse sur elle-même et bondit sur son rival toutes serres tendues. Puis, elle ouvre ses ailes aussi pour garder un meilleur équilibre.

Les deux grands oiseaux ne sont plus que deux masses brunes, mélangées. On reconnaît juste Valéria par son poitrail un peu plus clair, et mis à part ce détail, on pourrait presque les prendre pour des jumeaux.

— Il est à moi ce lapin, va-t-en voleuse, lui crache l’autre en plein visage.

— C’est faux, c’est moi qui l’ai vu en premier !

— Ah oui ? Et pourquoi as-tu attendu que je me pose pour venir ramener ton bec ?

— C’est que…

Valéria n’ose pas lui avouer qu’elle craint qu’il ne soit empoisonné. Alors, elle réfléchit à sa réponse et lui dit :

— En fait, j’avais un peu froid et l’idée de mettre mes pattes dans toute cette neige ne m’encourageait pas à aller le chercher si vite, mais quand tu es arrivée, je ne voulais pas le voir partir sous mes yeux, alors je me suis imposée.

À tout expliquer de la sorte, Valéria baisse sa garde et reçoit un violent coup de patte dans le ventre.

— Ouch ! Quel coup bas ! Je pensais qu’on pouvait trouver un terrain d’entente, mais visiblement, tu n’es pas prêt à écouter ma proposition, lui dit-elle en retrouvant son souffle.

— Que le meilleur gagne, ricane-t-elle.

En un rien de temps, Valéria se retrouve le dos dans la neige avec une serre puissante sur son ventre. Elle croit qu’elle va perdre un œil ou avoir un vilain coup de griffe, mais tout à coup, son rival penche sa tête sur le côté et la regarde d’un drôle d’air.

— Alors, je te plais vue sous cet angle ? lui demande-t-elle en fermant un œil.

Profitant de ce doute, elle se redresse tout aussi soudainement qu’elle était tombée, déstabilisant son adversaire. Celui-ci, de tout son poids, s’enfonce dans la terre et se retrouve avec de la neige jusqu’aux genoux, limitant ainsi fortement ses mouvements.

Ils sont à égalité. Chacun a marqué un point dans cette bagarre de proie.

Valéria, toujours obnubilée par le risque éventuel de poison dans le lapin finit par proposer un arrangement au mâle.

— Écoute, visiblement, tu es plus fort que moi. Je te propose ceci. Tu peux commencer à te servir, mais tu me laisses la moitié. Tu peux choisir les meilleurs morceaux. Je n’ai pas envie de continuer à dépenser de l’énergie dans ce combat par un froid pareil. Qu’en dis-tu ?

— Hum ! Très juste. Tu as bien évalué ton adversaire et tu as entièrement raison. J’accepte ta proposition. Et parce que je suis galant oiseau, je te déposerai le reste du lapin au pied de l’arbre rouge dans la forêt, ainsi tu n’auras plus les pattes gelées.

— Oh ! Quelle délicieuse attention, merci à toi.

Ainsi, Valéria a-t-elle finalement gain de cause. Certes, elle ne va pas pouvoir profiter de la partie la plus tendre du lapin, mais elle sera définitivement fixée quant à la qualité de ce met délicieux. Et vu comment l’autre rapace le dévore goulûment, elle attend impatiemment son morceau. Elle s’en lèche déjà le bec.