Pour la 52ème proposition chez Tisser les Mots, voici mon petit texte, sur le chemin des homonymes… petit clin d’oeil à mes enfants.
Un bar bizarre
Dans un bar pas comme les autres, 3 personnes se querellent :
– Le ciel est trop haut ! clame la serveuse qui ne sait pas voler.
– Mais non, c’est la terre qui est trop basse, lui rétorque le pianiste trop grand qui à force de pianoter sur ses touches a un problème de dos et ne sait plus s’abaisser pour faire ses lacets.
– Vous dites n’importe quoi, s’emporte le barman. Pour moi, rien n’est trop haut, rien n’est trop bas, car le bar est juste à la bonne hauteur !
C’est le petit matin, l’établissement n’a pas encore ouvert ses portes, mais tous les employés sont présents car nous sommes jeudi et tous les jeudis, il y a une petite réunion du personnel avant l’ouverture.
La réunion a mal débuté. A l’ordre du jour, le premier point est consacré à une petite évaluation commune pour chacun des trois employés ; même si le barman est le patron, il fait partie intégrante des employés. Et pour la serveuse, qui a été élevée dans une famille de pingouins, voler de ses propres ailes est tout simplement inconcevable.
-Mes ailes ne sont pas faites pour voler mais pour nager dans l’océan à la recherche de délicieux poissons, rétorque-t-elle en détournant le regard du bar.
Elle n’a pas compris la remarque du barman, son chef, qui lui demandait plus d’initiatives, plus d’autonomie.
Le pianiste n’est pas en reste d’ailleurs.
– Je dois être plus terre à terre ? Mais comment veux-tu que je fasse cela, tout ce qui touche le sol, c’est cette queue qui, cela dit en passant, ne verra plus jamais la couleur d’un soulier car il m’est désormais impossible de m’abaisser, répond-il à son boss qui place la barre trop haut.
Le barman justement lève les yeux au ciel. La réponse de son employé préféré lui arrache un soupir. Il est évident que cette orque est incapable de retomber sur terre vu sa nageoire caudale tordue. D’ailleurs, il se demande où il pouvait bien trouver chaussure à son pied étant donné que chaque partie de sa queue doit bien faire une pointure 85, au moins !
Le patron, bien que respectueux des talents de ses employés, est occupé à se demander si son pianiste sait qu’il ne joue pas sur un piano mais sur une orque, enfin une orgue ! Le barman n’est pas de taille à affronter son musicien, il a trop peur de la réaction de se dernier, car il paraît que le bar est un met fort apprécié chez ces baleines…
Pour couper court sur ce sujet visiblement délicat (ou comment se barrer en douce tout en restant présent afin d’éviter sa propre évaluation) le barman propose de passer au second point qui consiste à créer un nouveau cocktail pour fidéliser sa clientèle du matin.
– Bon, passons l’éponge et revenons à nos moutons, dit-il pour clore le premier point de cette réunion.
Le pingouin et l’orque se regardent : où sont les moutons ? Et que viennent-ils faire ici dans un bar, au littoral ? L’éponge, passe encore, mais les moutons ?
Ils sont encore à se questionner et à regarder de tous côtés quand le bar écrit une nouvelle recette :
Pour une Vague Cru-c’t-assez
– 300 gr de crevettes décortiquées
– 150 ml du rouge d’écrevisse
– 1 pincée de crabe
– 2 pamplemousses
– 1 citron vert
– du fenouil
– du sel, du poivre et de l’huile d’huître
A la lecture des ingrédients, c’est le pianiste qui salive le plus. La serveuse, elle, espère seulement qu’en apportant ce nouveau cocktail, elle n’en pincera pas pour d’autres clients…
