Un texte dans lequel je me suis amusée à mettre le plus d’expressions possibles… cela n’a pas vraiment ni queue ni tête, mais j’ai pris plaisir à l’écrire.
Voyage bizarre
Nu comme un ver, Monsieur Lecoq faisait les cent pas devant la bibliothèque, quand tout à coup, un cri dans la nuit lui donna la chair de poule. Aussi muet qu’une carpe, Auvin Lecoq regarda partout autour de lui pour déterminer la source de ce cri horrible. Ses yeux derrière la tête s’ouvrirent également et scrutèrent l’horizon. Mais il ne vit rien. C’est sur ses pattes de velours qu’il avança discrètement jusqu’à l’entrée de la bibliothèque. Celle-ci, aussi aimable qu’une porte de prison, l’attendait au tournant du premier couloir. Monsieur Lecoq l’évita de justesse et s’en alla par le quatrième chemin. C’est là qu’il vit le rat, propriétaire des lieux. L’animal épiait les moindres faits et gestes des visiteurs nocturnes. Auvin progressa doucement mais sûrement. Petit à petit, ce drôle d’oiseau faisait bien son nid. Il connaissait l’agencement de la bibliothèque sur le bout de ses nombreux doigts. Aucun couloir, aucun recoin n’avait le moindre secret pour lui. Il connaissait les lieux comme sa poche de pantalon qu’il n’avait pas mis aujourd’hui. Aussi agile qu’un serpent, il rampa sur le sol jusqu’à l’allée des romans. Là, il se fit aussi petit qu’une souris. Il était si silencieux qu’on pouvait entendre une mouche voler. Il patienta que le chat, gardien de ce rayon, soit parti pour se faufiler entre les livres. Mais aussitôt le félin parti, Auvin aperçu une dizaine de souris venir de nulle part ! Celles-ci utilisaient l’allée comme une piste de danse et s’éclataient, bougeaient à qui mieux mieux. Ces drôles de rongeurs lui faisaient penser à la ferme qu’il venait de laisser derrière lui, car les souris caquetaient, gloussaient sans arrêt. Si elles continuaient ainsi, elles allaient finir par lui attirer des ennuis, le chat-gardien reviendrait, sans parler du rat-propriétaire ! Auvin était sûr que ce dernier, si on le dérangeait encore une fois, se mêlerait de ses oignons et fermerait définitivement les portes de la bibliothèque aux étranges visiteurs nocturnes. Or, pour lui, c’est l’endroit qui le fait rêver. Avec les livres, il voyage ! Oui, sans jeux de mots, il part à l’aventure rien qu’en lisant !
Monsieur Lecoq était fatigué de ses sorties nocturnes. Il portait sous ses yeux de si grosses valises qu’on croyait chaque fois qu’il partait pour longtemps. Mais de ses voyages, il revenait toujours, avec de plus en plus de sous rires aux lèvres. Oui, sur sa bouche, de petites pièces rondes se dessinaient au fil du temps. Des petites pièces qui riaient à chaque fois qu’on ne leur adressait pas la parole.
Dehors, cinq chats gris veillaient sur la nuit. Auvin, que l’aventure excitait, était déterminé à trouver l’objet rare. Celui qui allait le conduire au septième étage du ciel. Ce livre, unique, qui allait lui en faire voir de toutes les couleurs. Cette histoire qui allait le faire dormir debout sans passer par la frontière des trente-six chandelles. Et pour cela, il était prêt à tout, même à vendre la peau de l’ours qu’il n’avait pas encore tué. Hier, il avait déjà mis à sa main au feu, cela ne l’avait même pas atteint car, sachant que cela le blesserait, il avait joué de lui et avait brûlé sa main de fer, au gant de velours.
Mais tout à coup, alors qu’il se prenait pour une fouine, un dictionnaire tomba de l’étagère et s’écrasa à ses pieds. A un cheveu près, il était raplati, complètement ratatiné, écrasé par des milliers de mots. Avec ses valises, il n’avait pas froid aux yeux. Il en fallait plus pour le décourager. Prenant son courage dans ses deux mains immenses et poilues, il grimpa comme une araignée le long des armoires. Gardant son sang-froid, cet animal étrange buvait chaque histoire des livres grâce à une paille qu’il enfonçait dans chaque reliure. Ces livres, c’était comme du petit lait, il en buvait, buvait, tant et si bien qu’il finit par en être malade. Il avait tant lu et donc tant bu, que son ventre était aussi rond qu’une citrouille. Malgré la quantité de livres ingurgités, Auvin n’était pas repus. Il cherchait toujours chaussure à son pied ou plutôt le livre qui lui ferait prendre son pied. En parlant de pieds, il ne fit pas attention où il grimpait et il les mit carrément dans un plat. Que faisait ce plat de raviolis en haut de l’étagère des contes et fables ? Nul ne le sait. Toujours est-il que Monsieur Lecoq, ses pattes de velours dégoulinant de sauce tomate, glissa et tomba comme un cheveu dans la soupe de cochon du terrible et grand méchant loup. Naturellement, il cria « au loup ! », mais comme il était muet, rien ne sorti de sa bouche et personne ne l’entendit. Comme s’il avait le feu aux fesses, Auvin couru aussi vite qu’il pu et se réfugia dans l’allée des thrillers. Il n’était pas sûr que cela était une bonne idée, mais comme il avait semé la pagaille derrière lui, il ne réfléchissait pas plus. A court d’idées, ne voyant pas plus loin que le bout de son petit nez crochu, il s’installa dans ce rayon et s’écroula de fatigue. Il dormit en chien de fusil, et sombra dans un sommeil aussi profond que celui d’un bébé qui fait ses nuits.
Le hasard fait parfois bien les choses. Vidé de ses forces, Auvin dormit tout le reste de la nuit et une grosse partie de la journée suivante, dissimulé dans les livres. Quand il se réveilla, le soir n’était pas loin et il se trouva coincé entre un chien et un loup. Se secouant comme s’il avait des puces, il glissa de l’étagère. Mais agile comme un singe, il retomba sur ses pattes et pris les jambes à son cou devant l’air féroce du loup qui se tenait devant lui.
