Jeu d’écriture : cadavre exquis

Pourquoi y a-t-il un renne dans la cheminée qui lit un livre sur un pingouin ?

Ce matin-là, Elisabeth faisait une randonnée en forêt avec sa famille. Les feuilles craquaient sous leurs pas, le ciel était grand et bleu, et les oiseaux chantaient, mais Elisabeth, elle, traînait les pieds.

Ses nouvelles chaussures de marche — super chères, super techniques — étaient déjà trop petites. À force de grandir comme un haricot magique, elle avait des cloques partout.

Alors, quand elle aperçut, bien avant les autres, une cabane perchée en haut des arbres, elle se redressa d’un bond et lança :

— Là-haut ! Une cabane !

Sans attendre, elle grimpa à l’échelle grinçante. Arrivée au sommet, elle poussa la trappe et entra.

Première chose qu’elle fit : enlever ses affreuses chaussures.
Deuxième chose : explorer la cabane, curieuse comme une fouine.
Troisième chose : hurler à pleins poumons en courant vers la sortie.

Parce qu’au fond, dans la cheminée de cette étrange cabane… un renne lisait tranquillement un livre sur un pingouin.

Un renne, dans une cheminée, en train de lire.

Et pas n’importe quel livre : “Le guide du pingouin philosophe — Comment glisser dans la vie sans tomber trop fort”.

Elisabeth, affolée, oublia complètement un détail :
La cabane était haut perchée.
Et il fallait descendre par l’échelle.
Ce qu’elle n’avait pas du tout prévu de faire dans l’urgence.

Heureusement…

Une patte puissante la rattrapa par les chevilles, juste au moment où elle allait s’élancer dans le vide.

— Et de quatre ! soupira le renne, tenant Elisabeth à bout de bras comme une chaussette mouillée.

Un pingouin — oui, un pingouin — leva les yeux de son carnet de sudoku.

— Tu devrais vraiment mettre un panneau, dit-il. Genre “Attention : Renne lecteur dans la cheminée”.

— Ou un tapis gonflable en bas, grogna le renne. C’est toujours pareil : ils hurlent, ils courent, ils oublient qu’ils sont en haut.

— Tu es un peu responsable, mon vieux. Qui lit dans une cheminée ? Et en plus des livres sur moi ?

— Laisse-moi tranquille, j’aime le style un peu polaire ou polar. Dis, tu crois qu’elle va encore crier ?

Le pingouin regarda Elisabeth, suspendue tête en bas.

— Pas si tu la remets sur ses pattes tout de suite. Elle devient rouge comme une tomate.

Le renne la reposa doucement sur le plancher de la cabane. Elisabeth reprit son souffle, les yeux ronds comme des cookies.

Puis, sans vraiment savoir pourquoi, elle se mit à fredonner… une drôle de chanson :

Dans sa cabane, un grand renne,
Lisait sur un pingouin zen.
Quand une enfant, sans réfléchir,
Voulut s’enfuir sans atterrir.

Mais le renne, doux et costaud,
L’a rattrapée comme un héros.
Et le pingouin a murmuré :
“Ici, on lit. On ne se quitte jamais apeuré !

Et dans un coin, ses chaussures toutes serrées la regardaient, vexées de ne plus être au centre de l’histoire.

Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux : proposition d’écriture

Bien sûr, je ne pouvais pas ne pas partager ce texte écrit toujours à l’occasion de l’atelier d’écriture de Stéphane Van Hoecke.

Vous remarquerez que j’ai beaucoup écrit sur les problèmes des sens, les handicaps d’absence de vue, d’ouïe ou de voix… c’est que mon extinction de voix de 30 jours a laissé des séquelles psychologiques !

Proposition N°9 : Écrire une histoire avec ce début : Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux

Elle avait des cris d’oiseaux dans les yeux. Emma ne parle pas. Elle est cris et chants d’oiseaux. Emma n’entend pas, elle est silence profond. Emma a quinze ans. Vive comme un moineau. Curieuse comme un rougegorge. Souple comme une mésange et… bavarde comme une pie. L’ado sait lire sur les lèvres des hommes et sur les becs des oiseaux comme personne. Dans ses yeux, une lueur. Une intelligence. Une brillance. La vie ! Une vie éclatante. Bruyante. Détonante.

Étonnante Emma.

Surprenante Emma.

Emma ne fait pas le perroquet, elle ne répète pas, puisqu’elle n’entend pas. Mais, d’une manière inexpliquée, elle pousse des cris, elle chuchote des bruits, elle chante des airs. Emma est un oiseau, dans sa tête. Oui, Emma dans sa prison de son, se trouve libre comme un oiseau quand elle répond en cris, en chants et en pépiements. Libre comme l’air. Libre dans sa tête.

Quand on croise son regard, on y voit les cris des oiseaux ; cri guttural et désagréable de la corneille quand elle croit qu’on l’oublie, pour se rappeler aux autres ; nasillement du canard qui cancane quand elle est de bonne humeur et qu’elle rigole ; un « si si si lu lu lu » de la mésange bien connu quand elle veut partager sa joie ; une sorte de martellement du pivert quand elle est fâchée ou qu’elle est colère. Et bien d’autres encore. Des sons et des bruits, des chants et des cris tantôt pleins de trilles et de mélodies, tantôt rauques, secs ou désagréables.

Tout un répertoire qu’elle a, notre Emma. Tout un répertoire vocal divers et varié. Sa façon de communiquer. Son identité. Sa spécificité. Unique. Magnifique.