Visite habituelle à notre refuge préféré : Animal sans toi…t.

Mi-novembre. Le froid arrive. La prairie des moutons est spacieuse, mais l’entrée commence sérieusement à être boueuse.
Les petits, les grands, les blancs, les bruns, tous les moutons vont être déplacés vers leur abri d’hiver où il fait bon bêler.
On ferme l’ouverture du 2e enclos dans lequel les animaux aiment se réfugier et gambader à l’abri des regards. La remorque est manoeuvrée de façon à ce que la porte colle à l’entrée de l’enclos. Il y a des « trous » sur les côtés, mais les moutons, s’ils sont habiles à nous éviter ne pensent pas toujours à s’échapper par les petits espaces non gardés.


Ils sont une bonne vingtaine, peut-être trente.
Ils sont tous appâtés avec une belle quantité de foin frais. La présidente les appellent, certains par leur prénom. Elle les encourage à la suivre et leur donne à manger. Le foin frais pour les moutons et les chèvres, c’est comme la carotte qui fait avancer un âne. Il suffit d’un seul, un seul mouton doit montrer le chemin, passer la grille et marcher sur la porte de l’engin pour que d’autres le suivent.
La plupart des jeunes sont dans cette première partie. Une petite corde est attachée à leur cou, cela suffit pour les guider vers leur nouvel abri. Un gros mouton brun avec de belles cornes à réussi à s’échapper, le coquin. Il a trouvé la faille, un trou sur le côté. Oh ! Il n’ a pas été bien loin, il a brouté de l’herbe fraiche et a attendu qu’on essaye de le rattraper. Ce que Fabrice a rapidement maîtrisé en le prenant par ses cornes.
Un 2eme et 3e trajet seront nécessaires pour déplacer tout ce petit monde laineux.
Ça bêle et ça court.




Le 2eme groupe met un tout petit plus de temps à monter dans la remorque. À nouveau un tiers des bêtes est acheminé tranquillement un peu plus loin dans le refuge.
Le 3e et dernier groupe est encore là. Il sont sept. Comme les 7 chevreaux dans le conte du loup. Mais nous ne sommes pas des loups, et ça les moutons ne l’ont pas entièrement accepté. À mon avis, ils ont compris. Ils ne sont pas si bêtes. Bon d’accord, ils ne comprennent pas que c’est pour leur bien et pour les mettre au chaud. Mais ils voient bien que ceux qui sont partis, ne reviennent pas.
Il y a une bonne ambiance, pas de stress, pas d’énervement. Beaucoup de patience et gestes attentionnés. Mais après 10 minutes, force est de constater que du renfort est nécessaire. Cinq ou six moutons étaient entrés mais pour vite en ressortir car personne n’était là pour fermer la porte derrière eux. On a vu un petit en resortir aussitôt qu’il était entré, avec du foin dans sa bouche. Un seul est resté à l’intérieur.
3 personnes ne suffisent pas à regrouper et à diriger ce petit troupeau de six moutons désormais, pas dans cette vaste prairie. La présidente appâtait avec la nourriture, Fabrice bloquait une sortie latérale et Véronique la bénévole s’était mise de l’autre côté pour boucher le second trou latéral.

Et malgré 4 paires de bras supplémentaires, nous n’arrivons toujours pas à réduire l’espace et à conduire les 6 moutons dans la bonne direction.
Un long filet orange et solide est alors apporté. Il est grand mais pas assez pour aller d’un bout à l’autre de la prairie. Mais ensemble, on va y arriver !
Zou, un jeune et fin mouton blanc parvient quand même à se glisser sous la barrière qui sépare l’autre partie de la prairie, il a trouvé la bonne planque. Tranquille qu’il est ! Un de moins. On s’occupera de lui en dernier lieu.
Il en reste donc 5. Vingt à trente minutes seront nécessaires pour coincer les cinq têtes, moins une (qui s’est fait avoir ha ! ha !) = 4 dans leur petite cabane en bois. 1, 2 puis 3 y entrent presque spontanément (ils n’ont plus le choix, ils sont encerclés par notre super équipe + le filet). Je reserre le filet en avançant prudemment; le dernier mouton, un brun avec de belles cornes n’a plus le choix non plus : il doit rentrer dans la cabane lui aussi. Vite on ferme la cabane avec le filet solide en guise de porte. Ouf ! Enfin !
Une personne est restée dans le camion avec le 1er mouton, attaché avec une corde et l’autre mouton qui est entré également. Il reste deux cordes.


Deux cordes pour cinq moutons, dont les quatre ici dans la cabane. Heureusement, 2 des 4 ont des cornes. N’oublions pas celui sans corne qui est encore à rattraper et qui se trouve encore dans l’autre prairie. Véro la bénévole attache un « sans corne » avec une corde. Fabrice en porte un dans ses bras ! Et les deux avec cornes… ben on les guidera en les prenant par leurs cornes ! On garde une corde pour le dernier mouton à attrapper à coté. J’aide Fabienne avec un mouton qui a des cornes, chacune de nous tient une corne. Mais le petit est sacrément costaud et puissant. Il est aussi très fâché. Il se cabre, donne des ruades, se dévisse le cou pour tordre nos mains qui tiennent ses cornes. Incroyable, je n’en reviens pas de sa force et de sa détermination. On n’est pas trop de deux pour le maintenir ! Voilà qu’il se couche par terre. Je dois le remettre debout sur pattes et me fâcher à mon tour. Il doit y avoir 20 mètres environ entre la cabane et la remorque. Dans la boue, avec un mouton remonté sur ressorts ! C’est du sport ! Mais on y arrive. Ouf. Il est dedans. Les quatre courreurs de fonds sont dans le camion. Nous avons à peine le temps de souffler qu’il est temps d’aller chercher le petit dernier. Il est rapidement libéré afin qu’l ne se fasse pas mal. Il a maintenant toute la prairie pour lui tout seul. Il s’en donne à cœur joie ! Qu’est-ce qu’il nous fait courir celui-là ! Il nous balade littéralement à gauche, à droite. À droite, à gauche. D’un bout à l’autre de la prairie, en longueur, en largeur. Il tient à nous prouver qu’il est le plus rapide à la course. Et il est têtu. Il croit qu’on n’a pas compris la première fois et il nous le démontre à de multiple reprises, le bougre ! Mais là, je sens qu’on va l’avoir. On est un peu fatigués et notre patience commence à s’étioler. Il doit deviner notre détermination. Il s’arrête. Il juge l’espace libre par lequel se faufiler. Il nous jauge. Il est tout au bout de la prairie. Il est arrêté et j’ai vraiment l’impression qu’il calcule ses chances de passer entre nous. Et puis, là, une étincelle dans son regard. Il pique un superbe sprint du bout de la prairie pour… pour… je n’ose pas y croire… foncer vers la sortie, et monter directement dans la remorque ! À mon tour de piquer un sprint, je suis « la plus proche » de lui, à une quinzaine de mètres. J’hésite un quart de seconde : va-t-il rester dans la remorque avec ses potes ou en ressortir ? Dois-je y aller doucement, prudemment ou à fond ? L’on me crie alors « cours ! cours vite fermer la porte ». Je lâche le filet et… je cours. Le sprint de ma vie, dans la boue, pour refermer le plus vite possible la porte ! Il est dedans. On a réussi… et moi je souffle comme un bœuf ! Je n’ai plus 20 ans.

C’est là qu’on se dit que le refuge devrait avoir un chien de berger. Il aurait été vachement plus efficace et plus rapide que nous. (Rires)
Les photos, ces moutons stars, sont bien du refuge, mais les images ne datent pas d’hier. Elles ont été faites tantôt en été tantôt en hiver, déjà dans leur abri. Entre-temps, certains ont été adoptés, d’autres sont arrivés au refuge.


