Texte numéro 3… à vos commentaires :-)
Sa journée de travail est finie pour aujourd’hui. Isabelle prend un autre chemin que d’habitude car elle accompagne une collègue jusque chez elle. Elles n’habitent pas très loin l’une de l’autre.
Il n’y a pas si longtemps, elle a déménagé et la jeune femme ne connaît pas bien les rues. C’est l’occasion pour elle de faire connaissance avec son nouveau quartier.
A quelques rues de sa nouvelle maison, Isabelle et sa collègue découvrent une habitation abandonnée. Pourtant, si on n’y prête pas trop d’attention, elle ressemble aux autres. Mais à son premier étage, une fenêtre sans châssis avec des restes de tentures brûlées raconte une bien triste histoire.
Isabelle s’arrête et observe cette maison. Le jardin semble avoir été entretenu il y a peu de temps.
– Ca doit être récent. Je me demande ce qui a bien pu se passer, dit-elle à Virginie.
Virginie, sa collègue, n’ose pas trop y prêter attention. Elle n’aime pas se prendre pour un détective. Isabelle, elle, se concentre sur la fenêtre ou plutôt à ce qui pourrait s’y trouver un peu plus loin, au-delà du trou béant. Mais elle ne voit que du noir. Elle distingue à peine le plafond quand, tout à coup, quelque chose de ténébreux fait irruption dans l’obscurité. Elle n’a pas eu le temps de voir ce que c’est.
– C’était quoi ça ? Sûrement un animal. Et si c’était un cambrioleur ?
Alors qu’elle hésite à continuer son exploration, deux petites billes lumineuses se détachent de l’horizon et s’envolent.
– Impossible que ça soit un homme, sauf s’il a des ailes se dit-elle en rigolant. Virginie, tu viens avec moi, je veux voir ce que c’était !
– Heu, tu peux y aller. Je préfère t’attendre ici. Je n’aime pas rentrer chez les gens que je connais pas.
– Mais tu ne risques rien, il n’y a personne. Bon après tout, fais comme tu veux. Si tu restes là, préviens-moi alors si quelqu’un arrive.
Ce quelque chose a piqué sa curiosité. Elle regarde alors autour d’elle : personne. Elle franchit discrètement la barrière en bois. Elle passe l’entrée de la propriété. Son cœur s’accélère quand elle arrive à proximité de l’interdiction de passage qui se trouve sur le panneau. Sa détermination à découvrir ce qu’elle a vu furtivement est plus forte que la crainte d’être surprise à un endroit où elle n’est pas censée se trouver. Elle avance encore de quelques pas et s’installe dans le jardin. Très rapidement elle trouve sa position préférée. Assise en tailleur, elle attend que la chose réapparaisse.
– Et Isa, surtout te presses pas hein !
Dehors, il fait un temps très agréable pour se promener. Il est bientôt dix-sept heures. Le soleil est bas sans pourtant être déjà couché. Isabelle a encore au moins une bonne heure, si pas deux, avant d’être chassée par l’obscurité de la nuit. Elle n’aime pas la nuit. Elle a toujours peur des créatures imaginaires qui sont nées durant sa plus petite enfance et qui ne cessent de la pourchasser jusque dans ses rêves d’adulte ! Mais là, elle se sent bien. Demain, c’est le week-end, elle a tout son temps et n’est pas pressée de rentrer dans sa maison.
Dans sa tête, des mots défilent. Elle cherche à mettre un nom sur ce qu’elle a bien pu voir. Si la chose bizarre qu’elle a vue n’était pas là, elle se serait surprise à chercher la raison pour laquelle cette jolie maison a été abandonnée malgré l’unique pièce, semble-t-il, brûlée. Mais pour l’instant, il y a une autre énigme à résoudre. Obnubilée par son énigme, elle en a complètement oublié sa collègue qui se tient sur le trottoir et qui fait le guet pour elle.
« Je pencherais bien pour un chat. Mais ça semble être plus petit que ça. Une souris ? Non je ne l’aurais même pas remarquée. Et puis il m’a semblée que ça volait ou alors il a des ressorts sur les pattes pour faire des bonds extraordinaires ! »
Ainsi de suite, tout ce à quoi elle pense, est rapidement contredit par sa logique.
Un chat noir, un vrai, la distrait. Il passe non loin d’elle puis s’arrête. L’un et l’autre se regardent. L’animal semble calculer le danger potentiel qu’il risque s’il s’approche de la jeune femme. Isabelle ne bouge toujours pas. Elle pense attirer le minou tout noir. Celui-ci avance de quelques pas puis s’arrête à nouveau quand la silhouette aux contours mal définis réapparaît subitement. Isabelle ne sait pas où donner son attention : à ce chat noir à l’air sympathique ou à l’autre animal qui est dans la maison ?
« Car il doit bien s’agir d’un animal. A part ça, je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre. Même une créature est considérée comme animal, non ? » se pose-t-elle la question à voix haute.
Le chat s’est encore rapproché et il n’est plus qu’à une longueur de bras de la jeune femme.
Juste derrière la haie qui sépare cette maison de la rue, deux petites mésanges volètent bruyamment. Isabelle ne leur prête pas réellement attention.
Un peu plus loin, dans le jardin, une poignée de moineaux pépie à tue-tête. Ils semblent familiers car aucun ne semble réagir à la présence d’Isabelle ni au petit manège du chat. En effet, devant elle, le félin noir s’est couché de tout son long. La tête face au ciel rosé, ses yeux se sont fermés. Sa bouche s’est entre-ouverte brièvement mais aucun son n’est sorti de la gueule de l’animal. Un miaulement muet qui pourrait dire mille et une choses. Isabelle sourit. Il ressemble un peu à son Minou sauf que le sien a une petite tache blanche sous le menton.
Soudain, un son étrange sort de la pièce accidentée, au premier étage de la maison abandonnée. Isabelle fixe la fenêtre fantôme.
Le chat s’est redressé d’un bond, ses oreilles dirigées vers la source du bruit.
Puis, plus rien. Le calme est revenu aussi rapidement qu’il a été brisé. Les mésanges se reposent et les moineaux font silence. Mais le bruit revient et se fait de plus en plus fort, de plus en plus précis.
Isabelle hésite. Dans son enfance, elle a déjà entendu ça. Elle était une toute petite fille mais elle se souvient très bien de la frayeur qui l’habitait alors. Elle devait avoir cinq ou six ans. Elle était en vacances chez son oncle, à une centaine de kilomètres de ses parents. C’était la première fois qu’elle dormait ailleurs et elle avait peur de cette séparation. Mais sa maman était très malade et elle devait bien se soigner pour vite guérir. Dans la maison de l’oncle Thomas, le plancher en bois craquait à chaque pas que l’on faisait. Les fenêtres vibraient à chaque passage d’avion et les portes s’ouvraient au moindre courant d’air. C’était une vieille cabane, perdue au fond des bois, mais les alentours étaient splendides. Tous les jours elle avait droit à une balade dans la forêt ou à une promenade en barque sur le Lac des Ancêtres. Mais un jour, un immense oiseau avait traversé la vitre du living. Dans un fracas assourdissant, l’animal emplumé s’était remis sur patte très rapidement. Il était indemne. Avec cette incroyable histoire, ce qui avait le plus surpris la petite fille, c’était que l’oiseau croassait d’une manière terrible. Il hurlait et faisait aller sa tête de bas en haut à chaque cri qu’il poussait. La voix du corbeau était grave et rauque. Son plumage était aussi noir que du charbon et personne n’osait l’approcher. Même le regard du corvidé était obscur. Isabelle croyait que l’oiseau allait voler jusqu’à elle rien que pour transpercer ses yeux. Ni son oncle, ni elle n’a jamais su pourquoi le grand corbeau avait atterrit chez eux mais cette aventure avait marqué à tout jamais la mémoire de la petite Isabelle.
– « Ce bruit, ce cri, cette raucité dans la voix… il est revenu pour moi ! Mais comment m’a-t-il trouvée ? Comment est-il encore vivant après toutes ces années ? » Les questions se bousculent dans sa tête. Sa terreur est telle qu’elle est tétanisée et incapable de faire le moindre mouvement pour s’en aller loin de là.
Alors qu’elle est paralysée, le chat noir, rapide comme l’éclair, bondit dans le lierre accroché au mur de la maison. L’agilité des chats n’est plus à prouver, c’est connu. Aussi souple qu’un serpent, aussi fort qu’un lion, il grimpe sur le mur et pénètre dans la maison, par la fenêtre inexistante. On devine aisément la poursuite qui s’engage puis la bagarre qui s’annonce. Le grognement du chat n’arrive pas à couvrir la voix de la bête qu’il affronte.
Soudain, un oiseau aussi noir que la nuit et aux larges ailes s’envole par la fenêtre en poussant des hurlements effroyables.
Penaud et fier comme un paon, le chat ressort de la maison en se dandinant lentement, la queue dressée bien droite. Il vient se frotter au dos d’Isabelle, comme pour la rassurer. Isabelle se calme, caresse le chat et se promet de ne plus jamais franchir un endroit interdit.
– ça va comme tu veux, Isa ? Tu as une de ces têtes ! Tu devrais te voir dans un miroir. T’as vu un fantôme ?
– Un peu, oui. Virginie, la prochaine fois, je ferai comme toi. Plus jamais je n’irai dans un endroit que je connais pas !

Il y a, normalement, une boîte en carton presque vide de petits morceaux de bois pour attiser le feu du barbecue. Isabelle ne distingue pas très bien la boîte mais imagine sa forme. Elle est dissimulée par tout un tas de feuilles mortes ! La jeune femme tente une nouvelle approche mais son pied glisse dans quelque chose qui ressemble à de la boue. Sauf que ce n’est pas de la boue ! C’est plus foncé et…
Tic-tic.
Sans voir quoi que ce soit, Isabelle appuie sur le bouton enregistreur dès que les premiers bruits se font entendre. Au bout de quelques rapides secondes, elle manque de tomber à la renverse tant les bruits deviennent forts et proches.
Bouba qui a vent de cette histoire par les demoiselles les pies, se promet de faire quelque chose pour aider ce pauvre petit garçon.