C’était un damier. Une mouche à damier. Elle était. Elle ne l’est plus.
Fenêtres grandes ouvertes dès le lever du soleil. C’est l’été. Il fait beau. Temps idéal pour les mouches. Les petites, les grosses, les noires, les brunes, les noires et blanches.
Trente degrés annoncés. À l’ombre.
Les chats et moi — et comme moi, des milliers d’êtres vivants — on n’aime pas les fortes chaleurs. Trop, c’est trop.
Fenêtres grandes ouvertes, donc. Une grosse mouche en a profité. Elle est entrée. Elle a regretté.
Il fait plus chaud dedans que dehors. L’effet serre, version deux-pièces. Elle cherche une sortie. Mais voilà, quelques jours plus tôt, le laveur de vitres est passé. Travail d’orfèvre. Les vitres sont transparentes. Trop transparentes.
Bzzz bzzz bz. Toc. Toc. Toc.
La mouche vole et se cogne.
Et recogne.
Et recommence.
Le bruit de sa vie — un petit bourdonnement entêté entre deux baffes contre la vitre — réveille une curiosité féline.
Le chat.
Héra.
Tricolore, caractère affirmé, peste du matin, chipie à temps partiel, emmerdeuse à temps plein.
Et surtout : tueuse de mouches certifiée. Spécialité : voltige intérieure.
La mouche, têtue comme un bouchon, s’obstine. Elle croit sans doute à un super-pouvoir. Invisibility mode on. Ou alors un don de phase traversante. Elle cogne, cogne, cogne encore.
Elle ne voit pas Héra.
Erreur fatale.
Bzzz bzzz bz. Et soudain, plus rien.
Plus de toc-toc.
À la place : un chaos félin.
Sauts. Bonds. Salto avant. Cumulet. Appuis muraux, demi-pirouettes.
Héra entre en scène. À 7h45. Dimanche matin. Le monde dort ? Pas grave. Elle va le réveiller. Une mouche, c’est une affaire sérieuse.
Et là, la détente. Phénoménale. Le chat claque les deux pattes avant contre la vitre (propre, toujours). La mouche est prise en sandwich.
Mais ! Contorsion de l’extrême !
Elle passe entre les pattes.
Héra frotte la vitre comme si elle tentait de percer un tunnel vers la Suisse. Elle récupère la bestiole, qui s’écrase au sol. Légèrement sonnée.
Hop ! D’un coup de langue, la mouche est happée. La gueule de Héra mâche, mâche, mâche… puis recrache.
Pas à son goût. Trop croustillant ? Pas assez de sauce ?
La mouche, toujours vivante, trotte, claudique, mais trotte. Six pattes, un peu bancales, mais en service. Elle s’éloigne du monstre à poils. Et décolle !
Oui, oui, elle vole. Pas très haut, pas très droit, mais elle vole.
Héra, motivée comme jamais, redéploie tout son arsenal.
Chasse express. Capture nette. Hop, en bouche.
Et… beurk.
Recrache. Encore.
Mais cette fois, la mouche ne bouge plus. Six pattes en l’air. Fin de la mission.
C’était la courte histoire d’une vie, et d’une mort, d’une mouche damier.

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Superbement raconté !
Pauvre mouche…
Héra a fauché sa vie.
Bisous Cécile et bon mardi
Des caresses à tes félinous
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Oh bravo très palpitante ton histoire j’ai adoré, Giordano lui s’en fiche des mouches et Woopy lui ne les voies plus guère avec sa vue qui s’éteint peu à peu!!Moi par contre je suis armée de ma tapette une dans chaque pièce..Et vlan un autocollant sur la fenêtre berg! Bisous
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