Cadavre exquis individuel, jeu littéraire

Cadavre exquis ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Je vous invite à aller lire ce chouette billet du site « il était une fois« , pour découvrir d’où il vient, par qui il a été imaginé, et toutes ses formes possible et imaginable.

Pour rappel, c’est ce jeu d’écriture que j’ai découvert vers 15-16 ans, au cours de français à l’école secondaire, qui a été le déclencheur pour l’écriture créative. Nous étions une vingtaine en classe, chaque rangée de bancs devait donner une partie de phrase, pour, à la fin, avoir une bien étrange phrase. Nous avions eu comme sujet de rédaction : Un miroir sème gaiment une carte sale. Ma première belle note dans ce cours m’a valu la lecture à voix haute devant toute la classe (timidité et fierté se partageaient mes joues rouges cramoisies).

Hier, je suis allée à un atelier d’écriture chez Milady Renoir (clic). La première proposition d’écriture allait de pair avec le partage de qui nous sommes. Nous étions sept. Sept femmes à nous présenter d’une manière tout à fait originale. Je ne vais pas vous expliquer en détails comment on a fait. Sachez juste que c’est à cette occasion que j’ai découvert le mot et la pratique particulière de la bibliomancie. Je vous laisse l’envie ou non d’aller découvrir ce que c’est que ça :-)

Je joue donc sur cette nouveauté pour vous proposer un jeu d’écriture à faire chez vous. Un cadavre exquis individuel combiné à la bibliomancie. Pour ce faire, voici comment je procède chez moi.

  1. Je prends un livre que j’aime bien (le mien : « contes et légendes du Japon », anthologie éditée par les éditions J. A. Création, livre reçu à Noël par mon amoureux)
  2. Je pense très fort (vous pouvez le dire à voix haute) à cette question : quel est le sujet de ma prochaine histoire. Pendant que je pense très fort à cette question, j’ouvre le livre au hasard, les yeux fermés, et je dépose mon doigt sur une des deux pages. Voilà, mon doigt a désigné mon sujet : un vieillard. Si votre doigt se situe sur du « blanc », sans texte ou sur un verbe, prenez la première personne, prénom, homme, femme, enfant, animal, « vivant » avant ou après cet endroit. Ou refermez le livre et faites un nouveau choix au hasard.
  3. Comment est mon sujet ? Je referme le livre et j’interroge le livre – toujours les yeux fermés – en posant ma main dessus : « comment est ce vieillard ? ». Au hasard, j’ouvre le livre, je choisi une page et mon doigt montre le complément du sujet : diaphane
  4. Que fait mon personnage ? Pareil, je pense très fort à une action que mon malheureux vieillard pourrait faire, je ferme les yeux et mon doigt choisi au hasard le verbe d’action : ouvrir
  5. Je détaille l’action : en se délectant
  6. Un objet, un nom commun. Encore une fois, yeux fermés, livre fermés entre mes mains, je pense très fort à la question et mon doigt choisi au hasard le mot : un parapluie
  7. Je mets les mots trouvés au hasard dans l’ordre d’apparition et j’obtiens cette phrase : Un vieillard diaphane ouvre en se délectant un parapluie.

J’écris à partir de cette phrase. Voici mon texte écrit en moins de trente minutes :

Le vieillard avait la peau diaphane, de son visage à ses orteils nus dans ses sandales de bois de piètre qualité, il était blanc. Blanc transparent. On eut dit un fantôme. Pour peu, je pourrais presque le croire. Caché derrière un buisson, je l’observais. Ce vieillard, je l’avais déjà croisé la veille et l’avant-veille. Il traînait près des cuisines des restaurants, la bave aux lèvres, espérant pouvoir remplir sa panse de quelques déchets délaissés par des plus riches que lui. Il faut croire qu’il n’était pas chanceux au vu de la couleur de sa peau et de sa maigreur à faire peur. J’étais ici chez ma tante. J’y passais les vacances de Noël avant la rentrée scolaire. Ma oba tenait une petite boutique de souvenirs pour les touristes. Nous logeons à l’étage. Ce vieillard, m’avait réveillé très tôt le matin, il y a deux jours. Il fouillait nos poubelles et faisait même peur aux chats, habitués des restes. Sa couleur m’a immédiatement fait peur. J’avais vraiment cru qu’il s’agissait d’un fantôme ! Mais je suis grand et je ne crois presque plus aux fantômes. Juste aux Yokaï. Quelques fois. Pas tout le temps. Comme nous n’avions que peu de restes de nourriture, je savais qu’il allait voir ailleurs, préférant les petites restaurations. Ce vieillard diaphane me faisait quand même de la peine. Personne d’aussi âgé ne devrait vivre dehors, par ce froid. Si ce n’est pas de faim, ce sera de froid qu’il mourra. Et ça, je ne le permettrai pas. Le soir, je rentrai chez ma oba et lui demandai si personne n’avait cassé d’objet aujourd’hui.

– Hélas, si ! me dit-elle en pointant du doigt un petit parapluie dans la poubelle de son bureau. Un couple d’européen a voulu l’essayer, ne croyant pas à sa solidité malgré son poids. Ils l’ont ouvert et fermé un nombre incalculable de fois et bien sûr, à la vingtième ou trentième fois, le mécanisme a flanché et il ne s’ouvrait plus. Je demanderai à ton père s’il peut le réparer, mais j’en doute.

Saisissant cette opportunité, je lui demandai si je pouvais essayer de le réparer moi-même et au quel cas je n’y arrivais pas, si je pouvais quand même le donner à une personne qui n’en a pas encore un seul et qui serait sûrement content d’en avoir un, même cassé.

– Si cela te fait plaisir mon chéri, me dit-elle en ébouriffant mes cheveux. Tu as un grand cœur, c’est bien. Gentil garçon.

Bien sûr, je n’essayai pas bien longtemps de le réparer. Le mécanisme était vraiment trop complexe pour moi. Aussi, je le laissai bien en évidence devant nos poubelles. Mais avant de le laisser là, j’y glissai quelques dango, ces friandises spéciales faite de pâte de riz transformée en poudre de mochi. Ce n’était pas grand chose, mais c’était mieux que rien.

En fin de nuit, j’entendis son pas traînant non loin. Avec cette pleine lune, sa peau se reflétait comme la lune sur un lac tranquille. Je craignais presque voir l’intérieur de son corps. Comme il semblait s’en aller, j’imitai le sifflement d’un oiseau pour l’attirer. Il avait une bonne ouïe et s’approcha aussitôt de l’arrière de notre maison, en boitant légèrement. Du premier étage où j’étais, je pouvais voir la bave couler de ses lèvres à l’annonce du maigre festin qu’il allait se faire. Le vieillard diaphane ouvrit en se délectant le parapluie. Et là ! Oh ! Miracle. Les dango s’étaient multipliés, il y en avait des gros, des très gros et en quantité invraisemblable ! C’était de la magie, à tous les coups ! Le vieillard en mangea quelques uns, en mis d’autres dans les poches de son vêtement troué et embarqua le parapluie. Là, un autre miracle se produisit. L’homme ouvrit le parapluie qui lui répondit du premier coup de pression du pouce sur le bouton. Il s’ouvrir correctement puis se referma tout aussi bien. Quand il l’ouvrit une seconde fois, d’autres dango plurent sur lui ! Il s’en amusa, mais sans en abuser. En tournant la tête à gauche puis à droite pour s’assurer que personne ne l’avait vu, il s’encouru comme il le pouvait, le parapluie sous le bras, semant de-ci de-là quelques friandises sur son chemin.


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Auteur : ecrimagine

La lecture, l'écriture, la photographie et l'observation de la nature, sont pour moi de bonnes sources d'apaisement, de relaxation, d'imagination, d'évasion, de partage, de découverte,...

Une réflexion sur « Cadavre exquis individuel, jeu littéraire »

  1. J’ai beaucoup aimé ton histoire avec ce pauvre vieillard qui va pouvoir manger à sa faim grâce aux friandises qui se multiplient dans ce parapluie réparé et miraculeux.
    Quant aux jeu du cadavre exquis, j’y ai beaucoup joué adolescente avec mes copines lorsque je les invitais à mes goûters d’anniversaire…
    Bon dernier lundi de 2024.
    Bises chère Cécile et des caresses à ta petite tribu féline

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