Lecture en cours : La mystérieuse bibliothèque de Blackwood Abbey, de Hester Fox.
1927, une jeune femme a perdu son père et son frère durant la guerre. Peu de temps après, sa mère la quitte à son tour des suites de La grippe. La voilà toute seule, sans argent ni travail. Pauvre, elle partage avec une amie un logement ridicule et qu’on qualifierait d’insalubre aujourd’hui.
Un jour, elle reçoit le courrier d’un notaire lui demandant de se rendre à son étude dans le cadre d’une succession. Elle s’y rend avec la ferme intention de faire comprendre qu’il y a dû y avoir erreur sur la personne. Devant le notaire, la jeune femme réalise qu’il n’y a point de malentendu, elle est l’unique héritière d’un lointain cousin de son défunt père. La voilà désormais devenue riche. Sans connaître les détails du testament de ce lord, la jeune femme se voit obligée de déménager pour aller vivre dans cette abbaye, en pleine campagne, à l’autre bout de l’Angleterre.
Que feriez-vous si vous apprenez être l’unique héritière, l’unique héritier d’un lointain et riche cousin ?
Mon histoire (ma version)
Année 2024
Aujourd’hui, j’ai reçu l’email d’un notaire. Un lointain cousin de mon grand-père paternel me lègue sa fortune. Je ne connais pas ce lointain cousin, comme je ne connais pas mon grand-père paternel. D’ailleurs, je ne connais aucun de mes quatre grands-parents. C’est dommage. C’est tant mieux. Les avis divergent. Moi, je vis au présent et je m’y suis habituée.
Au présent, un présent, un cadeau, une surprise. D’habitude, je n’aime pas les cadeaux, mais j’adore les surprises. Celle-ci est de taille. Pourquoi moi ? Pourquoi pas mon frère, qui est mon aîné. Pourquoi pas nous deux ? Je l’ignore. J’aurai sans doute réponse à certaines de mes questions si je réponds au notaire.
Si j’accepte l’héritage, j’accepte aussi les dettes. Mais je suppose que cela serait mentionné. Je relis l’email. Il est bref. Il m’invite juste à prendre contact avec le notaire et à venir sur place, dans son étude, à cinquante kilomètres de mon domicile, pour la lecture du testament. Et les détails de l’héritage.
Ma première réaction, quand même, a été de chercher sur le net ce lointain parent. Je veux en savoir plus sur lui, même s’il n’est plus de ce monde. Hélas, je n’ai rien trouvé. Il est décédé à l’âge respectable de 98 ans. J’espère pouvoir vivre jusque là, sans souffrance ou maladie grave.
J’habite en Belgique. C’est un petit pays. J’avoue ne jamais avoir été plus curieuse que ça concernant ma famille. Il faut dire que les histoires d’enfance de mes deux parents ne sont pas joyeuses et cela ne m’encourageait guère à faire des recherches. La donne a changé. J’ai, quelque part, des membres de « ma » famille qui sont près de moi point de vue géographique. Près de moi et riches si j’en crois le message du notaire. J’ai en effet la faculté de savoir lire entre les lignes, même dans les messages électroniques, même quand ceux-ci sont aussi bref que ces cinq phrases, formule de politesse incluse.
N’étant pas née avec une cuillère d’argent en bouche, j’ai dû, tout comme mes parents et mon frère, faire mes preuves dans le monde du travail pour pouvoir toucher un salaire. Pas de bol pour moi, je suis attirée par les jobs sociaux; il n’y a jamais d’argent dans ce domaine. Je travaille à temps plein et je touche à peine plus que le chômage. J’ai de quoi payer le loyer, les factures indispensables et me nourrir deux, parfois trois fois par jour. Heureusement que mes loisirs sont modestes et que je n’ai pas besoin de grand-chose pour m’épanouir personnellement.
Que vais-je bien pouvoir faire avec cet héritage tombé du ciel ? Je ne sais pas, pas encore, combien exactement je vais toucher. J’adore faire des listes. Alors, je m’imagine des montants, d’abord petits puis de plus en plus grands. Sous chaque chiffre, une liste en sept points. Parce que le chiffre 7 est mon préféré, mon porte-bonheur.
Pas de bol. Si je ne manque pas d’imagination quand j’écris des histoires pour les enfants, j’ai de grosses lacunes quand il s’agit de me projeter et de « demander » des choses : cadeaux, objets, lieux de vacances, bijoux, … ça ne m’intéresse pas trop. Je n’ai jamais osé m’imaginer espérer beaucoup, par crainte de tomber de haut, d’essuyer des déceptions en série. Mais, mais, il y a quand même bien quelque chose qui fait partie de mes rêves. Un rêve d’enfant on peut dire. Un rêve qui continue à nourrir mes songes certaines nuits paisibles. Une maison. Avoir une maison à moi, loin d’une grande ville. Une maison isolée, avec jardin, arbres fruitiers et espace potager. Une maison pas très grande, mais avec un espace bureau avec plein de vitres. Une véranda qui donnerait sur une forêt ou sur la partie la plus sauvage du jardin.
D’une main tremblante, j’écris dans mon carnet de projets. Sur cette nouvelle page consacrée à cet héritage mystérieux. Sous un point d’interrogation suivi du sigle de l’Euro, je trace :
- propriétaire d’une maison 4 façades avec jardin et véranda, à la campagne
Mon stylo plume glisse sur le papier lisse. Je m’applique à bien écrire. Puis, je me mets à rêver. Je fais un plan un peu bancal, car je n’ai ni les notions de perspectives ni le compas dans l’oeil, je place ma chambre, la cuisine avec tout son équipement, la salle d’eau, une bibliothèque et bien sûr, mon bureau. Mon bureau dans la véranda. Je ne suis pas très douée en dessin, mais me projeter dans ce rêve me fait sourire. Je ne pense à rien d’autres.
Une demi-heure plus tard, je réponds au notaire par email. Je serai là au rendez-vous proposé. C’est dans dix jours. Un mardi matin, à 10h30.
Ma vie est tracée, presque au millimètre. Elle se joue comme du papier à musique. J’ai mes rituels, mes habitudes, mon train-train quotidien parsemé de quelques imprévus non méchants.
Les dix jours passent vite. Je m’apprête quand même avec un peu de soin pour mon rendez-vous. Je remonte ma montre mécanique que je ne porte que trop rarement, cadeau de mon amoureux. Aujourd’hui, il fait gris. Dehors, le ciel est menaçant. J’ai donc mis un bracelet gris souris. Et j’ai adapté mes vêtements à ce ton grisonnant. Pantalon noir, chemisier gris avec un col blanc, petite veste grise, chaussures simples, sans talons, confortables, noires. Je ne mets pas de bijou, la montre est l’exception. Je pars bien tôt, histoire de prévoir les embouteillages et le parking rare ou éloigné. J’ai pris mon parapluie coloré. Pour faire un pied de nez au ciel chargé.
Il est 10h15 quand je sonne à l’étude. L’ouverture automatique de la porte me saisit par son bruit métallique, presque agressif. La secrétaire m’indique la salle d’attente. J’aime lire, aussi je regarde la bibliothèque et lis chaque titre qui passe sous mon regard curieux. Quand j’en ai fait le tour, je m’assieds. Face à la porte. Je ne tourne jamais le dos à une porte ou à une fenêtre. A l’heure pile, enfin à la demie tapante de dix heures, le notaire vient me chercher. Après les formules de politesse habituelle, il me tend une enveloppe. C’est la copie du testament de mon lointain parent. Il en fait la lecture à voix haute. Je ne dois pas l’interrompre, j’aurai tout le loisir de poser toutes les questions que je veux, juste après. Le testament est long ! Il doit faire deux pages, recto verso. Il a été écrit entièrement à la main. On parle d’un testament olographe. Il est valable et ne doit pas être nécessairement enregistré chez un notaire, même si c’est quand même plus sûr. S’il est daté et signé, il est valable.
Le temps s’écoule sans me rendre des comptes. Il passe comme d’habitude, ni plus vite ni moins vite. Je le trouve lent quand il s’agit de blabla qui ne m’intéresse pas, je le trouve rapide quand je comprends que les passages cités me concernent.
Je peux suivre le testament sur la copie que j’ai reçue. Ainsi, si je ne saisis pas bien un mot, je peux tâcher de le déchiffrer dans le papier tremblant entre mes mains. Je ne dois rien déchiffrer. L’écriture est parfaitement lisible. Une écriture que j’aime, que j’admire. Avec des barres montantes droites, des boucles descendantes parfaitement équilibrées, ni trop grandes ni trop serrées. Aucune fioriture. Une écriture que j’aimerais bien avoir.
Je n’ose pas lire trop loin. Je n’ose pas m’arrêter sur un mot qui a déjà été prononcé. J’avance au rythme de la voix grave et sûre du notaire.
Je ne toucherai pas un euro. Pas un centime. Non. Mais j’hérite de la maison de vacances. Elle est toute pour moi. Entièrement pour moi. Rien qu’à moi.
– Ce n’est qu’un petit cottage, plutôt un chalet, à la mer du Nord, mais il a tout son charme. Personne ne le veut pour la simple raison que la famille proche estime que cette cabane ne vaut pas un clou. Ce sont leurs paroles, pas la mienne. C’est le petit-fils de Léonard qui s’est amusé à faire des recherches sur la famille éloignée. Il est passionné d’histoire et de généalogie et s’il déteste l’air marin, il s’est dit qu’il trouverait peut-être quelqu’un à qui faire plaisir. Et il vous a trouvé ! N’est-ce pas formidable ?
Je ne peux retenir mes larmes. Je vais avoir une maison. Une petite maison rien qu’à moi, rien que pour moi. La mer, ce n’est pas la campagne, mais la mer, je m’y rends au moins deux fois par an pour me ressourcer par l’iode. Un long week-end et une semaine pour me relaxer. Je veux me pincer pour être certaine que ce que je vis là en cet instant est bien la réalité. Je ne serai sûrement pas la première à faire ce geste d’auto-agression, le notaire doit en avoir l’habitude.
– La seule obligation, si vous acceptez cet héritage, est que vous habitiez le cottage. Que vous en fassiez votre résidence principale.
« Tout de suite ! Je signe où ? Quand puis-je emménager ? »
Tout le reste n’a plus d’importance. Je n’entends pas vraiment les avertissements ni les conseils du gentil notaire. J’ai déjà replié la copie du testament et l’ai glissée dans son enveloppe. Je signe l’acte, je hoche de la tête avec un sourire béat sur les lèvres. Je suis sur et dans un petit nuage. Je me sens légère. Je me sens heureuse. Je suis heureuse.
De retour chez moi, je n’ai cesse de m’imaginer ma prochaine vie. Ma nouvelle vie. Puis, petit à petit, la réalité revient à moi. Habiter à la mer du nord. Déménager. Démissionner. Changer de travail. Trouver un nouveau travail. Et mes chats ? Et mes enfants. Et mon amoureux ? Qu’en faire. Que faire ? Les emmener ? Leur faire aussi changer de vie. Changer d’école. Changer d’avenir ?Tout à coup, cette joyeuse perspective d’être propriétaire d’un petit cottage à la mer a comme un goût amer. Acide. Brûlant. Angoissant.
En savoir plus sur Écrimagine
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Oh quelle bonne idée Béa : ouvrir un refuge pour chats ! Tu ne manqueras malheureusement pas de travail. Et je viendrais jusque chez toi pour te donner un coup de patte :-)
Cela peut aussi donner une idée de réflexion : si je reçois une grosse somme d’argent, qu’est-ce que j’en ferais ? Mon beau-frère m’informe justement ce jour qu’il y a une énorme somme à gagner au jeu « Euro million ». J’avoue n’y avoir jamais joué. Je n’aime pas les jeux d’argent.
Bonne soirée Béa, faisons de beaux rêves et aidons nos amis les animaux à être moins malheureux.
J’aimeJ’aime
Quel beau récit !
Quel héritage cette maison au bord de la mer ! Mais ce n’est peut-être pas si bien que ça…
Il aurait peut-être mieux valu avoir un peu d’argent…
Et si j’héritais d’une grosse somme, je sais très bien ce que j’en ferais… Il servirait à aider les animaux errants et abandonnés… J’ouvrirais un refuge pour chats !
Bises Cécile et bon dimanche
J’aimeAimé par 1 personne