Écrire en pleine conscience avec ses sens en éveil

Ou comment partager une tranche de vie de manière plus… comment dire ? Plus poétique ? Plus émotionnelle ? Plus émerveillée ? Plus en lien ?

Ce matin, très très tôt, j’ai pu prendre du recul avec le monde qui m’entoure. J’ai pu faire un saut dans le passé. Oui, dans le passé. Le temps que j’écrive ce que je « ressentais », ce que je « voyais » en repensant simplement à un moment précis, hier soir.

En réalité, nous faisons toutes et tous cela : un saut dans le passé en évoquant des souvenirs, un saut dans le futur en imaginant l’avenir.

Depuis peu, j’essaie de profiter chaque jour de l’instant présent. Et petit à petit, j’y arrive !

Avant-hier, dans la fin de l’après-midi, j’étais là au bon endroit, au bon moment. C’est-à-dire chez moi, assise au salon, dans le fauteuil une place placé face à la fenêtre. Je ne faisais rien de spécial. J’ai du mal à « ne rien faire ». En réalité, je naviguais sur mon téléphone dans le dossier « photos » et je supprimais, et je regardais, et je recadrais et je classais… En réfléchissant à mes collages créatifs et expressifs, je lève la tête un instant et je vois. Je me doutais qu’il devait apparaître. Je l’avais dit quelques minutes plus tôt à mon fils : avec cette pluie et ce soleil, on devrait voir un joli arc-en-ciel. Je n’ai pas réfléchi longtemps avant d’abandonner mon activité, de me lever, de sortir mon appareil photo, d’ouvrir la fenêtre de mon salon et de capturer ces couleurs du bonheur, cette magie impalpable, cette vue que nous aimons toutes et tous.

Et puis hier soir, j’ai encore vécu un présent, un cadeau de la nature. Encore une fois, j’étais dans mon salon, dans ce fauteuil à une place placé face à la fenêtre.

3 novembre 2021. Bientôt 21h. C’est déjà la nuit. J’entends la pluie frapper le sol dans la rue, les gouttes s’écraser sur le toit de ma voiture garée devant la maison. Sur les fenêtres du salon double vitrage, c’est le silence. Le lampadaire sur le trottoir éclaire le bitume et le métal des voitures d’une lumière jaunâtre, fausse, humide de nuages trop lourds.

Au salon, ma pièce préférée pour son usage multiple, son confort et sa créativité foisonnante, je m’installe en tailleur dans le fauteuil à une place. Ma position change rapidement pour me sentir plus à l’aise. Le dos contre un accoudoir, les fesses parallèles à ce dernier sur le coussin d’assise et les jambes par-dessus l’autre accoudoir, je me glisse dans ce mobilier vieux de plus de 12 ans, dont le tissu est recouvert d’un plaid tout doux.

Et j’ouvre mon livre. Lecture du soir, rituel habituel, quotidien, pour me préparer à une nuit rapide peuplée de songes extraordinaires, bizarres, angoissants ou merveilleux.

Le livre, mon trésor, mon voyage, mon ami. Malgré sa taille et son volume plutôt imposant pour mes doigts remplis d’arthroses avancée, n’est pas trop lourd entre mes mains. Le papier est léger, d’un blanc cassé qui ne me fait pas mal aux yeux. Lecture agréable d’une histoire pour enfants remplie de magie. Un livre que j’ai trouvé dans une grande librairie au rayon jeunesse au centre de ma ville. Un livre, une histoire que je ne cherchais pas à avoir. Ce jour-là, frustrée de ne pas avoir pu aller flâner dans une autre boutique de livres, spécialisée dans les bandes-dessinées et les mangas neufs et d’occasion qui était fermée pour cause d’inventaire, j’ai dépensé sans compter dans ce magasin reconnu de la ville et bien au-delà.

Je lis ce livre avec plaisir. L’histoire m’emmène dans un monde étrange, doux mélange d’une réalité possible et de l’univers d’Harry Potter. Un monde où magiciers et quiétons (des gens normaux quoi, vous et moi) se côtoient, où la magie existe, mais est gardée secrète et où elle ne se voit pas par les « autres ». Dans cette histoire, un chat génial et particulier, une grand-mère extraordinaire et un adolescent, des adolescents, attachants.

Ce sont principalement ces deux-là, le chat et la grand-mère, dans cet univers fantastique qui m’a fait dépenser près de vingt euros pour ses 400 pages. Mais la couverture est tout aussi magnifique. Avec son titre et le nom de l’auteur en relief. Avec les couleurs dorées de certaines lettres, ça pétille dans le regard. Et puis les illustrations sont tout aussi magiques : un chat blanc aux longs poils et au sourire coquin, des livres précieusement gardés par une végétation vivante et foisonnante, un manoir aux pièces éclairées dans une nuit de pleine lune et un personnage représentant la mort qui a le dos tranquillement posé tout contre un sablier gigantesque.

J’arrive sur la fin. Page 333 sur les 409, chapitre 25 sur 30 de « Magic Charly, l’apprenti » ; de Audrey Alwett.

«  Pendant deux heures, ils tentèrent de désherber la boutique. Sapotille tâcha aussi de prélever des livres dans la bibliothèque et se fit mordre. Quelques ouvrages s’étaient déjà accrochés à des branches et se prenaient pour des fruits. Sapotille parvint à en cueillir trois ou quatre qu’elle disait être particulièrement précieux.
– À mon avis, Maître Lin va très mal, dit-elle avec angoisse. Sinon, sa boutique ne serait pas dans un état pareil. »

Et puis, alors que je lis le nom de « Maître Lin » et pense aussitôt à cet autre livre « La petite fille de Monsieur Linh », de l’auteur Philippe Claudel, j’entends comme des trompettes légères et discrètes.

Dans ce salon silencieux où je suis seule à profiter de cet instant magique, je referme temporairement mon livre en glissant un index entre les pages 352 et 353 et tend mon oreille droite vers la source de ce bruit familier mais que je ne reconnais pas immédiatement, mon cerveau étant encore immergé dans une autre dimension…

Ces cris ressemblent un peu à ceux des oies dans le film « Donne-moi des ailes », de Nicolas Vanier que j’ai enregistré plus tôt à la télévision et regardé il y a quelques jours (et livre que j’ai lu il y a quelques mois !). Mais ces cris sont un rien plus aigus, plus brefs, plus claquants je dirais. Je tends mon oreille droite vers la fenêtre du salon. La droite car la gauche est légèrement défectueuse et entend moins bien. Je sais que cela ne sert à rien de me lever pour tenter d’apercevoir, d’identifier ces oiseaux en plein vol migratoire. Mes stores sont abaissés, les lampadaires dans la rue sont allumés et il aussi noir que dans un four éteint. Ma vue exceptionnelle, spécialisée et entraînée à remarquer la moindre petite bestiole rampante, courante ou volante ne me sera d’aucune utilité en ce moment précis. Alors, je ferme les yeux, l’index droit toujours dans mon livre et je profite de cet instant magique. Et je me les imagine. Un groupe de grues cendrées en vol, formant un « V », passant au-dessus de ma maison, de celle de mes voisins de gauche, de mes voisins de droite, de mes voisins d’en face. Puis, le « V » se disperse. Il y a deux groupes. C’est le désordre. Il y a des retardataires. On s’attend. On s’appelle. On essaie de se mettre d’accord, de remettre de l’ordre dans la formation.
Je suis auprès d’elles un instant. Un bref instant. Quelques secondes. Deux ou trois tout au plus.  Mais je suis là. Avec elles. Dans le ciel. Le vent est froid. La pluie n’est plus qu’un crachin et elle glisse sur mes grandes ailes. J’ouvre le bec pour donner la direction à suivre, pour m’assurer que toute la troupe, mes amies, ma famille, est bien derrière moi. Et on me répond. Et cela me rassure. Alors je le dis et je réponds à mon tour.

L’instant est passé. Les grues se sont éloignées. Le silence est revenu. Comme ma conscience est redescendue.

Je suis à nouveau au salon. Je ressens les pages du livre qui enserrent doucement mon doigt-marque-page, je dis au-revoir à ces oiseaux voyageurs et j’ouvre les yeux. Mon chat, le gros matou roux et blanc n’a pas bougé d’un poil, ignorant sans doute le voyage merveilleux que je viens de faire juste à côté de lui. Il est bienheureux lui aussi sur ce fauteuil, couché tranquillement dans une position apaisante, peut-être même est-il déjà dans un rêve…

Alors sans faire de geste brusque, pour ne pas le réveiller, j’enlève mon index de mon livre, inséré le vrai marque-pages à sa place, tends le bras vers mon smartphone-appareil-photo et immortalise cet instant.

En moins de dix minutes, j’ai rencontré Maître Lin, grand magicier et ai découvert sa bibliothèque magique, j’ai côtoyé des grues cendrées en plein vol d’une soirée d’automne et j’ai capturé le rêve d’un chat bienheureux.


Les photos des grues cendrées en vol ne datent bien sûr pas d’hier soir, mais de fin novembre 2020 (et les deux photos les plus proches datent de début février 2021). Je me souviendrai toujours de ce moment, car le ciel était bien bleu et comme pour à chaque fois que je fais cette observation, je les entends d’abord puis les cherche du regard. J’abandonne toute activité pour contempler ce ballet aérien jusqu’à ce qu’il n’y ai plus une seule grue visible.

Voici en images les livres et le film dont je parle plus haut.


Et les deux petits haïkus composés hier soir, juste avant de dormir, avec le son des trompettes des grues dans la tête :

soir de novembre
écoute les grues chanter
migration d’automne

dans le ciel de la nuit
j’écoute les grues chanter
magie d’automne


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Auteur : ecrimagine

La lecture, l'écriture, la photographie et l'observation de la nature, sont pour moi de bonnes sources d'apaisement, de relaxation, d'imagination, d'évasion, de partage, de découverte,...

2 réflexions sur « Écrire en pleine conscience avec ses sens en éveil »

  1. Coucou un beau récits de tes ressentis pour ce livre et tes secondes d’évasions dans un ailleurs déjà passé, superbe bon vendredi gros bisous

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  2. Que ton récit est beau !!
    Arc-en-ciel, chat, pluie, livres, grues…
    Le présent au salon…
    Superbe tranche de vie…
    Merci pour ce partage Cécile si poétique.
    Bises

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