Mon image in air, texte d’après images

Les images du jeu « Dixit » qui m’ont inspiré cette petite histoire

Hier après-midi, j’étais assise dans un fauteuil dans le jardin. Je profitais d’une accalmie météorologique ; le soleil illuminait une partie du ciel devenu bleu, alors que cinq minutes auparavant, il pleuvait comme vache qui pisse ! Dans ce ciel partiellement azuré, quelques nuages jouaient encore les prolongations. Sans doute étaient-ils occupés à relever le défi du plus gros, du plus lourd, du plus grand nuage gris foncé.

J’étais donc occupée à identifier ces nuages, une sorte de créature mi-dragon mi-mouton semblait avoir un poil d’avance sur un chien au corps allongé et sur une roue toute frisée de bigoudis gigantesques, quand tout à coup, mon attention fut attirée par une étrange musique.

Comme c’était étrange ! Ce n’est pas tant la musique qui me paru bizarre, mais plutôt le fait que je l’entende. Un peu dure de la feuille, j’ai parfois du mal à distinguer certains sons, surtout quand il y a un brouhaha environnant. Ici, il faut dire, après les averses coupées de visites éclairs du soleil, qu’il n’y a pas un chat dehors. Sauf moi. Qui ne suis pas un chat ! Et les escargots. Grâce à la pluie, ils sont de sortie. Sur le muret de mon jardin, certains se font la course, tandis que d’autres avancent, lentement mais sûrement, vers un but connu de eux-seuls.

Donc, cet après-midi-là, dans mon jardin, une musique. Elle est légère, douce, apaisante. Elle pourrait presque me bercer si je ne voyais pas le dragon-mouton prendre de l’ampleur, surtout au ventre, et menacer d’éclater. Je m’imagine que je parle à ce nuage, que je lui rappelle qu’il n’est pas une grenouille, mais bien un nuage, et qu’il ne gagne rien à essayer d’être aussi gros qu’un bœuf. Taille du bœuf qu’il a déjà largement dépassé ! Je suis sûre, il va bientôt éclater; me réfugier à l’intérieur, je devrai rentrer pour l’éviter.

Est-ce une flûte que j’entends ? Après les nuages, c’est au tour du son de la musique auquel je porte intérêt. Et à la personne, l’animal ou la chose qui s’y trouve derrière. Comme le nuage a décidé d’évaluer ma patience, je quitte le fauteuil et me lève pour me diriger non pas à la maison, mais au fond de mon jardin, car c’est de là que provient la musique. Tout au bout de mon petit jardin de ville, se dresse un majestueux arbre, vieux de cinq cents ans au moins ! C’est lui qui cache la forêt attenante à notre propriété. La seule forêt de la ville, au bout de mes yeux. Je sais, je suis gâtée.

L’arbre gigantesque a une chevelure tout aussi impressionnante que la circonférence de son tronc. Qu’il pleuve comme tout à l’heure, je devrais être à l’abri de sous ce grand parapluie naturel.

Le chêne semble être un sage, un protecteur, un guide. Oui, tout ça à la fois. Il cache multitude de petits animaux et préserve les champignons et les fleurs qui poussent tout autour de lui. A ses pieds, je parais, non, je suis, minuscule. Une fourmi devant un géant.

Je joue avec les arbres comme je joue avec les nuages. J’aime m’imaginer des objets, des visages, des personnages prendre vie dans mon regard. Maître Chêne a vraiment de beaux yeux et un sourire resplendissant dans son tronc. Son nez, un peu gros et large lui va comme un gant. Mais revenons à sa bouche, celle-ci est légèrement ouverte. Voudrait-il me confier un secret que cela ne me surprendrait pas. Que du contraire, je me sentirais honorée ! Ou peut-être voudrait-il me donner une mission ? Aïe, aïe, aïe ! J’espère que je serai à la hauteur.

Que suis-je bête ! Je suis venue à lui pour tâcher d’identifier cette musique, ce petit air sympathique. Serait-ce lui qui chante ? Non, pas possible ! Vu sa carrure, il devrait plutôt avoir une voix grâve et profonde, un souffle impressionnant, un sifflement important. Ici, c’est une mélodie discrète, mais néanmoins assez puissante pour que je le t’entende depuis mon fauteuil du jardin qui se trouve, quand même, à près de sept mètres. En faisant attention à ne pas écraser fleurs, insectes ou champignons, je contourne le géant d’écorce, une paume déposée doucement tout contre son large corps. Dans cette ambiance particulière, presque féérique, je me vois comme une cheffe-d’orchestre magicienne. D’un bout de branche ramassée, je fais aller ma baguette de haut en bas, et je bouge poignet et main pour donner le tempo, le bon rythme à cette musique qui m’envoûte complètement. Arrivée à l’arrière du tronc, je m’arrête net ! Ce que je vois me laisse pantois. Au dos de Maître-Chêne, tout un circuit est gravé, sur trois ou quatre millimètres de profondeur, dans son écorce. Ce sont des bretelles d’autoroutes non polluantes, des chemins pour un nombre incalculable de petits escargots. Avec leur corps beige et leur coquille brune, ils se confondent merveilleusement avec l’arbre. De loin, on pourrait les prendre pour des taches très claires de rousseur qui parsèment le dos du tronc. Mais des taches mouvantes. Lentes. Très lentes.

Je n’ai plus bougé depuis dix secondes. Ma baguette de cheffe-d’orchestre statufiée au bout de ma main. Et la musique continue ! D’une lenteur d’escargot, je me mets à leur niveau, j’avance mon visage pour détailler un peu plus ces petites bêtes qui ont une étrange allure. Je dis étrange allure, car au bout de leur tête toute gluante, il y a un petit bâton qui, dirait-on, donne de la musique, La musique, Cette musique ! Tous les escargots que je peux voir sont pourvu de cet étrange appendice musical. Ensemble, ils jouent cet air qui a attisé ma curiosité. De plus, une autre pair de cornes tient cet instrument que je qualifierais de minuscule trompette. On dirait que ces escargots ont des bras ! Je ne sais pas ce qui m’étonne le plus dans cette observation : le fait que des escargots jouent de la trompette, qu’ils ont des bras, ou qu’ils bercent l’arbre ? Ces petites bêtes font-elles partie intégrante de l’arbre ? Est-ce grâce à elles que le chêne semble si serein et plein de vigueur, même en hiver ? Mais alors, comment se fait-il que ce n’est qu’aujourd’hui seulement que je peux les entendre et les voir ?

Mystère.

Derrière moi, la pluie s’est remise à tomber. Les nuages ne forment plus qu’un amas grossier de couverture noire. Sans forme, tout lisse, uniforme, la chape de l’orage ne m’atteint pas. Je suis ailleurs, dans un autre univers que certains qualifient d’image in air.


En savoir plus sur Écrimagine

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Avatar de Inconnu

Auteur : ecrimagine

La lecture, l'écriture, la photographie et l'observation de la nature, sont pour moi de bonnes sources d'apaisement, de relaxation, d'imagination, d'évasion, de partage, de découverte,...

5 réflexions sur « Mon image in air, texte d’après images »

  1. J’ai adoré ton histoire !
    Que d’imagination ! Et puis j’aime les vieux arbres, les nuages et les escargots.
    Bises Cécile

    J’aime

  2. Oh magnifique, j´aime beaucoup cette histoire est tellement bien imaginée qu ´il me semblais te voir prés de l´´ arbre occupée a étudier son écorce! merci pour ce beau moment d´évasion bisous

    J’aime

Laisser un commentaire