Texte de Martine D.
Contrainte du livre d’Eva Kavian : 1 ritournelle d’enfant + 5 objets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres + 2 personnages caractérisés + 2 ou 3 expressions figurées = le tout ensemble dans un texte.
« Il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille »
feutre, sauce hollandaise, timbre poste, kangourou, fontaine
Luce est une commerçante superstitieuse et Christophe est un chômeur hyperactif (finalement, je n’ai pas utilisé ces caractéristiques)
expressions : prendre ses jambes à son cou – péter les plombs
« Il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille » Voilà que Luce a cette ritournelle en tête après toutes ces années. Sans doute l’arrivée prochaine de son premier petit enfant. Luce regarde un kangourou passer non loin d’elle. Elle est déboussolée. Elle ne comprend rien à ce qu’il se passe. Ça l’angoisse. Elle était là, au péage, à même pas 6 heures du matin, ou peut-être bien que si, il était tout juste 6 heures, il y a eu comme un éclair, et pouf, et paf, la voilà ici, elle ne sait même pas où, avec tous ces gens près d’elle. Son regard s’arrête sur l’enveloppe qu’elle tient dans la main. L’annonce du petit journal découpé et mis sous enveloppe. Pourquoi dans une enveloppe ? Elle pensait le poster ? Elle n’a même pas de timbre sur elle, depuis le temps qu’elle a troqué les envois postaux pour les emails plus rapides… Et tous ces gens… Par hasard, même si elle n’y croit pas une seconde, elle examine furtivement tous ces visages. Aucun ne lui ressemble. Lui, il est grand, vraiment grand, blond comme une sauce hollandaise, avec des yeux bleus. Sans barbe ni moustache… enfin, ça c’était lui il y a… combien de temps déjà ? 15, 20 ans ? Isabelle, sa fille aînée qui va bientôt être maman à son tour, a 29 ans, donc Christophe, l’image que Luce a de lui, date de 30 ans ! Punaise, ça fait un paquet d’années… et toujours ces sentiments troublants, forts, toujours cette attirance physique dès qu’elle pense à lui. Pourtant, elle avait essayé que ça marche entre eux à l’époque, mais il l’avait jeté comme une vieille chaussette pour des raisons tout à fait injustes. Malgré ça, elle était quand même revenue une fois vers lui, une dernière chance, malgré ses derniers mots blessants. Mais c’est à peine s’il lui avait répondue… et puis, même pas deux ans plus tard, quand Luce est à nouveau amoureuse, quand Luce vient à peine de se mettre en ménage avec Laurent, voilà qu’il revient. Il la demande en mariage, comme ça, comme si de rien n’était, comme s’il n’avait rien dit, rien fait… Mais Luce est amoureuse, et même si elle sait qu’elle ne se mariera jamais avec Laurent, elle sait qu’elle doit faire un bout de chemin avec lui… elle attend son premier enfant de lui. Alors, elle repousse les avance de Christophe, même si cela lui fait quand même un peu mal, elle sait qu’elle mérite mieux, elle mérite quelqu’un comme Laurent.
Et puis, les années passent. Sur un réseau social fort connu, ils se retrouvent, des mots échangés, des souvenirs évoqués. Chacun peut voir ce que l’autre est devenu grâce aux photos des conjoints respectifs… mais ils ne peuvent plus se voir, ils savent que l’attirance est forte, et ils respectent leur couple d’aujourd’hui.
Qu’est-il donc arrivé à Christophe pour qu’il passe cette petite annonce ? Maintenant ? Après toutes ces années ? Il a dû péter les plombs, et elle disjoncte avec… Elle n’a pas résisté, elle n’a plus pu attendre. Elle voulait savoir si après tout ce temps, après cette absence visuelle et physique, elle avait raison de ressentir cette boule au ventre à chaque fois qu’elle pense à lui…
A présent, la voilà ici, ailleurs, ce n’était pas son objectif. Elle a peur de manquer le rendez-vous. Elle pense à Christophe qui doit attendre, encore un peu plus… puis, elle pense à Isabelle, qui doit accoucher dans 8 jours. Mais où bon sang se trouve-t-elle ? Et qui sont tous ces gens ? Que font-ils tous ici ?
A sa gauche, une fontaine lance son eau à tout-va. Trop de vent. Elle est moche la fontaine, et l’eau elle-même prend ses jambes à son cou tellement elle veut fuir cette architecture horrible, ce récipient mal conçu, ces tuyaux mal fabriqués, ces statuettes incomplètes…
Luce n’a qu’une envie : le retrouver, que le désir brûle en elle comme autrefois. Déterminée, elle s’avance vers le premier groupe qui s’est rassemblé autour de la fontaine. Le premier mec qui lui ressemble, elle l’embrasse, même s’il faut qu’elle lui colorie les yeux au feutre bleu pour qu’il lui convienne mieux.
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Etrange, un peu de suspens et d’amour un beau mélange
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