Suite de la proposition 58 de Tisser les mots… (pour lire les histoires des participants, clic sur leur nom en-dessous de la proposition 58).
Les contraintes en bleu ont été prises du livre d’Eva Kavian (Écrire et faire écrire, tome 1)
Texte 2 : texte de Dorothea
Contrainte page 55 : Choisir un objet banal, commun et écrire le mode d’emploi de cet objet qui serait livré avec lors de son achat comme si l’acheteur ne savait pas comment l’utiliser.
Mon objet choisi : des ciseaux
Plus loin, Georges est attentif au moindre bâtiment qui pourrait ressembler à un château d’Espagne, mais ici, il n’y a que forêts, palmiers et autres plantes vertes, jaunes et rouges. Cela ne le dérange pas, que du contraire, car il aime les plantes, et il a plutôt la main verte. Après la déception de l’absence de château, il se met en quête d’une autre recherche. Le plus étrange dans cette recherche, c’est qu’il ne sait même pas ce qu’il doit trouver… il sait que quelque chose lui manque, mais il ne sait pas encore quoi. C’est juste là, au fond de son ventre… un manque.
Un à un, il énumère tous les éléments qui lui sont familiers sur cette île. Il sait qu’il est parti de son appartement pour une raison bien précise. Trouver cette chose ne devait pas lui prendre beaucoup de temps puisqu’il n’a pas demandé à sa voisine de venir arroser ses plantes durant son absence. Ce qu’il cherche est donc commun, il aurait pu le trouver au coin de sa rue. Pourquoi et comment est-il arrivé ici ? Par mégarde, il aura sans doute senti d’un peu trop près sa plante qui libère une fleur au parfum enivrant et aux propriétés hallucinatoires. Cela pourrait tenir la route si ce n’est que tout est réel, ce qu’il touche ici, il le sent vraiment au bout de ses doigts, ce qu’il voit ne disparaît pas quand il cligne des yeux. La quête de son Graal lui importe davantage que la façon dont il est arrivé ici. Quoique s’il y réfléchit plus sérieusement, il lui faudrait quand même rentrer chez lui… Au fait, a-t-il bien fermé la porte de son appartement avant de partir ? A-t-il bien éteint le gaz après s’être servi son thé ? A-t-il nettoyé l’évier de sa salle de bain après s’être coupé la joue et mis des gouttes de sang sur le robinet ?
Après toutes ces questions, Georges est dans tous ses états. Il hésite. Il doute. Il sait que ce n’est pas bien de ne pas avoir confiance en lui. Il se remémore le visage empourpré de la femme de ménage qui nettoyait sa chambre quand il a séjourné brièvement dans la clinique Descots, une clinique spécialisée qui ne soigne que les patients souffrants de tocs et autres troubles obsessionnels. La femme qui nettoyait les chambres aurait pu être médecin… ou patient ! Dès qu’elle était témoin d’un conflit, d’un doute, d’une remise en question d’un de ces pensionnaires, elle entrait dans une rage folle, nettoyait en jurant tout en faisant la morale. Elle ne quittait la chambre qu’une fois certaine que son message avait été compris.
Même ici, loin d’elle, Georges peut encore ressentir sa présence inquiétante et sa voix exigeante. Les mains sur les oreilles, Georges essaie de faire taire les questions qui ne cessent de le hanter à présent. Il ferme les yeux, inspire lentement et profondément, puis essaie d’expirer toute aussi doucement. Il visualise une montagne que sa respiration grimperait péniblement pour redescendre précautionneusement. Le tremblement de ses mains s’estompe petit à petit, le calme revient au fond de lui. Avec un sourire vainqueur, ses paupières se rouvrent et Georges embrasse le paysage comme s’il revenait d’un long rêve.
« Une question à la fois » c’est ce qui revient à présent sans discontinuer dans sa tête. Il prend les choses comme elles viennent et il essaye de calmer le flot de questions en y répondant à une seule à la fois. Là, à cet instant précis, la question qui lui brûle les neurones c’est « qu’est ce qui brille comme ça, là-bas, près de cet arbre ? »
Georges se dirige donc naturellement vers ce séquoia géant qui doit se voir depuis n’importe quel endroit de l’île. Plus il se rapproche de ce végétal colossal, plus de lumières scintillantes éclairent son chemin. Il en est encore à plus de dix mètres quand il découvre un trou à la base de l’arbre. Encore une fois, plus il se rapproche de l’arbre, plus le trou devient grand. Finalement, Georges peut passer dans le trou qui doit bien mesure trois mètres de haut, une fissure pour la taille démesurée de cette espèce d’arbre. Telle une fourmi, Georges se glisse dans le trou. A l’intérieur du tronc, il y a une sorte de passage. Ce ne sont pas vraiment des escaliers, mais plutôt des couches de bois qui permettent à cet homme de pouvoir grimper au cœur même du séquoia. Vu de dehors, vu de loin, les fruits brillent de mille feux, mais quand Georges s’est approché suffisamment près pour essayer d’un cueillir un, la magie a disparu, toute cette lumière s’est envolée. Or, en plein milieu des entrailles boisées, Georges a pu cueillir un fruit à peine mûr. Un fruit étrange, dur, long, effilé, et froid. Quand Georges a pris le fruit dans sa main, un pétale de papier s’est détaché à la base du fruit. Sur ce pétale, des notes explicative sur l’utilisation de ce fruit spécial :
CISEAUX
Fruit non comestible du Sequoiadendron giganteum ciseaum. Ce fruit, tombe quand il mûr, c’est à dire quand son côté fin et droit est dur et coloré comme du métal. Ce fruit, baptisé instrument par son utilité, est principalement utilisé pour découper avec douceur tout objet plat de moins de 2 mm d’épaisseur, comme des feuilles, du papier, du tissu, de la laine, ou toute autre matière non rigide.
Pour le manier, veuillez suivre la procédure ci-dessous :
1) Passez le majeur de votre main que vous utilisez le plus, dans la boucle la plus allongée du fruit et le pouce dans l’autre boucle jusqu’à ce que les bords de chaque boucle soit entre 2 articulations de doigt. Pour plus de facilité et de précision, vous pouvez poser votre index de cette même main sur la boucle extérieure, à celle du majeur.
2) Ensuite, ouvrez les lames de l’outil-fruit en écartant tout simplement les doigts.
3) Puis, rapprochez le ciseau de l’objet que vous voulez découper de façon à ce que celui-ci soit le plus loin possible entre les lames.
4) Pour terminer, resserrez les lames en rapprochant les boucles du fruit et en tenant de la main libre l’objet à découper.
5) Renouveler l’opération si nécessaire.
Georges dû relire la notice d’explication à trois reprises avant de comprendre le bon fonctionnement de sa trouvaille. Un fruit qui ne se mange pas mais qui s’utilise comme un non-aliment, il n’avait pas encore vu ça.
Après avoir testé le fruit ciseaux sur la feuille d’un autre arbre, Georges examina son travail. En moins de dix minutes, il avait découpé avec précision le silhouette du séquoia dans la feuille de ce marronnier.
Comme mentionné en fin de notice, il aiguisa les lames du fruit en découpant 3 fois dans une feuille de Pilea cadeirei qui avait été préalablement pliée en 4. Il ignorait que cette espèce de plante, du moins ses feuilles, pouvait servir à ça. Lui qui pensait bien connaître les plantes, en a encore beaucoup à apprendre. Mais comme tout bon élève, il retient de ses leçons. Maintenant, il se souvient qu’il devait aller chercher un couteau pour remplacer celui qu’il avait cassé… un ciseau pourrait faire l’affaire se dit-il, en refermant les lames l’une sur l’autre, ça ressemble un peu à un couteau pointu.
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Superbe je vais lire la suite, bisous
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