Chapitre 4
Elina trouve rapidement une place à une table, où il y a déjà deux autres filles de son âge. Aujourd’hui, elle a demandé à ce que l’on prépare une boulette de viande froide, coupée en fines rondelles et insérées dans deux tranches de pain légèrement beurré. Au moment où elle mord pour la deuxième fois dans ses tartines, elle s’arrête de mâcher, ouvre légèrement la bouche et essaye d’enlever un de ses cheveux qui s’est malencontreusement glissé à l’intérieur de sa nourriture. L’inconvénient d’avoir de si longs cheveux, c’est qu’ils sont plus embêtant quand ils tombent et qu’ils s’insèrent là où ils ne devraient pas, comme dans son repas. Une fois l’indésirable ôté et jeté à terre, Elina ouvre sa tartine pour bien vérifier qu’il n’y en a pas encore un petit morceau qui traînerait.
Il est douze heures passées de trente-cinq minutes, quand la jeune fille semble perdue dans la contemplation de ses tartines. Si elle n’avait pas caché le dessin qu’elle a trouvé, elle aurait crié au tout réfectoire que la bête illustrée s’est matérialisée sous ses yeux en lieu et place de son pain aux boulettes. Elle distingue clairement le corps brun de l’animal, avec le bout de ses pattes blanches.
Emmenée par cette illusion, Elina se projette aussitôt aux côtés de l’étrange chat-ours. Elle atterrit, sans trop se demander comment, dans un monastère. Elle qui d’habitude se pose trente-six questions à tout bout de champ, reste admirative devant les fresques tibétaines qui ornent les deux longs murs latéraux du bâtiment. Dans son autre école, elle avait participé à un cours du soir un peu particulier car il s’agissait de découvrir le mandarin. Durant ces neuf mois, elle était restée fascinée par l’écriture calligraphique, par l’encre de Chine et les plumes utilisées. Elle s’était appliquée à reproduire la même graphie que son professeur, gardant une concentration maximale tous ces vendredis soirs.
En dessous de chaque peinture ronde, il y a des calligraphies plus sophistiquées, mais plus jolies que celles qu’elle a apprises. Est-ce un titre ou un diction qui explique l’origine de l’œuvre ? En se rapprochant des murs, qui sont légèrement inclinés pour résister aux tremblements de terre qui sont fréquents dans cette région montagneuse, Elina constate que les peintures décoratives sont en fait des mandalas créés grâce à de la poussière colorée, celle-là même qui est appliquée avec soin sur le dessin qu’elle a trouvé dans la bibliothèque ! Elle tourne sur elle-même pour embrasser tout l’intérieur du monastère. C’est lumineux, c’est grand, c’est beau. Elle en reste bouche bée. Les nombreuses vitres permettent au soleil d’illuminer presque chaque recoin du lieu, et les deux statues de dragons placées tout en haut de la gigantesque porte d’entrée, projettent leur ombre sur la cour intérieur. Elina n’aime pas trop le silence qu’il y a dans cet établissement, quand, tout à coup, un animal furtif surgit de nulle part, galope devant elle sur des pattes de velours. Il ne fait aucun raffut malgré la rapidité avec laquelle il se déplace. Pas besoin de se poser la question, l’animal en question est le personnage vivant du dessin qu’elle a trouvé et qu’elle avait cru reconnaître à l’intérieur de ses tartines : une bête moitié chat, moitié ours, brune et blanche.
La fille n’en croit pas ses yeux. Se serait-elle retrouvée dans un monde imaginaire, un monde parallèle au sien ? Et puis surtout, comment serait-elle arrivée là ? Rêve-t-elle ? Qu’elle que soit la réponse, Elina n’hésite pas plus longtemps et se hâte de retrouver la trace du petit animal. Malgré sa carrure d’ours, il est rapide et agile, il doit tenir ça de sa moitié féline. Ni une, ni deux secondes plus tard, Elina est là, derrière un pilier haut d’au moins quatre mètres, et espionne « son » animal. Il est debout sur ses pattes arrières et lui tourne le dos. La pièce dans laquelle il se trouve ressemble à une salle de gymnastiques, il y a des espaliers en bambou fixés à un mur, une barre d’équilibre aussi en bambou, un énorme coussin de forme ronde qui semble rempli de feuilles étroites et allongées et il y a même une corde tressée suspendue au plafond, avec des nœuds à intervalles réguliers. Un petit trampoline complète la scène surréaliste.
L’enfant ne sait plus où donner de la tête, quand le chat-ours, toujours immobile à cinq ou six mètres d’elle, lui parle tout à coup :
– Ne te cache pas voyons. Tu peux entrer et me dire qui tu es ?
Elina regarde derrière elle, est-ce à elle qu’il s’adresse ? Cet animal est doué de parole ? Elle n’en revient pas, ce rêve est de plus en plus … fou, mais cela lui plaît !
– N’aie pas peur, tu ne crains rien ici. Je vois en toi de nombreuses images de pandas roux, de chats, de chiens et même de dauphins. Tu aimes beaucoup les animaux. C’est sans doute cela qui t’a conduit dans ce lieu un peu particulier.
L’animal se retourne et regarde l’enfant droit dans ses yeux. Son visage, un peu pointu, lui fait davantage ressembler à un renard qu’à un panda roux. Mais Elina se garde bien de le lui dire de peur de le vexer.
L’étrange créature lui répond alors, mais sans bouger sa mâchoire. Il lui parle sans ouvrir sa bouche !
– Tu as raison, je n’aime pas que l’on me compare à un renard. Merci de garder cela pour toi…
Elina se fige. Il a lu dans ses pensées ! Et il continue en lui précisant qu’elle a un don, mais qu’elle ignore encore lequel, alors qu’ils sont occupés à communiquer.
Dans la tête de la jeune fille, des images et des questions se bousculent. Est-il le fruit de son imagination ? Cet animal existe-t-il ou a-t-il existé autrefois ? Pourquoi sont-ils seuls ici, verra-t-elle d’autres étranges créatures ?
– Non, oui, pas tout seul, oui. Entend-elle.
– Pardon ? Dit-elle.
Cette fois, elle a parlé tout haut, le son de sa voix se répercute sur les grands murs. Il y a comme un écho et elle s’entend redemander :
– Que dis-tu ?
Le chat-ours plisse les yeux. Il essaye de lui faire comprendre quelque chose mais visiblement, Elina a du mal à interpréter son silence. C’est que justement, il poursuit son explication, mais au même instant, des bruits de pas arrivent, d’autres voix s’élèvent et finalement, c’est dans un boucan incroyable qu’Elina se voit comme tomber dans un trou. Elle ne comprend rien à ce qui se passe, elle n’entend plus la voix grave et calme du panda roux. Elle se sent bousculer, et quand elle se retourne pour voir qui fait tout ce bruit derrière elle, elle remarque que le réfectoire de son école se vide rapidement.
– Tu es malade ma Pitchoune ? Lui demande la surveillante des repas tartines.
Elina ne sait pas quoi répondre. Le retour à la réalité est brusque, soudain et déstabilisant. Le fait qu’elle ne bouge pas, qu’elle ne parle pas, et qu’elle garde sa tartine en mains fait réagir l’adulte la plus proche d’elle. Un violent vertige prend l’enfant par surprise, et c’est quand une main se pose sur son épaule, qu’elle remet la moitié de sa tartine. La surveillante parle à sa collègue. Elina ne comprend pas un mot de ce qui se dit, mais elle est encouragée à répondre à une question qu’on lui pose pour la troisième fois.
– Tu m’entends ?
Finalement, elle acquiesce faiblement de sa tête. Elle refait ce geste pour répondre à une autre question et elle est emmenée aux toilettes pour lui passer de l’eau sur son visage. Cinq minutes plus tard, elle est allongée à l’infirmerie. Quand on lui pose une fine couverture sur elle, elle remarque que l’institutrice de son petit frère est là aussi, un produit et un sparadrap en mains. Elle voudrait savoir si c’est pour Liam, mais les forces l’abandonnent et elle sombre aussitôt dans le sommeil.
En savoir plus sur Écrimagine
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Coucou Cécile
C’est passionnant et captivant… J’attends la suite.
Bisous du samedi.
J’aimeJ’aime
Bonsoir, et bien tu sais nous tenir en haleine espérons que la Pitchoune va se réveiller vite, superbe bonne soirée bises
J’aimeJ’aime
Oups…
Je ne sais pas où tu nous emmènes, mais j’y vais. :)
J’espère qu’elle va sortir de ce sommeil.
J’aimeJ’aime